Gérer la diversité: un must pour l’économie

Partagez
Tweetez
Envoyez

Publié 27/04/2010 par Annik Chalifour

Les questions liées à la gestion de la diversité sont de plus en plus discutées en Occident. «On en discute surtout à l’échelle sociétale mais moins à l’échelle du monde du travail, alors que c’est pourtant un enjeu absolument crucial», selon Jocelyn Maclure, conférencier invité du Club canadien mardi. M. Maclure, professeur de philosophie à l’Université Laval, analyste-expert pour la Commission Bouchard-Taylor et coauteur avec Charles Taylor de Laïcité et Liberté de conscience, a offert un aperçu de l’expérience québécoise en matière d’accommodements raisonnables.

En Ontario, on entend peu parler de la philosophie de la gestion de la diversité en milieu de travail, alors que cette province est la première destination des nouveaux arrivants au Canada.

Pourtant selon plusieurs analystes, «la compétitivité économique mondiale d’aujourd’hui dépend du savoir et de la créativité des travailleurs qui sont mobiles et susceptibles d’aller voir ailleurs si leurs conditions de travail ne sont pas satisfaisantes», indique M. Maclure.

Les tendances démographiques dans les pays occidentaux démontrent une baisse du taux de natalité et un vieillissement de la population. «Toutes ces raisons confirment que la saine gestion des immigrants est fondamentale», affirme le conférencier.

M. Maclure réfère au récent livre The Next Hundred Millions. America in 2050 de Joel Kotkin, qui soutient que les États-Unis éviteront le déclin que tant d’autres ont prévu en raison de sa vigueur démographique, du fait que des millions de travailleurs qualifiés immigreront aux États-Unis dans les prochaines décennies.

Publicité

Gérer la diversité

La gestion de la diversité religieuse en milieu de travail, figure parmi les questions les plus épineuses discutées pendant les travaux de la Commission Bouchard-Taylor.

«En particulier pour les PME qui ne comptent pas un grand nombre d’employés et dont les ressources pour la gestion du personnel et la mise en place de mesures d’accommodement sont limitées», mentionne M. Maclure.

Certains employeurs se sont dits disposés à embaucher des employés de diverses religions, mais hésitent à le faire, par crainte des conséquences de demandes d’accommodement fondées sur la religion. «Par exemple des coûts reliés à l’absence, une baisse de productivité, des congés rémunérés, des frais juridiques», cite le conférencier.

«La crainte des employeurs provient essentiellement du caractère juridiquement contraignant de l’accommodement raisonnable qui découle des droits fondamentaux. C’est-à-dire que la question des demandes d’accommodement ne peut pas être seulement analysée sur la base de critères de gestion», précise-t-il.

L’obligation d’accommodement

«L’obligation d’accommodement raisonnable est d’application générale sans discrimination, mais lorsqu’on l’applique, certaines personnes sont désavantagées», introduit M. Maclure. «Il faut donc aménager la norme en accordant un traitement différentiel à une personne qui serait pénalisée.»

Publicité

Le conférencier réfère, entre autres, au congé rémunéré à Noël. «Cette norme du travail n’est pas parfaitement neutre parce qu’elle provient de la tradition chrétienne.»

Par conséquent, les Chrétiens peuvent respecter leurs croyances religieuses ou pratiques culturelles tout en bénéficiant de congés payés, tandis que les employés pratiquant d’autres religions ne voulant pas travailler le jour de leur fête importante, doivent le faire à leurs frais.

«C’est là qu’entre en jeu l’obligation d’accommodement raisonnable, pour rétablir l’équité dans le système de coopération du milieu de travail, sans nécessairement changer la règle générale», explique M. Maclure.

Il est à noter que l’obligation s’applique exclusivement dans les situations de discrimination, souvent involontaires. «Par exemple le cas d’un employé Adventiste pour lequel le jour du sabbat est le samedi, alors que l’entreprise est ouverte le samedi et fermée le dimanche», mentionne le conférencier.

Demandes excessives

On s’inquiète que les demandes se multiplient et deviennent impossibles à gérer: une crainte légitime selon M. Maclure. Il explique «qu’une demande est considérée excessive si elle nuit aux droits d’autrui, à la rentabilité de l’entreprise ou à l’efficacité dans l’accomplissement du travail.»

Publicité

«Les milieux de travail susceptibles d’êtres confrontés à des demandes d’accommodements raisonnables, devraient mettre en place des mécanismes pour en permettre une prise en charge éclairée», soutient-il.

Il peut s’agir d’un comité d’éthique, d’un protocole que doit suivre le gestionnaire dans les PME, ou de recourir à des experts qui connaissent les dimensions de l’obligation d’accommodement pour aider à développer un mécanisme ou éviter qu’un cas se retrouve devant les tribunaux.

La pointe de l’iceberg

Peut-être que la pointe de l’iceberg commence à émerger en Ontario, avec le récent lancement de la campagne de sensibilisation du Réseau de développement économique et d’employabilité visant, entre autres, à inciter les PME à embaucher des nouveaux arrivants, et le démarrage du nouveau programme de formation en compétences culturelles de La Passerelle I.D.É.

Les nouveaux arrivants ont besoin d’accompagnement et de formation, mais les employeurs aussi! Les grandes corporations et les organisations internationales l’ont compris: elles restent à l’avant-garde en matière d’efficacité interculturelle. Ce savoir-faire est transférable dans tous les autres secteurs du marché du travail.

D’autre part, le gouvernement canadien dispose du Centre d’apprentissage interculturel pour former son personnel destiné à travailler à l’étranger. Une partie de cette formation pourrait s’avérer très utile ici même, pour aider les gestionnaires à traiter le contexte multiculturel du marché du travail au Canada: à savoir comment gérer les conflits à caractère culturel!

Publicité

Selon M. Maclure, les institutions à travers le pays ont peut-être intérêt à comprendre la philosophie de la gestion de la diversité de laquelle émane l’obligation d’accommodement raisonnable.

«Le reste du Canada n’est pas à l’abri des discussions qui touchent la gestion de la diversité en milieu de travail», conclut le conférencier.

Auteur

  • Annik Chalifour

    Chroniqueuse et journaliste à l-express.ca depuis 2008. Plusieurs reportages réalisés en Haïti sur le tourisme solidaire en appui à l’économie locale durable. Plus de 20 ans d'œuvre humanitaire. Formation de juriste.

Partagez
Tweetez
Envoyez
Publicité

Pour la meilleur expérience sur ce site, veuillez activer Javascript dans votre navigateur