Fierté et liberté

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Publié 08/07/2011 par François Bergeron

Le conseiller municipal Giorgio Mammoliti a assisté en fin de semaine dernière aux événements de la Fierté gaie sur les rues Yonge et Church, mais pas, comme tout le monde, pour danser et s’amuser. Armé d’une caméra vidéo, il cherchait plutôt à documenter la présence dans le cortège de promoteurs de causes politiques «inappropriées» pouvant justifier le retrait de la subvention municipale de 130 000 $ en argent et d’environ 200 000 $ en services de sécurité et de nettoyage.

Les organisateurs du festival ont en effet promis, en échange de l’appui financier de la Ville, de ne plus admettre le groupe antisioniste QuAIA («Queers Against Israeli Apartheid») dont l’activisme indisposerait la communauté juive, ce qui contreviendrait à la politique anti-discrimination de la Ville de Toronto, possiblement aussi au Code des droits de la personne de l’Ontario.

Mais si la Pride peut facilement refuser l’inscription d’un char allégorique ou d’un kiosque, empêcher les gens de se promener avec certaines bannières ou t-shirts pendant l’événement est plus difficile, considérant la multitude de messages qui s’y donnent rendez-vous: solidarité avec ceci ou cela, appuis de parents, d’entreprises ou de communautés, valorisation de divers sous-groupes LBGTQ (dont, cette année, les francophones qui ont organisé Franco-Pride).

Et comme, très souvent, quand on cherche, on trouve, Mammoliti est tombé sur un petit groupe de lesbiennes («Dykes and Trans People for Palestine») portant des pancartes sur lesquelles on pouvait lire «Free Palestine» ou encore «End the occupation». Il compte présenter ces images comme preuve que les organisateurs de la Pride n’ont pas respecté leur promesse.

«L’apartheid» et «l’occupation» dont il est question ici procèdent d’une interprétation bien particulière du conflit israélo-palestinien, où tous les torts seraient du côté israélien. Curieusement, le seul pays du Moyen-Orient où il est possible d’organiser une manifestation gaie, le plus progressiste en la matière, la seule démocratie de la région, c’est bien sûr Israël. Un défilé de la Fierté gaie, à Toronto ou ailleurs, est le dernier endroit où on s’attendrait à trouver davantage de critiques d’Israël que de l’homophobie (entre autres phobies) chez ses voisins.

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Si on tient réellement à protester contre les injustices dans le monde dans tous les festivals d’été, on devrait commencer par les plus grosses: le totalitarisme en Corée du Nord, les atrocités au Congo, la répression en Syrie, la tournée de William et Kate au Canada… L’intransigeance du gouvernement israélien face aux exigences irrecevables des dirigeants palestiniens est au bas de la liste.

Ces queers et ces dykes pro-palestiniens ne sont peut-être gais ou lesbiennes que pour cette occasion. On imagine mal ces associations tenir des réunions et des activités régulières le reste de l’année. Ce ne serait pas la première fois que des provocateurs revêtent les couleurs d’une autre cause pour attirer l’attention des médias et des politiciens, qui tombent facilement dans le panneau. Les conférences annuelles contre «l’apartheid» israélien sur nos campus universitaires et ces flottilles d’ONG communistes qui veulent forcer le «blocus» de Gaza participent à la même propagande.

Cela dit, même si la liberté d’expression ne jouit pas, au Canada, du même statut exalté qu’aux États-Unis grâce au premier Amendement de la Constitution, il n’en reste pas moins que la «liberté de pensée, de croyance, d’opinion et d’expression, y compris la liberté de la presse et des autres moyens de communication», la «liberté de réunion pacifique» et la «liberté d’association» sont reconnues comme des «libertés fondamentales» dans l’article 2 de la Charte canadienne des droits et libertés annexée à notre Constitution. Charte qui, heureusement, contredit souvent les politiques anti-discrimination des villes et des provinces.

Nous avons donc tous le droit de manifester contre Israël et ses alliés, si c’est ce qui nous titille, tout comme nous avons parfaitement le droit de débattre de la prière musulmane dans les écoles publiques (pour prendre la plus récente controverse), ou de l’opportunité de financer ou non le festival gai, ou de n’importe quelles autres considérations sur la vie en société ou sur la condition humaine, même quand ces débats offensent certaines sensibilités politiques, religieuses ou culturelles.

La présence de manifestants antisionistes est incongrue dans la parade gaie, mais c’est un bien faible prétexte pour lui couper les vivres. (La Pride arriverait sans doute à combler ce manque à gagner.) Le déficit opérationnel de 700 millions $ de la Ville de Toronto est un meilleur argument, mais au-delà des déclarations de respect du contribuable et d’offensives ponctuelles contre certains scandales, on attend encore de la nouvelle administration municipale une stratégie budgétaire cohérente.

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Mentionnons que Giorgio Mammoliti, ancien critique de Rob Ford devenu l’un de ses alliés, réclame depuis longtemps la création à Toronto d’une zone où la prostitution serait légale et encadrée. En mars dernier, dans une entrevue à la radio, il suggérait de situer ce quartier des bordels sur les îles de Toronto! De toute évidence, cet élu municipal ressent le besoin de confirmer son hétérosexualité…

Mentionnons aussi que la belle Krista Ford, fille de Doug et nièce de Rob, vient d’être nommée capitaine du Toronto Triumph, la nouvelle équipe de la ville-reine dans la ligue de Lingerie Football: des équipes professionnelles de filles en petites tenues qui jouent au football. On est aux antipodes culturels de la Pride! Ce qui expliquerait bien des choses, à commencer par l’indifférence (l’hostilité?) apparente du nouveau régime à l’Hôtel de Ville envers la communauté gaie.

Auteur

  • François Bergeron

    Rédacteur en chef de l-express.ca. Plus de 40 ans d'expérience en journalisme et en édition de médias papier et web, en français et en anglais. Formation en sciences-politiques. Intéressé à toute l'actualité et aux grands enjeux modernes.

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