Faire moins avec moins

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Publié 13/01/2012 par François Bergeron

Le ministère ontarien des Finances emploie des centaines de comptables et d’économistes. Le ministre Dwight Duncan et ses adjoints, de même que le premier ministre Dalton McGuinty et son équipe, ne manquent pas non plus d’occasions de discuter avec les banquiers et les industriels de la province.

On présume que la plupart des ministres et des hauts fonctionnaires lisent avec intérêt les commentaires des meilleurs chroniqueurs des grands médias, qui produisent parfois des analyses très détaillées ou particulièrement éclairantes des services publics et de leur financement.

Et, chaque année, le vérificateur général de l’Ontario se penche sur tous les ministères et les agences du gouvernement, relève des manquements et suggère des améliorations. C’est d’ailleurs aussi le travail des cadres de chaque ministère et agence de s’assurer que leurs services respectent leurs objectifs et leurs budgets.

Enfin, à ce que je sache, les partis politiques tiennent aussi de temps en temps des congrès d’orientation au cours desquels des militants, mais aussi des experts invités, proposent des réformes.

Pourquoi avait-on donc besoin de demander à Don Drummond, ex-économiste en chef de la Banque TD et ex-sous-ministre fédéral des Finances sous Paul Martin, de prendre quelques mois pour examiner l’ensemble des services gouvernementaux et de recommander une réorganisation qui permettrait de réduire le déficit provincial à zéro d’ici cinq ou six ans?

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N’est-ce pas là un exercice que tout gouvernement devrait faire régulièrement?

Sans doute avec le feu vert de son employeur, M. Drummond (bad cop) a accordé récemment quelques entrevues à des journalistes afin de préparer les esprits au rapport qu’il doit présenter au début de février au ministre Duncan (bon cop), lequel s’en inspirera pour élaborer son budget au printemps.

Il fera quelque 400 recommandations, dont certaines touchant à des vaches sacrées comme la santé, l’éducation et les taxes, même si son mandat ne lui accordait pas beaucoup de marge de manoeuvre dans ces secteurs. Essentiellement, il confirmera qu’à moins d’un sérieux coup de barre, le gouvernement ontarien ratera ses cibles budgétaires en raison du ralentissement économique (ontarien, américain, mondial) qui limite les revenus de l’État.

Personne n’a jamais cru à ces cibles, basées sur des taux de croissance fantaisistes. Mais ni les Conservateurs de Tim Hudak ni les Néo-Démocrates d’Andrea Horwath ne les ont remise en question, puisqu’elles leur permettaient à eux aussi d’étoffer leurs programmes électoraux.

L’opposition se préparait à feindre la surprise de trouver les coffres vides ou un incurie insoupçonnée si elle prenait le pouvoir. Les Libéraux, eux, joueraient la carte de la commission Drummond.

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Les trois partis fédéraux nous avaient fait le même coup six mois auparavant, cette fois à l’initiative des Conservateurs. Enfin majoritaire, le gouvernement Harper est tout de suite revenu sur son annonce, en campagne électorale, qu’il allait éliminer son déficit en 2015, un an plus tôt que prévu. Finalement, non, la situation a empiré, ce sera bien en 2016… circulez, il n’y a rien à voir.

Le gouvernement ontarien prévoyait dépenser 125 milliards $ en 2011-2012 (38% en santé, 25% en éducation, 11% en services sociaux, 8% en frais d’intérêt sur la dette), mais il admettait que ses revenus ne s’établiraient qu’à 108 milliards $ (24% d’impôt sur les particuliers, 20% de paiements fédéraux, 19% provenant de la taxe de vente, 13% de l’impôt des sociétés et de l’impôt-santé des employeurs). En raison de ce déficit, qui s’empile sur ceux qui ont été encourus les années passées, la dette provinciale avoisine maintenant les 260 milliards $, ce qui représente environ 40% du PIB.

Ce n’est pas encore la Grèce (165% avant le sauvetage européen, 120% après), mais ça ne mérite pas une cote AAA.

La commission Drummond ne proposera pas de «faire plus avec moins». Cette époque est révolue, car c’est aussi ce «faire plus» – le dérapage des dépenses publiques ces dernières années – qui, autant que le manque à gagner en revenus de taxes et d’impôts, est à la source des déséquilibres actuels. Avec moins, il faudra faire moins.

Auteur

  • François Bergeron

    Rédacteur en chef de l-express.ca. Plus de 40 ans d'expérience en journalisme et en édition de médias papier et web, en français et en anglais. Formation en sciences-politiques. Intéressé à toute l'actualité et aux grands enjeux modernes.

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