Dix années de guerre débilitante

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Publié 07/09/2011 par François Bergeron

Le 11 septembre 2011 marque le dixième anniversaire de l’un des événements les plus impressionnants dont ma génération et celle de mes parents auront été témoin, après la chute du mur de Berlin (1989), Neil Armstrong sur la Lune (1969) et la fin de la Deuxième Guerre mondiale (1944-45). La mort cet été du chef d’al-Qaïda, Oussama ben Laden, exécuté par des soldats américains lors d’un assaut contre sa maison découverte au Pakistan, est venue clore ce chapitre qui n’en finissait plus de finir.

Il serait exagéré de comparer les périodes pré- et post-11 septembre à celles de l’Amérique pré- et post-colombienne. Aussi spectaculaire fut-il, le quadruple attentat-suicide contre les deux tours du World Trade Center, le Pentagone et (suppose-t-on) le Capitole ou la Maison Blanche, qui a fait 2977 victimes, n’était pas le premier d’al-Qaïda, qui n’était alors que l’une des manifestations de l’engeance anti-américaine/anti-occidentale aux motivations les plus diverses que l’on retrouve sous toutes les latitudes depuis un demi-siècle.



Il est naïf de prétendre que l’administration du président George W. Bush aurait dû comprendre ce qui se tramait et aurait pu empêcher l’attaque. Les services de renseignement traitaient déjà trop d’informations pour que l’inscription de quelques Saoudiens à des cours de pilotage puisse alarmer qui que ce soit. On a aussi un peu trop facilement blâmé Bill Clinton de ne pas avoir tout fait pour traquer et détruire al-Qaïda pendant son mandat.



Selon divers sondages, une frange appréciable de la population croit que Washington et/ou Jérusalem auraient lassé faire les attentats ou les auraient carrément orchestrés afin de discréditer les musulmans, mâter les ennemis d’Israël et justifier une invasion du Moyen-Orient et la mainmise sur le pétrole. Toronto accueillait en fin de semaine dernière une conférence internationale de ces «truthers».

L’expression «depuis le 11 septembre», entendue ad nauseam dans les discours et les commentaires, a bel et bien justifié une formidable expansion des pouvoirs policiers aux États-Unis et ailleurs, une surveillance et un contrôle plus serrés des conversations et des déplacements des citoyens… sans qu’on se sente vraiment plus en sécurité.

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Aucun nouvel attentat du genre n’a cependant été commis en sol américain (191 personnes ont été tuées le 11 mars 2004 dans un attentat à la gare de Madrid, et une attaque contre le métro de Londres le 7 juillet 2005 a fait 52 victimes), même si d’autres opérations potentiellement catastrophiques ont été déjouées.



Le cas le plus célèbre chez nous est celui des 18 apprentis terroristes qui ont été appréhendés en 2006 et condamnés à diverses peines de prison pour avoir ourdi un attentat au camion piégé contre un édifice du centre-ville de Toronto et une attaque du Parlement à Ottawa.

Le premier ministre Stephen Harper a fait des vagues, la semaine dernière, en déclarant en entrevue à CBC que la plus grande menace à la sécurité du Canada, celle qui tenait les agences de renseignements et les forces de l’ordre sur le qui-vive jour et nuit, restait «l’islamisme». Il a raison au sens strict où on ne pourrait pas identifier une plus grande menace, mais cela en dit plus long sur le sort enviable du Canada sur ce front que sur le niveau de la menace elle-même.



Les amateurs de conspirations inversent souvent les conséquences et les causes des événements: on remarque que les attentats font l’affaire des «faucons» qui préconisent une intervention militaire tous azimuts, et on en déduit, sans autres preuves, que ce sont eux qui ont commandité les attentats.



Les attentats du 11 septembre 2001 ont amené les Étais-Unis à déclarer la «guerre au terrorisme», d’abord en attaquant l’Afghanistan (octobre 2001) qui abritait des camps d’al-Qaïda et où se cachait ben Laden, puis, malheureusement, en délaissant cette mission pour envahir l’Irak (mars 2003), dont le régime, aussi détestable fut-il, n’avait rien à voir avec ces événements et ne possédait bien sûr aucune «arme de destruction massive». 



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Ces mensonges ont discrédité l’administration américaine, déjà suspecte, comme les anciennes puissances coloniales, en raison de ses interventions passées et son rôle dans le maintien de régimes autoritaires impopulaires. L’idée de transplanter en Irak et ailleurs nos valeurs «occidentales» de démocratie et de liberté partait d’un bon sentiment. Mais comme le «printemps arabe» de 2011 l’a démontré, ces valeurs deviennent réellement «universelles» quand les premiers intéressés les revendiquent eux-mêmes sans nous demander la permission.



40 000 soldats américains – sur environ 150 000 au début, avec 45 000 Britanniques – sont encore stationnés en Irak. Ils sont presque tous censés quitter ce pays d’ici la fin de l’année. Il y en a encore plus de 100 000 en Afghanistan, un nombre qui ne devrait diminuer que du tiers à la fin de 2012. Ces manoeuvres ont coûté très cher en vies humaines (des milliers d’Américains, Britanniques, Canadiens, etc., et des dizaines de milliers d’Afghans et d’Irakiens) et en ressources matérielles et financières. 



Bien que ces aventures militaires ruineuses ne sont pas les principaux facteurs du déclin de nos économies occidentales et de l’endettement périlleux de nos gouvernements, elles y ont contribué, entre autres par leur mauvais timing. Sortir de ces bourbiers et réduire les budgets de défense et de sécurité font partie des solutions qui permettraient de redresser nos niveaux de vie et de recommencer à relever des défis plus positifs: protéger l’environnement et la biodiversité, aider à résoudre d’autres conflits dans le monde, mieux combattre les maladies, répondre plus rapidement aux désastres naturels, aller sur Mars…

Auteur

  • François Bergeron

    Rédacteur en chef de l-express.ca. Plus de 40 ans d'expérience en journalisme et en édition de médias papier et web, en français et en anglais. Formation en sciences-politiques. Intéressé à toute l'actualité et aux grands enjeux modernes.

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