Éducation physique + santé = sexualité

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Publié 03/03/2015 par François Bergeron

À la fin de la 3e année d’école primaire en Ontario, l’élève devra pouvoir «expliquer comment on peut respecter les différences visibles et invisibles pour apprécier le fait que chaque personne est unique». Par différences visibles, on veut dire bien sûr la couleur de la peau, les aptitudes physiques, les habillements, etc. Les différences invisibles, elles, réfèrent aux habiletés et talents, valeurs culturelles et croyances, allergies et orientations sexuelles…

C’est ce qu’on lit dans le nouveau Programme-cadre d’éducation physique et santé du ministère de l’Éducation, dévoilé la semaine dernière par le gouvernement libéral provincial, notable surtout pour la mise à jour de l’éducation sexuelle qui y est intégrée.

En 5e année, on s’attend à ce que l’élève puisse «décrire le stress, sur le plan émotionnel et interpersonnel, attribuable aux changements qui ont lieu à la puberté», y compris son «questionnement sur son orientation sexuelle».

La masturbation, c’est pour la 6e année. En 7e, le jeune devra pouvoir décrire les répercussions de différentes formes de harcèlement, d’intimidation ou de coercition, comme les insultes homophobes ou racistes.

À la fin de la 8e année, sa compréhension de la santé sexuelle comprendra l’utilisation de la contraception et du condom. On discutera aussi du consentement et des «considérations qui interviennent dans la prise de décisions en ce qui a trait à une activité sexuelle saine et sécuritaire».

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De la 9e à la fin du secondaire, on s’intéressera notamment à la santé mentale et aux drogues, aux «relations exclusives qui pourraient faire du mal à autrui», aux implications légales du harcèlement et de la violence, et, encore, à l’identité et l’orientation sexuelles.

Évolution des moeurs

Cette politique n’avait pas été révisée depuis 1998, «une époque où les médias sociaux et les téléphones intelligents ne faisaient pas encore partie de notre quotidien», fait valoir le ministère.

En 2010, le gouvernement libéral avait renoncé à toucher à l’éducation sexuelle pour ne pas froisser les sensibilités conservatrices qu’on attribuait encore à un grand nombre d’Ontariens. L’élection non controversée d’une première ministre ouvertement homosexuelle, Kathleen Wynne, semble avoir démontré que les esprits étaient mûrs.

De fait, outre les objections contre «l’hypersexualisation forcée des enfants» exprimées par un candidat au leadership du Parti progressiste-conservateur de l’Ontario et quelques centaines de manifestants devant l’édifice du parlement provincial mardi dernier, la réforme est généralement bien accueillie à travers la province. Elle est par ailleurs farouchement défendue par le gouvernement.

Les critiques ont plutôt ciblé le moment choisi pour dévoiler cette réforme de l’éducation sexuelle, qui détournerait l’attention des médias du scandale du jour: la tentative de corruption par le Parti libéral d’un candidat à la récente élection partielle à Sudbury.

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Même l’Association franco-ontarienne des conseils scolaires catholiques (AFOCSC) s’est proclamée «heureuse que la mise en oeuvre du nouveau programme-cadre de santé et éducation physique se fasse, dès septembre prochain, conformément au contexte de notre foi catholique»…

L’AFOCSC embrasse le jargon du ministère, se réjouissant que «le programme-cadre révisé fait la promotion d’un développement sain sur les plans physique, social, émotionnel et cognitif de tous les élèves et repose sur les compétences et connaissances nécessaires pour mener des vies saines et actives, aujourd’hui et dans le futur.»

Touche à tout

Deux documents de plus de 200 pages chacun, un pour le cycle de la 1re à la 8e années et l’autre pour les 9e à 12e, forment Le curriculum de l’Ontario Éducation physique et santé révisé.

Ce curriculum déborde ce qu’on conçoit communément comme «l’éducation physique et la santé» pour toucher à pratiquement tous les aspects du développement du pré-ado et de l’ado, jusqu’à la «littératie financière» et les «habiletés d’enquête et de recherche».

Le ministère justifie une telle approche holistique en disant que «l’apprentissage en éducation physique et santé doit être directement lié aux habiletés et aux besoins individuels» et que «l’accent est mis sur le développement d’habiletés nécessaires pour mener une vie saine et active».

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Le nouveau programme-cadre, «plus représentatif de la population croissante et diversifiée de la province», tourne beaucoup autour du respect des différences et de l’inclusion des minorités les plus minoritaires, attitudes considérées ici comme les conditions premières d’une vie meilleure pour tous.

L’évolution des technologies de communication (c’est-à-dire l’accès des jeunes à l’internet et aux médias sociaux) ont rendu nécessaire la modernisation du curriculum en matière d’éducation sexuelle. Mais on la justifie aussi par l’évolution physique des jeunes eux-mêmes: «des études montrent que les filles atteignent la puberté à un aussi jeune âge que sept ans, ce qui est considérablement plus tôt que chez les générations précédentes», souligne le gouvernement.

«Nous mettons à jour le programme-cadre afin d’assurer la sécurité et la santé de nos élèves», résume la ministre Liz Sandals.

Levez la main ceux qui sont contre la sécurité et la santé…

Auteur

  • François Bergeron

    Rédacteur en chef de l-express.ca. Plus de 40 ans d'expérience en journalisme et en édition de médias papier et web, en français et en anglais. Formation en sciences-politiques. Intéressé à toute l'actualité et aux grands enjeux modernes.

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