Études universitaires en français dans le Sud? François Boileau propose d’inverser le cercle vicieux

Rapport spécial du commissaire aux services en français

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Publié 03/07/2012 par Guillaume Garcia

À peine quelques semaines après son cinquième rapport annuel, le commissaire aux services en français de l’Ontario, François Boileau, se fend d’un rapport spécial intitulé Pas d’avenir sans accès, consacré à l’éducation post-secondaire de langue française à Toronto et dans le Centre-Sud-Ouest de la province.

Après avoir reçu de multiples plaintes concernant le manque de choix pour poursuivre des études en français au palier post-secondaire, le commissaire a mené son enquête et livre ses recommandations sur un sujet aussi complexe qu’essentiel à la survie de la francophonie ontarienne.

Quand les francophones du Nord et de l’Est de l’Ontario parviennent tant bien que mal à bénéficier d’éducation post-secondaire en français, ceux du Centre-Sud-Ouest se retrouvent quasiment sans aucune solution sinon de passer dans le système anglais.

On ne connaît pas le nombre exact de francophones qui étudient en anglais; il s’avère donc difficile de s’appuyer sur des chiffres pour demander des programmes. François Boileau explique que la logique naturelle de la majorité, qui veut que la demande conditionne l’offre, ne fonctionne pas en situation minoritaire. Il faut, pour créer une demande, mettre en place une offre préalable. «Il faut susciter la demande, créer un cercle vertueux» indique le commissaire.

En effet, la situation actuelle veut qu’on ne fasse pas de programmes en français parce que peu d’étudiants le demandent, mais ces derniers ne les demandent pas, car ils n’existent pas… c’est un peu l’histoire du chien qui se mord la queue!

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Sachant que le même processus se déroule autour de la 6e à la 9e année, où l’on doit faire des choix pour après le secondaire…

De plus, pourquoi faire tout son secondaire en français si c’est pour poursuivre en anglais ensuite? Et le rapport le montre, plus on va loin, plus il y a de chances que ce soit en anglais qu’il faille étudier.

Par quel bout commencer?

Le rapport du commissaire Boileau pose les fondations de la réflexion que les francophones vont devoir se faire dans les prochaines années. Comment fournir un curriculum en français, de qualité aux jeunes qui veulent poursuivre leurs études post-secondaires en français en Ontario.

Deux pistes de réflexion sont privilégiées par le commissaire qui cherche dans un premier temps à mieux comptabiliser les étudiants francophones ou francophiles, tout au long de leur scolarité. Cela fait l’objet des recommandations 1 et 2 du rapport.

Il faut sortir du mode de calcul uniquement basé sur les ayants droit d’un côté, et utiliser le numéro d’immatriculation scolaire de l’Ontario tout au long de la scolarité et en modifier plusieurs indicateurs liés à la langue. «La nouvelle définition inclusive des francophones ne s’est pas rendue dans ces ministères encore», regrette le commissaire.

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D’un autre côté, François Boileau indique la nécessité de mettre en place une structure qui négocierait des partenariats entre les institutions post-secondaires de la région Centre-Sud-Ouest, en commençant par Toronto, pour l’établissement de programmes et de services en français.

Créer une structure ad nihilo

«Il faut une structure qui prenne le risque de créer un curriculum. On est convaincu que les gens vont suivre. Une fois que la structure a déterminé le curriculum francophone complet, les étudiants pourraient recevoir des cours à Glendon, à l’Université de Toronto ou encore à York, à Ottawa ou l’Université Laurentienne. C’est réalisable, mais ça prend de la volonté et les bonnes personnes. Avec de la volonté et les bonnes personnes, on peut faire pas mal plus que l’on pense!», s’exclame le commissaire.

Dans le Sud de l’Ontario, la situation est encore plus délicate. Aucune institution post-secondaire ne fournit de programmes en français. Le rapport recommande donc de commencer par se pencher sur le cas de Toronto pour ensuite voir comment aider le Sud.

Glendon en leader?

Le Collège Glendon se voit mentionné de nombreuses fois dans le rapport Pas d’avenir sans accès pour son rôle de leader dans l’offre de programmes en français dans le Centre-Sud-Ouest de l’Ontario, mais aussi pour son potentiel. En effet, outre les cours de Glendon, les étudiants peuvent être sur le campus et suivre des cours de la Cité collégiale d’Ottawa, qui a noué un partenariat avec Glendon.

Si Glendon veut continuer à jouer son rôle de leader, le commissaire pense qu’à terme, le Collège devrait bénéficier d’une autonomie plus large de la part de l’Université York, dont il dépend pour le moment.

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«Glendon est une faculté de York et York va penser en terme de majorité: on offre ce que les gens veulent. Pour offrir des programmes en français, il faut prendre des risques calculés que Glendon pourrait prendre s’il était plus autonome. Il faudrait aussi qu’ils soient imputables à la communauté francophone», poursuit le commissaire.

Construire à partir de l’excellence

François Boileau fait de Glendon le propos de sa quatrième recommandation. Il souhaite que le ministère de la Formation et des Collèges et Universités prenne les mesures pour que Glendon puisse jouir d’une plus grande autonomie afin de servir de base potentielle pour de nouveaux programmes en français dans le Centre-Sud-Ouest de l’Ontario.

Le gros avantage de la piste étudiée par le commissaire est que toutes les institutions mentionnées jouissent déjà de réputation d’excellence, que ce soit Glendon, l’Université d’Ottawa, La Cité collégiale, le Collège Boréal, l’Université de Toronto ou encore l’Université laurentienne, ce qui pourra donner un gage supplémentaire aux étudiants souhaitant s’inscrire dans des programmes en français.

«On nous dit souvent ‘les gens veulent de l’excellence et vous vous partez de zéro’. Mais à Ottawa, quand on a créé le programme de Droit commun en français il y avait beaucoup de railleries et aujourd’hui le programme intéresse d’autres pays bilingues. Ça a marché parce qu’ils ont osé.»

Oser ou tergiverser, battre ou se rendre… voilà semble-t-il les choix que devront affronter les Franco-Ontariens du Centre-Sud-Ouest s’ils souhaitent avoir une éducation post-secondaire en français.

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Lire aussi les réactions de:
Kenneth McRoberts, du Collège universitaire Glendon
Denis Hubert-Dutrisac, du Collège Boréal
Gilles Marchildon, de l’ACFO-Toronto
Ronald Marion, du Conseil scolaire Viamonde

Auteur

  • Guillaume Garcia

    Petit, il voulait devenir Tintin: le toupet dans le vent, les pantalons retroussés, son appareil photo en bandoulière; il ne manquait que Milou! Il est devenu journaliste, passionné de politique, de culture et de sports.

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