Éducation ou propagande au Musée de la guerre?

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Publié 04/09/2007 par François Bergeron

On a beaucoup commenté dans la presse canadienne-anglaise la récente décision du Musée canadien de la guerre, à Ottawa, de modifier le texte d’un panneau de son exposition sur les bombardements alliés contre les villes allemandes pendant la Deuxième Guerre mondiale.

Plusieurs anciens combattants n’appréciaient pas qu’on puisse douter de l’efficacité, encore moins de la moralité, de ces bombardements qui ont fait des centaines de milliers de morts, le plus célèbre incinérant la ville de Dresden en 1945.

Rédigé par un petit comité d’historiens, le panneau rapportait que la valeur et la moralité des bombardements stratégiques contre l’Allemagne «demeurent contestées aujourd’hui», ajoutant que ces raids n’ont permis de ralentir la production militaire allemande qu’à la toute fin de la guerre.

Le nouveau texte n’est pas encore dévoilé, mais un porte-parole du Musée a laissé entendre qu’il devrait satisfaire les anciens combattants. Certains d’entre eux accusaient le Musée de les faire passer pour des criminels de guerre!

L’histoire, la nôtre ou celle des autres, la vraie qui n’en fait pas moins l’objet d’interprétations contradictoires ou celle qui tient davantage de la propagande, suscite donc encore des débats passionnés, ce qui est une excellente nouvelle. Cette affaire du Musée de la guerre a mobilisé les anciens combattants pendant deux ans et a généré éditoriaux, commentaires d’experts, lettres de lecteurs, tribunes radiophoniques, etc.

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Entre autres, on s’est inquiété que les pressions politiques d’un groupe d’intérêts – même s’il s’agit de héros comme nos anciens combattants – puissent réussir à faire modifier une exposition censée respecter des critères rigoureux d’objectivité scientifique. Ici, cependant, on serait porté à donner raison aux anciens combattants, témoins plus crédibles des événements de la Deuxième Guerre mondiale que les historiens plus jeunes et plus «politiquement corrects», qui revisitent ce que ces soldats ont vécu.

Il est exact, bien sûr, que toutes les décisions militaires, passées et présentes, font rarement l’unanimité, au sein des Forces armées comme dans la population en général, surtout avec le recul des années. Mais en le spécifiant ici et pas ailleurs, le panneau du Musée de la guerre sur les bombardements alliés contre l’Allemagne délaissait les faits historiques pour toucher à l’opinion – une opinion blessante pour les anciens combattants.

C’est d’ailleurs plutôt le fait que ces événements soient maintenant controversés chez les historiens… qui suscite la controverse. Car il faut beaucoup d’audace pour suggérer aujourd’hui que les Alliés auraient pu employer des méthodes plus douces pour empêcher l’Allemagne nazie et le Japon impérial de conquérir le monde.

Avant de juger des décisions militaires comme le bombardement des villes allemandes ou les attaques atomiques contre Hiroshima et Nagasaki, il faut se mettre à la place des dirigeants de l’époque et examiner les alternatives qui s’offraient à eux.

Il ne fait aucun doute qu’après l’invasion de la plus grande partie de l’Europe par l’Allemagne et du Sud-Est asiatique par le Japon, les bombardements contre Londres, Pearl Harbour, l’attaque des convois maritimes dans l’Atlantique (souvent escortés par des navires canadiens) et la course aux armements de plus en plus destructeurs, les Alliés avaient raison de rechercher les moyens les plus radicaux pour forcer l’Allemagne et le Japon à la reddition inconditionnelle.

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De nombreux témoignages de dirigeants allemands indiquent que les bombardements alliés sapaient le moral de la population et détruisaient l’économie du Reich, ses deux objectifs déclarés et parfaitement légitimes.

De même, entre la démonstration de la nouvelle arme atomique contre le Japon et la perspective du prolongement de la guerre dans le Pacifique qui aurait pu coûter encore un million d’hommes aux Américains, le choix de l’administration Truman peut difficilement être remis en question. Son objectif premier, mettre fin à la guerre, a d’ailleurs été atteint immédiatement.

Plus tard, face à la menace communiste – que plusieurs historiens «pacifistes» n’ont jamais reconnue malgré les preuves accablantes et les millions de victimes – d’autres décisions participant à la Guerre froide seront donc toujours «controversées» elles aussi.

Aujourd’hui, nous avons droit à la fausse «Guerre au terrorisme», bien plus nuisible à l’image de nos Forces armées que n’importe quel panneau équivoque au Musée de la guerre.

Auteur

  • François Bergeron

    Rédacteur en chef de l-express.ca. Plus de 40 ans d'expérience en journalisme et en édition de médias papier et web, en français et en anglais. Formation en sciences-politiques. Intéressé à toute l'actualité et aux grands enjeux modernes.

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