Entrevue avec le président et le DG de l’AFO

«La communauté francophone est prête à s’investir pour offrir des services publics»

Denis Vaillancourt, président sortant de l’AFO, et Peter Hominuk, directeur général.
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Publié 07/02/2012 par Guillaume Garcia

Entre l’étude «coûts-bénéfices» de l’Institut Fraser sur le bilinguisme, la nomination de juges et de hauts-fonctionnaires unilingues, l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO) n’a pas le temps de chômer. Son président Denis Vaillancourt et son directeur général Peter Hominuk rencontraient, il y a deux semaines, les responsables de l’Office des Affaires francophones de l’Ontario pour discuter de leurs dossiers. Ils ont également fait le bilan des problématiques avec L’Express.

Depuis le plan stratégique de juin dernier, l’AFO veut garder la francophonie ontarienne sur les rails de la réussite.

Pour cela, Denis Vaillancourt, élu en octobre 2010, et Peter Hominuk, en poste depuis le début du mois, ont déjà organisé plusieurs tables éditoriales avec la communauté ainsi que des formations avec les principaux bailleurs de fonds, comme la Fondation Trillium. «Ils veulent connaître nos objectifs pour mieux choisir les dossiers de subventions à accepter», explique le président de l’AFO.

C’est que, pour faire vivre une francophonie ontarienne dispersée géographiquement et culturellement, il faut des fonds.

En ces temps de privatisations et de coupures financières aux différents paliers gouvernementaux – comme le recommandera sûrement la commission Drummond la semaine prochaine – l’optimisme est de rigueur, même si les craintes ne se sont pas toutes dissipées. «Ce qui nous inquiète, c’est le sort que l’on réserve aux services en français. On ne veut pas voir de reculs», indique Denis Vaillancourt. «Alors qu’on a fait des progrès, on ne veut pas que les coupures empêchent l’amélioration des services en français», renchérit Peter Hominuk.

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Retards en santé

Les deux «chefs» de l’AFO reviennent sur l’exemple des entités de planifications mises en place récemment en Ontario et sur le retard que connaissent les services de santé en français. «On a déjà du retard là-dessus, si on coupe, on prendra doublement du retard.»

«À Toronto», poursuit-il, «il devrait déjà y avoir plus de services. Dans d’autres régions où il y a plus de concentration de francophones, quand de tels services ont été mis en place, cela dure. Dans le Centre-Sud, la population est très dispersée donc c’est plus compliqué de mettre en place tous ces services. Pour l’éducation c’est plus facile, c’est inscrit dans la Constitution. Pour la santé, on voudrait simplement avoir un accès raisonnable.»

Centres de services

L’AFO voudrait aussi voir la communauté se prendre en main et – pourquoi pas? – devenir dispensaire de services, comme ça commence à se faire dans certaines régions. «Il faut montrer qu’on est prêt à faire partie de la solution et agir collectivement.»

Peter Hominuk, ancien DG de La Clé de la Baie, connaît bien les problématiques de collaboration entre organismes, lui qui a réussi à réunir les organismes du coin de Penetanguishene sous la bannière d’un seul et même porte-parole.

«Ce n’est pas à nous de gérer les chicanes internes entre organismes, mais on aurait intérêt à davantage collaborer. Et puis si tu as des collaborateurs, c’est plus incitatif pour les ministères et les bailleurs de fonds.»

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Denis Vaillancourt, qui semble connaître tous les dossiers d’éducation et de santé, a connu de nombreux combats durant sa longue carrière et dresse un constat amer. «Chaque fois qu’un nouvel arrivant n’a pas accès à des services en français, c’est l’assimilation. On perd entre huit et neuf nouveaux arrivants sur dix en ce moment.»

Dualité linguistique

L’Assemblée de la francophonie insiste également sur les différentes nominations unilingues, comme celles de juges de la Cour suprême. «C’est un pays fondé sur la dualité linguistique. Les nominations de juges unilingues c’est une contradiction qui ne favorise pas la dualité. Quand on voit des choses comme ça, cela contribue à l’assimilation.»

Sur ce sujet, l’AFO et la Fédération des communautés francophones et acadienne font front commun pour porter le respect des francophones dans les plus hauts cercles de la politique.

«On nous a dit qu’ils avaient pris les personnes les plus qualifiées. Il y a aussi une question de répartition géographique et il fallait des juges de l’Ouest. Mais la Colombie britannique est la province où l’immersion française est la plus forte, on se demande s’ils ont bien fait leurs devoirs. Le gouvernement devrait être plus agressif pour faire apprendre le français à la majorité.»

L’autre 400e

Plusieurs grandes échéances devraient venir aider la francophonie à se mettre sur l’avant de la scène, comme les célébrations en 2013 du 400e anniversaire du premier voyage de Samuel de Champlain en Ontario, les Jeux Panam de 2015, avec lesquels travaille l’AFO pour que le français tienne la place qui lui est due, avant de fêter, en 2017, le 150e anniversaire de la Confédération canadienne.

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Pour conclure sur l’avenir de la francophonie, Denis Vaillancourt et Peter Hominuk se réjouissent de la relève, comme la FESFO. «Il y a de plus en plus le goût de ce réflexe francophone. Malgré quelques bémols il y a une relève dans le leadership.»

Les deux mettent également en avant le débat en français qui a eu lieu sur le plateau de TFO pour les élections provinciales. «Cinq ans en arrière, on n’aurait pas pu faire un débat en français. Les partis politiques pensent de plus en plus à la francophonie. Même sur le plan national, huit des treize premiers ministres actuels au pays sont bilingues.»

Malgré les craintes liées aux coupures destinées à équilibrer le budget provincial, l’AFO reste optimiste sur l’avenir de la francophonie ontarienne et espère qu’un jour, les services en français soient accessibles partout, sans que cela ne passe forcément pas des désignations officielles de régions bilingues.

«Aujourd’hui la communauté est mature, on peut partager le français avec tout le monde sans avoir peur de le perdre», de terminer Denis Vaillancourt.

Auteur

  • Guillaume Garcia

    Petit, il voulait devenir Tintin: le toupet dans le vent, les pantalons retroussés, son appareil photo en bandoulière; il ne manquait que Milou! Il est devenu journaliste, passionné de politique, de culture et de sports.

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