Ici c’est-tu ailleurs? (suite)

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Publié 22/08/2011 par François Bergeron

Des souverainistes dissidents du Parti québécois ont créé un Nouveau Mouvement pour le Québec (NMQ) en publiant le 16 août un manifeste, Brisons l’impasse, qui propose une nouvelle stratégie et une nouvelle vision pour le projet, et en organisant le 21 août à Montréal une assemblée à laquelle ont participé environ 400 personnes.

Les députés Lizette Lapointe (l’épouse de Jacques Parizeau), Pierre Curzi et Jean-Martin Aussan, qui ont quitté le PQ en juin, y assistaient, mais pas Louise Beaudoin qui a cependant dit appuyer ce NMQ animé notamment par Jocelyn Desjardins, anciennement de l’association péquiste de la circonscription de Lizette Lapointe. 78 personnes ont signé le manifeste.

La chef du PQ, Pauline Marois, est bien sûr consternée par ces divisions, et elle doit être sérieusement horripilée de se faire dire par ces purs et durs qu’elle et son équipe ne sont pas assez souverainistes, que le PQ «apparaît aujourd’hui usé, confus dans ses interventions et banalisé par le public et les médias à la moindre action qu’il pose», et que «cette incarnation du projet souverainiste appartient à une autre époque».

Au programme actuel de «gouvernance souverainiste» du PQ, axé sur le rapatriement de pouvoirs d’Ottawa à Québec et l’adoption d’une constitution québécoise, le tout devant éventuellement mener à un référendum, le NMQ préférerait «organiser partout à travers ce beau territoire qui est le nôtre des assemblées constituantes ayant un caractère officiel et de remettre à tous les citoyens le véritable crayon du pays»…

C’est aussi la «constante» qui s’est dégagée de l’assemblée de dimanche, selon Jocelyn Desjardins, qui pourrait mener à des «états généraux» sur la souveraineté. «Élevez-vous au-dessus de vos divergences. Parlez-vous, bon sang!», a lancé M. Desjardins aux partis politiques souverainistes (Parti québécois, Québec solidaire, Parti indépendantiste, un hypothétique parti «parapluie» mentionné par Lizette Lapointe, une rumeur appelée Option Québec gracieuseté de Jean-Martin Aussan…).

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Pierre Curzi, lui, a appelé de ses voeux «un automne québécois après le printemps arabe»…

C’est de la poésie, pas de la stratégie. Y a rien là pour déchirer sa chemise en public, encore moins sa carte de membre du PQ, surtout que le NMQ ne souhaiterait pas, pour le moment, devenir un parti politique. Pour qui d’autres voteraient ces souverainistes aux prochaines élections?

Qui plus est, les auteurs du manifeste justifient leur départ du PQ en le prophétisant après coup: «À force d’étouffer tout ce qui n’entre pas dans ses structures, à force de mener une politique de traque à la dissidence, ce parti “s’autopeluredebananise” lentement. Il fait le vide autour de lui. Et perd des acteurs»…

Loin de moi l’intention de me porter à la défense de Pauline Marois et du PQ, qui ont bien des défauts, mais cette intervention de cégépiens déraille complètement en soulignant les «intérêts opposés» du Canada et du Québec: «Qu’il s’agisse par exemple des rondes de Copenhague ou de Doha, des politiques énergétiques ou de la participation à des opérations militaires internationales, de la culture ou de la sélection et l’intégration des immigrants, de la protection de nos industries et de notre peuple lors de crises économiques comme en 2008 ou de chocs pétroliers comme en 1973, nos chemins divergent. Ils ont toujours divergé.»

Le (reste du) Canada, majoritairement anglophone, et le Québec, majoritairement francophone, sont bien sûr très différents et travailleraient peut-être mieux séparés qu’unis. Leurs populations respectives s’en porteraient peut-être à merveille (certainement pas les francophones hors Québec). Le Canada actuel n’est peut-être pas un «vrai» pays ou un pays «normal». Il est peut-être de plus en plus dysfonctionnel. On n’a pas fini d’en discuter.

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Mais il est absurde de prétendre que les Québécois soient quasi-génétiquement prédisposés à adopter telles politiques environnementales ou financières ou militaires: tous les courants d’opinion, sur tous les grands enjeux de notre temps, existent au sein de chacune des deux «solitudes» canadiennes.

Paradoxalement, on serait donc encore une fois en présence de gens qui (inconsciemment?) ne considèrent pas la souveraineté du Québec comme une fin en soi, mais plutôt comme un moyen de promouvoir certaines politiques économiques et sociales.

Les signataires du manifeste et les participants à l’assemblée de dimanche condamnent la nouvelle Coalition pour l’avenir du Québec de l’ancien ministre péquiste François Legault, dont l’agenda ne comprend ni la souveraineté du Québec ni le renouvellement du fédéralisme canadien. C’est un «éteigneur de rêve», a dit M. Desjardins.

Là où le manifeste Brisons l’impasse est plus original, justifie son titre et fait oeuvre utile, c’est en proposant aux souverainistes de délaisser les sempiternelles chicanes Ottawa-Québec pour ne mettre l’accent que sur les aspects positifs et les mérites intrinsèques de la construction d’un nouveau pays.

L’approche traditionnelle en vogue au PQ, lit-on dans le document, «est que seule une crise avec le Canada ferait gonfler l’appui populaire à la souveraineté à des niveaux comparables à 1990, après la mort de l’Accord du lac Meech. Ce qui est visé est un rejet canadien. On espère un ressentiment, une réaction contre le Canada plutôt que l’affirmation de notre existence. C’est un pays qui se ferait contre un autre plutôt qu’un pays qui se ferait par lui-même, pour lui-même et de lui-même. Voilà un autre excellent moyen de détourner la population du projet souverainiste.»

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Le NMQ souhaite «s’affranchir de cette “peur de disparaître” qui se cache derrière le “réveil identitaire”, pour offrir véritablement au “désir de construire” le Québec l’occasion de s’exprimer pleinement pour une fois».
On tient ici quelque chose susceptible d’intéresser une nouvelle génération à la souveraineté du Québec.

Ce ne sont encore que des rêveries, mais elles pourraient un jour inspirer des péquistes. Car ces souverainistes qui ne croient plus aux partis politiques, mais plutôt en un «mouvement social», devront bien revenir sur Terre, c’est-à-dire ici au PQ, s’ils veulent commencer à concrétiser leurs aspirations dans le respect de la démocratie.

Auteur

  • François Bergeron

    Rédacteur en chef de l-express.ca. Plus de 40 ans d'expérience en journalisme et en édition de médias papier et web, en français et en anglais. Formation en sciences-politiques. Intéressé à toute l'actualité et aux grands enjeux modernes.

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