Il n’y a plus de «Ford Nation»

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Publié 27/11/2012 par François Bergeron

La carrière politique de Rob Ford est terminée. D’un côté comme de l’autre de la scène politique municipale, les élus et les administrateurs doivent en prendre acte le plus tôt possible, travailler à restaurer une certaine cohérence dans la gestion de Toronto, et, pour ceux que ça intéresse, commencer à s’organiser pour les élections du 27 octobre 2014.

Ford prétend encore y participer, mais il n’a aucune chance. La «gauche» néo-démocrate pourrait s’unir derrière une personnalité charismatique comme Olivia Chow ou Adam Vaughan. La «droite» conservatrice ou libérale préférera un candidat intelligent et rassembleur, à la John Tory ou Karen Stintz.

Si la Cour d’appel de l’Ontario suspend la décision du tribunal de première instance et permet au maire de Toronto de rester en poste jusqu’à ce qu’elle confirme ou annule sa destitution, Ford ne serait plus qu’un «zombie» à l’Hôtel de Ville, dont la gestion serait erratique pendant encore deux ans.

Si la Cour d’appel maintient le jugement de lundi matin, qu’elle accepte ou non d’entendre son plaidoyer plus tard, Ford devra quitter son bureau le 10 décembre. Quelle que soit notre opinion du bonhomme, c’est le meilleur scénario pour les Torontois.

Les conseillers municipaux devraient alors choisir (parmi eux) un nouveau maire pour le reste du mandat.

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Alternativement, le Conseil pourrait décider de déclencher une élection partielle à la mairie. Mais ce serait coûteux et on voit mal comment un tel processus contribuerait à restaurer la stabilité et la coopération dont l’administration municipale a besoin présentement.

Mieux vaut, donc, que Ford soit chassé de la mairie tout de suite et qu’un nouveau chef intérimaire de l’exécutif soit choisi par les conseillers municipaux. La majorité de conseillers qui soutenait les projets de Ford s’était d’ailleurs déjà effritée, au fil des gaffes et des coups bas. La désignation d’un nouveau maire par ses pairs favoriserait un nouveau réalignement plus fonctionnel des forces en présence.

La carrière politique de Rob Ford est terminée parce que ses frasques stupides et sa grossièreté (sans jeu de mots) ont fini par embarrasser et décourager ses alliés et ceux qui avaient voté pour «le respect des contribuables», son excellent slogan électoral en 2010.

Cet électorat de «droite» n’a pas disparu, mais il ne se reconnaît plus dans la «Ford Nation». Le maire n’a pas été victime d’un «complot» ourdi par la «gauche», même s’il y a bel et bien une clique socialo-syndicaliste qui cherchera toujours à prendre le pouvoir pour tout taxer et tout contrôler. Ici, Rob Ford a été victime de Rob Ford.

En 2010, alors qu’il était conseiller municipal, il aurait dû rembourser les 3150$ ramassés pour sa fondation de football suite à l’envoi de lettres sur papier à en-tête officiel de l’Hôtel de Ville. C’est un montant insignifiant. La cause restait admirable. Il aurait même pu se servir de cette erreur à son avantage.

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Tête de cochon, il a délibérément ignoré les avis et les remontrances du Commissaire à l’intégrité, comme d’ailleurs celles de collègues du Conseil municipal.

Apparemment, aucun avocat ne lui a soufflé que participer aux débats et voter au Conseil sur une résolution le concernant (deux fois) constituait une infraction à la loi provinciale sur les conflits d’intérêts. (On devrait d’ailleurs enquêter pour déterminer pourquoi les autres membres du Conseil municipal n’ont pas été en mesure de l’empêcher de participer à ces débats; au minimum, un point d’ordre aurait dû être soulevé et discuté.)

Ford a aussi admis n’avoir jamais lu le manuel d’instructions offert aux élus municipaux, ni participé à la session d’orientation.

Peut-être a-t-il tout simplement congédié ses avocats, comme il a refusé qu’on lui fournisse un chauffeur, courant plutôt le risque d’être arrêté pour téléphoner, texter ou lire son journal au volant… ou d’être impliqué dans un accident (contre un cycliste, ce serait le comble!).

On sait qu’il ne souffre pas la contradiction, qu’elle vienne du directeur de la Commission des Transports, du chef de la Santé publique, ou même de gens qui croyaient être ses amis, peut-être à la seule exception de son frère Doug.

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Ce «manque de diligence dans l’obtention de conseils professionnels, qui équivaut à de l’aveuglement volontaire» – selon les mots du juge Charles Hackland, de la Cour supérieure de l’Ontario – semble caractériser l’ensemble de l’action politique et personnelle de Rob Ford.

Un tel amateurisme – confirmé par d’autres bizarreries comme le détournement d’autobus de la TTC pour transporter ses joueurs de football ou de travailleurs de la voirie pour nettoyer le quartier de l’entreprise familiale – est incompatible avec le poste de maire de la plus grande ville du Canada.

En 2010, on pouvait croire ou espérer qu’une fois élu maire, Rob Ford aurait eu l’humilité de s’entourer de gens compétents et de suivre leurs conseils. On s’est trompé, on le sait aujourd’hui, et la carrière politique de Rob Ford est terminée.

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Auteur

  • François Bergeron

    Rédacteur en chef de l-express.ca. Plus de 40 ans d'expérience en journalisme et en édition de médias papier et web, en français et en anglais. Formation en sciences-politiques. Intéressé à toute l'actualité et aux grands enjeux modernes.

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