Il faut cesser de vivre à crédit

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Publié 18/05/2010 par François Bergeron

Un récent rapport de la Banque des règlements internationaux (BIS pour Bank for International Settlements), basée en Suisse et agissant comme une sorte de banque centrale des banques centrales, est de plus en plus cité dans les chroniques et les reportages sur la nouvelle crise financière, partie de Grèce, qui touche déjà la quasi-totalité du monde industrialisé.

Le problème est à la fois simple et intraitable: collectivement, nous vivons à crédit depuis trop longtemps et nos dettes dépasseront bientôt toute capacité réaliste de les rembourser, mais nos gouvernements n’ont pas les couilles pour renégocier les engagements qu’ils ont pris envers leurs employés et envers les bénéficiaires de leurs largesses.

Plusieurs pays, des petits comme la Grèce, des moyens comme l’Italie et l’Angleterre, et des gros comme les États-Unis, ont déjà dépassé un point symbolique de non-retour, identifié dans l’étude de la BIS comme un rapport de 100% entre la dette publique et le Produit intérieur brut (PIB).

Or, avec le vieillissement d’une population qui n’a pas économisé pour sa retraite et qui fera un usage plus intensif des soins de santé, cet endettement est appelé à doubler et peut-être tripler d’ici quelques années si rien n’est fait, selon la BIS.

D’autres pays, plus prudents mais inextricables du système, comme l’Allemagne et le Canada, seront entraînés dans la tourmente. Le Japon est encore plus endetté (déjà à hauteur de 200% de son PIB) mais est soutenu pour l’instant par le haut niveau d’épargne de ses citoyens et la dévaluation de sa monnaie.

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Le fait que le dollar américain (avec l’or) serve encore de «refuge» aux investisseurs face à l’euro, discrédité par la comptabilité frauduleuse du gouvernement grec et le laxisme des autres membres de l’Union européenne, révèle le désespoir qui gagne les marchés financiers face à des scénarios tous plus négatifs les uns que les autres: restructuration des dettes (on n’en récupère qu’une partie ou beaucoup plus tard que prévu) ou banqueroute des États (on ne récupère rien).

Dans tous les cas, il faut s’attendre à un resserrement du crédit (ce qui ne serait pas mauvais pour discipliner les gouvernements dépensiers, qui ne devraient plus avoir le droit d’emprunter) et à une hausse des taux d’intérêt (qui encouragerait l’épargne des particuliers mais découragerait l’investissement des entreprises et donc affecterait l’emploi).

Vous croyiez que la prochaine réunion du G20 allait porter sur le développement de l’Afrique ou l’aide aux femmes du tiers-monde? C’est encore au programme officiel, mais les véritables débats porteront sur ce que les marchés financiers appellent les «dettes souveraines», celles de nos gouvernements qui, depuis plusieurs décennies, fuient leurs responsabilités et refilent la facture de leur activisme inutile ou nuisible aux prochaines générations.

Le premier ministre Stephen Harper, hôte du G20 à Toronto fin juin, vient de demander qu’on planche sur les moyens de résorber les déficits records (jusqu’à 10% du PIB pour certains pays) qui continuent de gonfler ces dettes records (en temps de paix) de 100% du PIB. L’an dernier, en proie à la panique face à la crise, c’était exactement le contraire qu’on prônait dans ces sommets!

L’endettement des pays occidentaux dépassait les 200% du PIB à la fin de la Deuxième Guerre mondiale, ce qui était parfaitement justifié par la nécessité de défendre la démocratie. Mais la population active était plus jeune, en croissance (les fameux baby-boomers), et tout était à reconstruire. Ce développement a permis d’éponger les dettes.

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Malheureusement, c’est en période de relative prospérité, dans le dernier quart du 20e siècle et au cours des premières années du 21e, qu’on a collectivement choisi de vivre à crédit plutôt que d’économiser pour la retraite ou les crises imprévues.

Celle de 2008, qui en était également une d’endettement inconsidéré, comme presque toutes les crises financières depuis l’invention de la monnaie, a été «combattue» ou même «vaincue», selon le pétage de bretelles des Barack Obama et autres Gordon Brown, par un endettement encore plus important: les programmes éphémères de «stimulus» ou de «relance», dont il faut maintenant se sevrer.
    
Encore aujourd’hui, l’Union européenne et le Fonds monétaire international (auquel contribue le Canada) tentent d’éviter la faillite de la Grèce en lui prêtant davantage. Comme si on prétendait aider un drogué en lui fournissant encore plus de drogue. C’est une fuite en avant.
    
Mieux vaut accéder aux demandes des Grecs nihilistes qui manifestent dans les rues contre la réalité en permettant à la Grèce de déclarer faillite, de renoncer à rembourser ses dettes… mais bien sûr aussi de renoncer pendant plusieurs années à emprunter et de ne s’offrir que le gouvernement, les programmes et les services pouvant être défrayés par leurs taxes et leurs impôts.
    
Éventuellement, cette option deviendrait attrayante pour les autres pays surendettés, où les frais d’intérêts accapareront une portion de plus en plus intolérable des budgets des gouvernements (déjà de 10% à 30% à l’heure actuelle). Ce serait une bonne leçon aux institutions financières encore tentées d’encourager l’endettement «souverain».

Auteur

  • François Bergeron

    Rédacteur en chef de l-express.ca. Plus de 40 ans d'expérience en journalisme et en édition de médias papier et web, en français et en anglais. Formation en sciences-politiques. Intéressé à toute l'actualité et aux grands enjeux modernes.

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