Iphigénie en Tauride: l’amour au temps des déesses

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Publié 10/11/2009 par Annik Chalifour

La compagnie de théâtre musical et de ballet, Opera Atelier, dédiée à la production d’opéras des XVIIe et XVIIIe siècles, a repris le spectacle Iphigénie en Tauride, qu’elle avait présenté en 2003. S’inspirant de la Grèce antique, l’œuvre du compositeur Autrichien Christoph Willibald Glück, fut montée pour la première fois à Paris en 1779. Le spectacle tenait la vedette au Elgin Theatre du 31 octobre au 7 novembre.

Sous la co-direction artistique de Marshall Pynkoski et Jeannette Lajeunesse Zingg, la distribution incluait sept chanteurs, tous anglophones, sauf le baryton québécois Olivier Laquerre dans le rôle du roi Thoas, plus une quinzaine de danseurs. Le tout était accompagné par l’orchestre et le chœur de chant Tafelmusik.

Le spectacle sous-titré en anglais, a permis (aux gens bilingues) de mieux saisir les dialogues chantés en français, dont on perdait souvent les mots.

Comme pour tout opéra, il est fortement suggéré d’en lire le synopsis, avant d’assister au spectacle. Iphigénie en Tauride, représentation théâtrale aux origines religieuses, fut composée par Euripide vers l’an 413 avant J.-C.

Glück a repris les éléments du mythe grec transmis par l’auteur grec, en fouillant particulièrement les émotions des personnages principaux: celles d’Iphigénie interprétée par la soprano Peggy Kriha Dye, de son frère Oreste interprété par le ténor Kresimir Spicer et son compagnon Pylade par le ténor Thomas MacLeay.

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L’ouvrage bien équilibré, se divise en quatre actes de durée sensiblement égale, pour un ensemble de deux heures.

L’intervention divine

Agamemnon, roi de Mycènes et frère de Ménélas, organise une flotte de 1000 navires afin d’aller délivrer Hélène, épouse de Ménélas retenue captive par Paris dans la ville de Troie.

Alors que de grands vents empêchent les navires d’avancer, Agamemnon entend un message divin à l’effet que les vents cesseront, à l’unique condition de sacrifier sa fille Iphigénie.

Au moment du grand sacrifice, la déesse Diane intervient pour épargner Iphigénie de son horrible destin. La jeune femme, accompagnée de nymphes grecques, est alors transportée vers l’île de Tauride, où elle doit en observer les rites barbares voués au culte de la déesse Artémise.

Agamemnon retourne triomphant de la guerre de Troie. Sa femme Clymnestra l’assassine, en guise de vengeance de la mort d’Iphigénie. Oreste, frère cadet d’Iphigénie, tue sa mère, pour venger la mort de son père.

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L’opéra commence au moment où Oreste et son ami Pylade, victimes d’un naufrage, se retrouvent sur les rives de Tauride.

Devenue sujette du roi Thoas de Tauride et selon ses rituels primitifs, Iphigénie doit donner la mort à tout étranger qui s’aventure sur l’île. Elle s’apprête à ordonner le sacrifice des deux étrangers, quand elle reconnaît son frère Oreste.

Grâce à l’intervention divine de Diane, Iphigénie retourne en Grèce, s’enfuyant avec Oreste et Pylade.

L’ombre et la lumière

La symphonie d’ouverture de l’opéra, met le spectateur de plain-pied avec la tragédie. Elle décrit une tempête au loin, créant une atmosphère de gravité qui donne d’emblée le ton de l’ouvrage.

Pourtant la mise en scène laisse place à une certaine légèreté de l’être, malgré le sang qui coule. La chanteuse principale Peggy Kriha Dyes et les danseuses qui l’entourent, sont parées de robes d’époque aux couleurs vives mais recouvertes d’un fin tissu noir et transparent.

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Chacun de leurs mouvements, comme sous un jeu mystérieux d’ombre et de lumière, laisse entrevoir des filets d’émotions fortes, oscillant entre le désarroi et la plénitude.

Tour à tour, chaque personnage, montre son côté ombre et lumière. Comme dans la vie, où l’un face à l’autre, on choisit de cacher ou de dévoiler ses propres mystères.

Une mise en scène à la fois sobre et puissante, qui fait graduellement pénétrer le spectateur dans toute l’horreur du matricide et des sacrifices humains.

Le miracle de l’opéra

L’intensité des rapports humains est en particulier fortement illustrée dans l’acte trois où les deux amis, Oreste et Pylade, emprisonnés dans le temple sacré de Diane, se démontrent mutuellement leurs sentiments face au destin morbide qui les unit; et dans l’acte quatre où la sœur et le frère, Iphigénie et Oreste, se témoignent un amour fraternel enflammé.

Le gestuel amplifié des deux hommes enlacés se parlant avec passion de l’amitié qu’ils éprouvent l’un pour l’autre avant d’affronter la mort, laisse croire que leur sentiment s’est métamorphosé en relation amoureuse.

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C’est le miracle de l’art complet qu’est l’opéra, où le langage corporel, théâtral et musical l’emporte sur les perceptions. Comme le veut l’opéra à la grecque, la communication non verbale dans Iphigénie, accorde une vaste ampleur sans réserve, à toutes les formes d’émotions humaines. Le même art s’exprime, lorsqu’Iphigénie caresse son frère retrouvé, d’une main douce qui traîne sur le coup du cadet bien-aimé.

La danse des émotions

On ne peut commenter Iphigénie, sans se rapporter aux superbes chorégraphies qui servaient à aggraver ou alléger l’atmosphère des scènes, selon les sentiments évoqués.

Le gestuel des danseurs accentuait magnifiquement le jeu théâtral des chanteurs acteurs. Tantôt les danseuses devenaient le prolongement des émois d’Iphigénie, alors que les danseurs reflétaient les terribles angoisses d’Oreste ou la fureur du roi Thoas.

«Dès le début vous êtes transportés dans la féerie du spectacle: la musique, la danse et la lumière mettent si bien en valeur les émotions transmises par les chanteurs. Même lorsque le rideau tombe, vous continuez de méditer sur les scènes qui vous ont tant touché», selon une spectatrice enchantée.

Rendez-vous au prochain spectacle d’Opera Atelier en avril 2010: Le mariage de Figaro.

Auteur

  • Annik Chalifour

    Chroniqueuse et journaliste à l-express.ca depuis 2008. Plusieurs reportages réalisés en Haïti sur le tourisme solidaire en appui à l’économie locale durable. Plus de 20 ans d'œuvre humanitaire. Formation de juriste.

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