François Boileau veut s’intéresser aux plaintes qu’il ne reçoit pas

6e rapport du Commissaire aux services en français

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Publié 11/06/2013 par Guillaume Garcia

François Boileau n’aime pas que ses recommandations ne donnent pas lieu à des changements.

C’est pourquoi dans son dernier rapport, le commissaire aux services en français de l’Ontario revient sur deux recommandations qu’il avait déjà soumises dans ses précédents rapports, soit la mise en place de deux directives, l’une portant sur l’élaboration et l’application d’un plan de ressources humaines pour tous les organismes et ministères qui offrent des services en français, et l’autre sur leur «offre active» de ces services.

Ces deux recommandations sont accompagnées d’une troisième: un plan d’action pour s’assurer que les populations «précarisées» aient réellement accès aux services en français. La balle est dans le camp du gouvernement… qui devrait noter que François Boileau est têtu.

Traitement des plaintes

Après six années d’existence, le commissariat aux services en français a bien pris ses marques et jouit d’une réputation et d’une crédibilité sans failles. C’est pourquoi il a pris la décision de changer son approche quant aux plaintes – son pain et son beurre – pour se concentrer sur des problèmes systémiques.

Les plaintes reçues seront toujours traitées, mais le commissariat s’engage à faire bouger les dossiers stratégiques qui selon lui n’avancent pas assez vite.

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Dans cette optique, François Boileau expliquait, lors de la conférence de presse où il présentait son dernier rapport intitulé Une nouvelle approche, qu’il allait regarder du côté des plaintes non officielles, des signalements qui montrent des dysfonctionnements dans l’offre des services en français plutôt que du côté des plaintes tout court.

«On est six, c’est une petite équipe. On doit réfléchir comment être plus efficace dans le traitement des plaintes. On doit regarder les plaintes, mais aussi les dossiers. On va mettre en place un plan d’action au commissariat pour les trois prochaines années, pour être le plus efficace possible.»

Cela passera certainement par une analyse systémique des plaintes et la production de rapport d’enquêtes de longue haleine sur des sujets cruciaux.

Populations vulnérables

Le commissariat s’est étonné, au fil des ans, du faible nombre de plaintes émanant des populations précarisées et vulnérables: personnes en difficulté financière, qui ont peur de perdre leurs aides si elles disent qu’elles ne reçoivent pas de services en français. Ou de francophones dans le système carcéral, qui n’ont pas les mêmes services que leurs homologues anglophones.

C’est difficile pour eux de porter plainte.

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Le commissariat veut s’intéresser, comme il le dit, aux plaintes qu’il ne reçoit pas. « C’est dans notre mandat. On peut enquêter de notre propre initiative. »

«La situation des personnes précarisées fait en sorte que celles-ci sont moins enclines à porter plainte. Pourtant elles sont les plus vulnérables aux risques que pose tout manquement à la prestation de servies en français», expliquait le commissaire.

Rendre le français «normal»

Les deux autres recommandations vont de pair. Et elles résultent du manque d’action du gouvernement. S’il précise que les gouvernements de Dalton McGuinty et de Kathleen Wynne, tous deux francophiles, ont été plutôt réceptifs aux recommandation du commissaire, il note qu’on lui a dit «non» deux fois, sur l’offre active et sur les ressources humaines.

«Je reviens donc à la charge […] il faut rendre le français normal en Ontario. Ce n’est pas un accommodement, ça touche le cœur et l’âme de notre pays», dit-il.

2013 marque donc un changement de cap pour le commissariat aux services en français qui publie «seulement» trois recommandations. «Il est temps que le gouvernement se prenne en main pour atteindre ses recommandations», avance-t-il.

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«C’est une bonne stratégie pédagogique de répéter tout le temps la même chose, comme à un enfant; au bout d’un moment il comprend», s’amusait Jean-Rock Boutin, fondateur d’Action positive et membre actif de FrancoQueer.

«On est très content que le commissaire remette l’accent là-dessus. Dans le domaine du VIH, qui m’intéresse, il n’y a pas assez de fonds spécialisés. C’est bien de cogner sur le même clou tout le temps. On nous réfère des gens dans des situations précaires, mais on ne nous donne pas de fonds. On donne un service de bonne volonté, pas de bonne qualité, notamment pour les réfugiés LGBT. La directive, c’est un élément majeur du rapport, parce que nous on a affaire à un fonctionnaire qui dit ne pas reconnaître la Loi sur les services en français dans le domaine du VIH. Avec une directive, il serait obligé.»

Pas de «réflexe franco»

L’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO) appuie bien sûr les trois recommandations du commissaire Boileau.

«De promouvoir une offre de services active au sein de tous les ministères, organismes gouvernementaux et entités concernés est une priorité pour la communauté», indique-t-on à l’AFO.

Le lobby politique des Franco-Ontariens déplore cependant que «près de 30 ans après l’adoption de la Loi sur les services en français, il faut encore rappeler à la province son rôle et ses obligations dans l’application de la loi».

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«Ces nouvelles recommandations sont essentiellement d’ordre administratif. Elles indiquent que le ‘réflexe franco’ n’est toujours pas implanté dans l’appareil gouvernemental», image le président Denis Vaillancourt.

Selon l’AFO, le gouvernement et les parlementaires doivent travailler à l’application de la loi.

Maturité du commissariat

France Gélinas, la critique du NPD en matière d’Affaires francophones, se réjouit de l’emphase mise sur les populations francophones précarisées, qu’on parle des nouveaux arrivants, des personnes en difficulté financière, ou encore des personnes malades.

«Ce sont des populations qui n’ont pas de voix. Cela démontre la maturité du commissariat qui permet une réflexion sur ces sujets. Je suis fière qu’il soit rendu là. C’est un rapport sobre, qui comporte seulement trois recommandations, mais trois recommandations substantielles », indique-t-elle.

France Gélinas est aussi revenue sur l’autonomie du commissariat, qui répond en ce moment de l’Office des Affaires francophones. «J’aimerai qu’il relève de l’Assemblée», dit-elle.

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France Gélinas a d’ailleurs déposé un projet de loi très succinct en ce sens, mais le dossier ne bouge pas.

Le commissaire aux services en français, François Boileau avançait lors de ca conférence de presse que le fait que le gouvernement soit minoritaire ne favorisait pas la rapidité d’action dans certains domaines. Toutefois, France Gélinas assure que, pour les questions ayant trait à la francophonie, le gouvernement libéral peut-être certain de l’appui du caucus néo-démocrate. «Ils ont notre appui et on va les pousser.»

Comme le notait le commissaire, la balle est maintenant dans le camp du gouvernement.

Auteur

  • Guillaume Garcia

    Petit, il voulait devenir Tintin: le toupet dans le vent, les pantalons retroussés, son appareil photo en bandoulière; il ne manquait que Milou! Il est devenu journaliste, passionné de politique, de culture et de sports.

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