Importateur de conflits, exportateur de réconciliation

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Publié 04/05/2004 par François Bergeron

Les récents actes de vandalisme commis contre des institutions juives et contre des propriétés de citoyens juifs à Toronto, à Montréal et à Kitchener ont soulevé l’indignation de la grande majorité des Canadiens.

De tels incidents, comme d’autres survenus ailleurs ces dernières années, notamment en France où se trouvent les plus importantes minorités juive et musulmane en Europe, ravivent inévitablement le souvenir des persécutions nazies.

Des facétieux ont blamé Mel Gibson et son film La Passion du Christ, ou Ernst Zündel et son site Internet. Mais, de nos jours, ces gestes criminels sont plus souvent liés au conflit israélo-palestinien et aux interventions américaines au Moyen-Orient associées au lobby juif.

Car il y a bel et bien un lobby juif très influent au Canada, aux États- Unis et dans plusieurs pays. Le terme n’est pas péjoratif: il y a des groupes d’intérêts ou de pression pour tout, y compris pour les francophones… et tous veulent «contrôler le monde», c’est-à-dire exercer la plus grande influence dans la société et sur la scène internationale.

Aucun lobby n’est monolithique. Chacun est souvent composé d’associations plus ou moins représentatives et d’individus aux compétences et aux motivations diverses, parfois contradictoires. La diapora juive est peut-être la plus ancienne et la mieux organisée. C’est une communauté qui, depuis très longtemps, valorise le commerce, les arts, les sciences, l’éducation, clés du progrès et de la prospérité. Et, on le sait, le succès a toujours fait des jaloux.

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Choix de sociét?

Nous avons fait de notre pays une terre d’immigration et d’asile exemplaire. Mais à cette décision était attachée, croyait-on, une condition: les immigrants et les citoyens canadiens voulant continuer de chérir leurs origines ethno-culturelles devaient abandonner à nos frontières leurs préjugés et leurs haines ancestrales.

Il est inacceptable que soient importés chez nous les conflits entre Juifs et Arabes, Sikhs et Indous, Tutsis et Hutus, Serbes et Croates, etc. Pas parce que les Canadiens sont plus vertueux que les autres – nos conflits inter-ethniques anglo-franco-autochtones ne sont pas tous réglés – mais bien parce que l’immigration doit faire partie des solutions à nos problèmes.

Même si elle nous apparaît parfois davantage comme un fait accompli sur lequel nous n’avons pas été consultés, l’ouverture à l’immigration n’est pas une obligation. Elle reste un choix de société que nous avons le droit de réexaminer périodiquement. La citoyenneté canadienne, par exemple, est accordée trop facilement à tout venant: nous devrions en revoir les critères et allonger la période de probation.

Il y a toujours lieu de croire que le Canada est une terre de réconciliation. Chez nous, on discute du Moyen-Orient ou des Balkans sans s’entretuer; les commerces Indiens et Pakistanais se côtoient dans le même quartier; et quand le Canada anglais combat le séparatisme québécois, il le bombarde de… commandites!

La réconciliation est même une exportation canadienne: c’est nous qui avons proposé à l’ONU la création des Casques Bleus et qui sommes les plus sollicités pour nous interposer entre des belligérants sur tous les continents.

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Mondialisatio

Mais ce sont là des lauriers sur lesquels nous sommes assis depuis trop longtemps. La mondialisation qui a rapproché les peuples a aussi répercuté l’écho de leurs conflits, notamment au Canada qui est justement l’un des pionniers du libre-échange des produits, des services et des idées à l’échelle de la planète.

Il était inévitable que notre multiculturalisme débridé ne produise pas que des danses folkloriques et des plats exotiques. Qu’un grand nombre de Canadiens de toutes origines prennent fait et cause pour les Palestiniens ou les Irlandais, dénoncent la guerre en Irak ou la colonisation du Tibet… Mais aussi que quelques exaltés soient tentés de venger ici des injustices commises ailleurs. Que les rengaines sur la part de responsabilité de telle minorité dans telle catastrophe trouvent preneurs. Que des superstitions moyenâgeuses ou nouvelâgeuses résistent à la raison. Que des mythes sur le capitalisme ou la science instillent la paranoïa. Tout cela peut donner lieu à des dérapages: graffitis, injures, émeutes, incendies, meurtres…

L’huile sur le fe

La résistance aux menées américano-israéliennes s’est internationalisée depuis l’échec des négociations entre Israéliens et Palestiniens en 2000, la relance d’une Intifada chimérique, la cruelle répression intensifiée par le gouvernement Sharon, les attentats du 11 septembre 2001 et la riposte erronée et incendiaire de Washington. Le président George W. Bush, qui a voulu faire croire que l’Irak était associé au terrorisme islamiste, n’a réussi qu’à exposer sa propre inféodation aux intérêts israéliens radicaux.

Les Juifs du Canada et un grand nombre de démocrates vont continuer d’appuyer l’État d’Israël, même si plusieurs d’entre eux voteraient contre le gouvernement Sharon, son mur, ses bulldozers et ses assassinats – et contre l’aveuglement américain. Les Arabes et les Musulmans du Canada soutiennent naturellement la cause palestinienne – et certains applaudissent chaque fois qu’un soldat américain est tué en Irak – même quand ils déplorent l’absence de liberté et de modernité dans les pays d’où ils viennent.

De nombreux Canadiens sont solidaires de l’un ou de l’autre groupe. Le contraire serait malsain et traduirait une ignorance de la géographie ou une indifférence pour les enjeux internationaux – qu’on reproche justement aux Américains ordinaires.

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Le Canada devrait continuer de jouer un rôle positif sur la scène internationale, comme lorsque nous avons refusé de participer à l’invasion de l’Irak, même si cela ne sera jamais une garantie infaillible de paix sociale et de sécurité intérieure.

Auteur

  • François Bergeron

    Rédacteur en chef de l-express.ca. Plus de 40 ans d'expérience en journalisme et en édition de médias papier et web, en français et en anglais. Formation en sciences-politiques. Intéressé à toute l'actualité et aux grands enjeux modernes.

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