Georgie: la guerre des analogies

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Publié 18/08/2008 par François Bergeron

La Russie vient de nous faire en Ossétie du Sud le coup que nous lui avions fait au Kosovo. À moins qu’on assiste à une nouvelle crise des Sudètes, l’enclave allemande en Tchécoslovaquie qu’Hitler avait annexée en 1938. Cet expansionnisme russe inquiète les anciens satellites est-européens de l’URSS, surtout ceux où se trouvent des minorités russes: Ukraine, Moldavie, pays baltes. Ce ne sont pas les analogies qui manquent pour expliquer l’actuel conflit entre la Géorgie et la Russie, qui nous replonge en pleine Guerre froide Est-Ouest.

En 1999, après le démembrement de la Yougoslavie qui avait suivi celui de l’Union soviétique, le Kremlin a assisté, impuissant, à l’intervention de l’OTAN contre la Serbie post-communiste/néo-nationaliste de Slobodan Milosevic qui avait entrepris d’exterminer les séparatistes albanais de sa sous-province du Kosovo. Et en défendant «l’intégrité territoriale» de la Bosnie voisine, l’Occident a également imposé aux Serbes les frontières artificielles combattues par les milices de Radovan Karadic, le fugitif arrêté récemment à Belgrade et livré au tribunal international de LaHaye.

Les Russes sont d’excellents joueurs d’échecs. Même en position de faiblesse, ils savent reconnaître une erreur de leur adversaire et surtout l’exploiter au maximum. L’assaut donné par le gouvernement pro-occidental de Géorgie contre les indépendantistes ossètes alliés des Russes a placé Moscou dans le même rôle que celui de l’OTAN quand les Serbes ont attaqué les Kosovars. Pour enfoncer le clou, l’armée russe est aussi entrée en Abkhazie, une autre région pro-russe que les soubresauts de l’histoire moderne avaient laissée en Géorgie. 

Si les Américains voulaient tester ici la fermeté des Russes – en ne faisant rien pour dissuader le président géorgien Mikhaïl Saakachvili de mater la dissidence ossète avant d’avoir intégré l’OTAN et d’avoir modernisé son armement – ils ont obtenu une réponse claire. Il est improbable, mais pas impossible, que Saakachvili n’ait pas consulté Washington avant d’attaquer l’Ossétie du Sud (la veille de l’ouverture des Jeux olympiques censés promovoir la paix dans le monde!), ou qu’il l’ait fait en minimisant l’ampleur de l’opération qu’il allait lancer.

Saakachvili aurait dû savoir que les Américains n’allaient pas tout laisser tomber en Irak (où la Géorgie avait presqu’autant de troupes d’occupation que la Grande-Bretagne au sein de ce qui reste de la «coalition») pour voler à son secours. Aveuglé par les compliments et les encouragements occidentaux depuis son élection en 2003 (réélu au début de 2008), il a surtout mal compris les limites de l’administration Bush, complètement discréditée après cinq ans d’une «guerre au terrorisme» honteuse et ruineuse.

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C’est d’ailleurs l’invasion de l’Irak par les Américains en 2003 qui a fourni aux Russes les meilleures justifications pour livrer une guerre impitoyable aux «terroristes» séparatistes musulmans de Tchétchénie – une autre situation comparable à celle du Kosovo, l’intervention occidentale en moins! C’est donc avec une certaine audace – du front tout le tour de la tête, dirait-on chez nous – que le président Dimitri Medvedev et le premier ministre Vladimir Poutine ont dénoncé l’offensive géorgienne en Ossétie du Sud comme un «génocide» et se sont érigés en protecteurs des minorités opprimées.

Les médiateurs occidentaux, à commencer par le président français Nicolas Sarkozy, qui représente l’Union européenne, insistent sur le respect par la Russie de l’«intégrité territoriale» de la Géorgie. Mais les porte-parole russes promettent seulement de respecter la «souveraineté» de la Géorgie, laissant entendre que l’Ossétie du Sud et l’Abkhazie n’appartiennent plus à ce pays, sinon définitivement, du moins jusqu’à ce qu’un nouveau gouvernement géorgien se réconcilie avec les Ossètes et les Abkhazes.

Ces récents événements imposent aussi à l’OTAN une réflexion sur l’idée (américaine, encore) d’installer des batteries de missiles anti-missiles et d’autres armements stratégiques en Pologne et dans quelques autres anciens satellites de l’URSS, quasiment aux portes de Moscou. Cette fois, on ne s’attend pas à une riposte militaire de la Russie, mais n’aurait-on pas plutôt avantage, notamment du côté de l’Union européenne, à cultiver des liens d’amitié avec les Russes et à mieux travailler à intégrer leur économie au système occidental?

On se remémore la crise des missiles de Cuba, en 1962, mais l’OTAN prétend que ses armements en Europe de l’Est sont purement défensifs et visent davantage une éventuelle menace iranienne… La Géorgie, située juste en nord de l’Iran, jouait la même carte pour maximiser l’aide américaine inféodée aux intérêts israéliens. Une campagne de mensonges comme celle qui a mené à l’invasion de l’Irak est orchestrée cette fois en vue d’un bombardement des futures installations nucléaires de l’Iran. L’Union européenne devrait s’en dissocier et – au lieu d’attendre passivement l’élection de Barack Obama – commencer à s’affirmer au sein de l’OTAN pour réparer les erreurs américaines.

Auteur

  • François Bergeron

    Rédacteur en chef de l-express.ca. Plus de 40 ans d'expérience en journalisme et en édition de médias papier et web, en français et en anglais. Formation en sciences-politiques. Intéressé à toute l'actualité et aux grands enjeux modernes.

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