Écouteurs: l’ouïe des jeunes à risque

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Publié 11/04/2017 par Ève Beaudin

De nos jours, les jeunes de tous âges utilisent des casques d’écoute. Grâce à eux, les tout-petits peuvent se faufiler hors du lit le matin pour écouter Pat’Patrouille sans déranger leurs parents, et les adolescents peuvent écouter leur chanson préférée en boucle sans irriter la maisonnée.

Cependant, bien des parents craignent que l’usage fréquent des casques d’écoute endommage l’ouïe de leurs enfants. Une crainte qui semble fondée, mais dont l’issue est évitable si l’on suit certaines recommandations.

Niveau sonore dangereux

Les écouteurs-bouton et casques d’écoute sont devenus un incontournable de la panoplie des jeunes. L’an dernier, il s’en serait vendu 334 millions à l’échelle mondiale. En 2015, plus de la moitié des Canadiens en ont utilisés et 75% des Français de 15 à 45 ans.

L’utilisation d’un casque d’écoute pour écouter de la musique, regarder une émission ou jouer à des jeux vidéo n’est pas un problème en soi, si le niveau sonore est adéquat. Cependant, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) estime que près de 53% des adolescents et jeunes adultes de 12 à 35 ans écoutent de la musique à un niveau sonore jugé dangereux par l’OMS et par la plupart des pédiatres.

Une importante étude publiée en 2001 a conclu qu’environ 12,5% des enfants et jeunes adultes américains souffrent d’une déficience auditive connue sous le nom de seuil d’audition induit par le bruit. Une autre, en 2012, a établi qu’environ 20% des adolescents américains de 12 à 19 ans auraient un certain degré de perte auditive, dont une partie attribuable aux dommages causés par le bruit. Cela représente une augmentation de 30% en 10 ans.

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On ne peut pas attribuer uniquement au port du casque d’écoute cette augmentation des troubles auditifs causés par le bruit. Les jeunes sont exposés à des niveaux sonores élevés dans toutes sortes d’autres contextes: cafétéria, cour d’école, gymnase, salles d’amusement, cinémas et événements sportifs… Cependant, les spécialistes estiment que leur utilisation de plus en plus répandue joue un rôle important.

«Avec la popularisation des MP3, des téléphones intelligents et des tablettes électroniques, les occasions de porter un casque d’écoute se sont multipliées, en déplacement comme à la maison», témoigne Justine Ratelle, audiologiste au CHU Sainte-Justine.

«En plus de les utiliser pour écouter de la musique, les jeunes les utilisent pour regarder des films, jouer à des jeux vidéo, parler au téléphone…» Ainsi, de nombreux enfants et adolescents accumulent plusieurs heures d’écoute par jour à des niveaux sonores trop élevés, ce qui les met en danger de surdité précoce.

Volume + durée + fréquence = dommages

Les dommages à l’audition sont provoqués par trois facteurs: le volume sonore, la durée de l’exposition et la fréquence. «C’est un peu comme l’exposition au soleil. On ne doit pas en prendre trop souvent et plus c’est intense, plus on doit limiter la durée de l’exposition», explique Julie Baril, audiologiste et candidate au doctorat en santé publique à l’Université de Montréal.

DDR-Ecouteurs-Tableau_dB-8ce9c46492359f59505a8d91437eda5022a2557eL’échelle des décibels est logarithmique (voir tableau). Ce qui veut dire qu’une augmentation de 10 décibels multiplie par 10 la puissance sonore. Selon l’OMS, le niveau d’intensité qu’il est recommandé de ne pas dépasser est inférieur de 85 décibels (dB) pour une durée d’écoute de 8 heures par jour au maximum.  À 100 dB, les dommages peuvent survenir au bout de 15 minutes seulement. Ces dommages ont été évalués en fonction d’une exposition au bruit dans une aire ouverte.

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«Avec des écouteurs, le bruit est juste à côté du tympan, alors il faut être encore plus vigilant pour éviter les dommages», souligne Mme Baril. «Malheureusement, les jeunes ne sont pas toujours conscients des dangers. Dans le cadre d’un projet auquel j’ai participé en 2008, près de 50% des 14 à 17 ans interrogés écoutaient quotidiennement de la musique à 100 dB pendant de longues périodes. Certains écoutaient de la musique à 110 dB: c’est l’équivalent d’un marteau piqueur ou d’un énorme coup de soleil tous les jours, pour reprendre mon analogie.»

L’exposition à des niveaux sonores élevés occasionne d’abord une fatigue auditive qui peut donner l’impression d’avoir les oreilles bouchées. «Les cellules ciliées situées dans les oreilles se couchent quand elles sont exposées à trop de bruit», explique l’audiologiste Justine Ratelle. «Si elles n’ont pas été exposées trop longtemps ou trop souvent, elles récupèrent et l’audition s’améliore.»

Si c’est trop récurrent, il y aura éventuellement une altération permanente des cellules ciliées et des structures environnantes qui entraînera une perte d’audition irréversible.

L’étude dont parle Julie Baril avait d’ailleurs démontré qu’environ 50% des jeunes présentaient des signes de perte auditive comme des acouphènes (sifflement, bourdonnement, son strident dans les oreilles) qui peuvent devenir permanents et s’accompagner d’une baisse de l’ouïe.

Sur le long terme, ces séquelles viendront s’ajouter à la diminution de l’audition due au vieillissement, ce qui porte de nombreux spécialistes à croire que ces habitudes d’écoute dangereuses conduisent à la formation d’une future génération de sourds.

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Miser sur la prévention

La perte d’audition étant définitive, la prévention reste la meilleure stratégie.

«Un appareil auditif, ce n’est pas comme des lunettes, cela ne redonne jamais une audition parfaite. Quand je vois des jeunes dans mon bureau, je leur explique: si tu aimes la musique, fais attention. Sinon, à 25 ans tu auras l’audition d’une personne âgée et tu devras faire répéter tes amis quand ils te parleront. Ça les fait réfléchir!», confie Julie Baril.

Pour sa part, Justine Ratelle recommande aux parents et aux jeunes de régler le niveau sonore de leur appareil audio à 60% du maximum. «Il faudrait suivre la règle du 60/60 de l’OMS: 60% du volume maximum, pour un maximum de 60 minutes à la fois. Ensuite, on prend une pause», explique-t-elle.

L’OMS recommande par ailleurs de limiter l’utilisation des appareils audio personnels à moins d’une heure par jour.

Règle générale, un enfant qui porte des écouteurs ou un casque d’écoute devrait nous entendre si on lui parle à une distance d’un mètre, et on ne devrait pas entendre ce qu’il écoute à plus d’un mètre de lui.

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L’utilisation d’un bon casque d’écoute permet d’entendre clairement la musique à des niveaux sonores plus faibles. Les écouteurs et casques antibruit réduisent le bruit de fond, de sorte que les utilisateurs peuvent percevoir nettement les sons sans avoir à augmenter le volume.

Auteur

  • Ève Beaudin

    Journaliste à l'Agence Science-Presse, média indépendant, à but non lucratif, basé à Montréal. La seule agence de presse scientifique au Canada et la seule de toute la francophonie qui s'adresse aux grands médias plutôt qu'aux entreprises.

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