Décembre est arrivé, le froid nous est tombé dessus, la neige ne va pas tarder à suivre, et un groupe traditionnel québécois arrive en ville. À coup sûr, on aura droit à une veillée du temps des fêtes, non?
Ce serait mal connaître Genticorum, trois gars souvent assis – mais pas toujours su’l sofa – qui se situent dans la mouvance néo-trad, terme aussi vaste que nébuleux qui désigne ces formations, le plus souvent jeunes, qui se sont imposés dans le sillage de la Bottine Souriante. Bien qu’ils soient parfaitement capables de faire swinger la compagnie sur le plancher de danse de toutes les salles paroissiales de Sudbury à Shawinigan, le flûtiste, bassiste et violoneux Alexandre de Grosbois-Garand, le guitariste et joueur de guimbarde Yann Falquet et le violoneux Pascal Gemme semblent déterminés à donner ses lettres de noblesse à une musique liée au peuple et à la fête. Il ne faut donc pas s’étonner de retrouver le trio, non dans un quelconque club folk, mais bien dans l’auguste enceinte du Royal Conservatory of Music.
«C’est normal que la musique traditionnelle soit associée aux rencontres familiales, au temps des Fêtes, à la Saint-Jean, au cycle des saisons», de souligner Alexandre de Grosbois-Garand, que L’Express a joint à son domicile montréalais. «Mais nous, notre musique est orientée vers l’écoute. Notre défi, c’était de monter un spectacle destiné aux salles de concert plutôt qu’aux festivals ou aux veillées. On veut créer une bulle avec le public, toute une mise en scène, pour que les gens voyagent avec la musique.»
Alexandre, qui baigne dans le folklore depuis l’enfance (son père est lui-même musicien), rappelle que les puristes parmi les musiciens traditionnels sont souvent de grands virtuoses, mais qu’ils apportent leur touche personnelle au patrimoine sans pour autant s’écarter de ses paramètres musicaux et de sa fonction sociale. Mais les jeunes musiciens, imprégnés de rock, de jazz et de classique, ressentent le besoin de fusionner ces divers courants pour créer un hybride que d’aucuns ont qualifié de néo-trad. «Dans les 20 dernières années, les jeunes artistes traditionnels ont poussé les arrangements et l’exécution au point où ça devient de la musique de chambre avec des instruments traditionnels», selon de Grosbois-Garand.
Bien que le trio admire les fusions technoïdes de groupes comme Swing, ce n’est pas demain qu’un DJ viendra partager la scène avec Genticorum «Pour les plus vieux, notre musique est tellement moderne, mais pour les jeunes, on est traditionnels. Parfois, on se retient volontairement pour garder un certain équilibre. Pour nous, ce qui est le plus important, c’est la mélodie du violon. L’accompagnement est au service de la mélodie, et pas l’inverse.» Le troisième CD du trio, La Bibournoise, sacré album traditionnel de l’année aux derniers prix de la musique folk canadienne, atteste éloquemment de cette quête d’équilibre: même les chansons composées par le groupe, comme Le moine blanc, s’inscrivent dans la veine intemporelle des chansons paillardes, du genre que poussaient nos mononcles – sous l’œil réprobateur de nos matantes! – quand le petit whisky blanc commençait à faire effet.