La Russie vient de nous faire en Ossétie du Sud le coup que nous lui avions fait au Kosovo. À moins qu’on assiste à une nouvelle crise des Sudètes, l’enclave allemande en Tchécoslovaquie qu’Hitler avait annexée en 1938. Cet expansionnisme russe inquiète les anciens satellites est-européens de l’URSS, surtout ceux où se trouvent des minorités russes: Ukraine, Moldavie, pays baltes. Ce ne sont pas les analogies qui manquent pour expliquer l’actuel conflit entre la Géorgie et la Russie, qui nous replonge en pleine Guerre froide Est-Ouest.
En 1999, après le démembrement de la Yougoslavie qui avait suivi celui de l’Union soviétique, le Kremlin a assisté, impuissant, à l’intervention de l’OTAN contre la Serbie post-communiste/néo-nationaliste de Slobodan Milosevic qui avait entrepris d’exterminer les séparatistes albanais de sa sous-province du Kosovo. Et en défendant «l’intégrité territoriale» de la Bosnie voisine, l’Occident a également imposé aux Serbes les frontières artificielles combattues par les milices de Radovan Karadic, le fugitif arrêté récemment à Belgrade et livré au tribunal international de LaHaye.
Les Russes sont d’excellents joueurs d’échecs. Même en position de faiblesse, ils savent reconnaître une erreur de leur adversaire et surtout l’exploiter au maximum. L’assaut donné par le gouvernement pro-occidental de Géorgie contre les indépendantistes ossètes alliés des Russes a placé Moscou dans le même rôle que celui de l’OTAN quand les Serbes ont attaqué les Kosovars. Pour enfoncer le clou, l’armée russe est aussi entrée en Abkhazie, une autre région pro-russe que les soubresauts de l’histoire moderne avaient laissée en Géorgie.
Si les Américains voulaient tester ici la fermeté des Russes – en ne faisant rien pour dissuader le président géorgien Mikhaïl Saakachvili de mater la dissidence ossète avant d’avoir intégré l’OTAN et d’avoir modernisé son armement – ils ont obtenu une réponse claire. Il est improbable, mais pas impossible, que Saakachvili n’ait pas consulté Washington avant d’attaquer l’Ossétie du Sud (la veille de l’ouverture des Jeux olympiques censés promovoir la paix dans le monde!), ou qu’il l’ait fait en minimisant l’ampleur de l’opération qu’il allait lancer.
Saakachvili aurait dû savoir que les Américains n’allaient pas tout laisser tomber en Irak (où la Géorgie avait presqu’autant de troupes d’occupation que la Grande-Bretagne au sein de ce qui reste de la «coalition») pour voler à son secours. Aveuglé par les compliments et les encouragements occidentaux depuis son élection en 2003 (réélu au début de 2008), il a surtout mal compris les limites de l’administration Bush, complètement discréditée après cinq ans d’une «guerre au terrorisme» honteuse et ruineuse.