Des sans-abri comédiens dans « Les bas fonds »

«C’était un peu fou»

Partagez
Tweetez
Envoyez

Publié 18/01/2011 par Guillaume Garcia

Mardi dernier dans la galerie Pierre Léon de l’Alliance française de Toronto était présenté le documentaire Les Bas-Fonds de la réalisatrice suisse Denise Gilliand. Ce film retrace l’histoire de la pièce Les Bas Fonds, de Maxime Gorki, mise en scène par Serge Sandor et jouée par des comédiens particuliers, ils étaient en effet tous des sans-abris. Le résultat est bluffant, le public du théâtre Chaillot estomaqué et les comédiens réjouis. Une bien belle aventure.

Fin des années 90, Serge Sandor décide d’aller frapper à la porte de centres sociaux dans Paris, pour proposer ses services et monter des ateliers de théâtre. Il forme une troupe et propose le texte quasi-littéral de la pièce Les bas fonds de Gorki.

Tous les sans-abris, femmes battues, etc qui veulent faire partie du projet sont acceptés. De l’anglais désargenté au pilier de bar du coin, Serge Sandor accueille des gens de toutes origines, cassés par la vie, mais motivés à l’idée de faire du théâtre. S’ils savent qu’ils ne trouveront pas spécialement de travail après ce stage, beaucoup ont envie, et besoin d’exprimer leurs émotions, de réapprendre à communiquer et de retrouver une routine.

Les plus bourrus tombent vite leur masque et c’est dans la bonne humeur que tous commencent à travailler, au rythme d’une rencontre par semaine. La réalisatrice filme ces heures de travail et partage également des scènes de vie de plusieurs membres de la troupe, lorsqu’ils rentrent «chez eux», que ce soit au centre d’accueil, ou dans la nature.

Le projet avance rapidement, lors des répétitions Serge Sandor semble confiant, même s’il sait qu’il perdra certainement quelques acteurs avant la fin. Cela se passe d’ailleurs assez rapidement avec un homme qui vient tout de même souhaiter bonne chance à la troupe, mais indique qu’il a besoin de mendier pour vivre et n’a donc pas le temps de rester. Entrer dans le monde des sans-abris et personnes en détresse ne vient pas sans son lot de surprises.

Publicité

Mais la troupe a trouvé une stabilité, les comédiens sont fidèles et fiables. Chacun aide l’autre comme il peut et la fierté revient. Plusieurs se remettent à lire pour les besoins de la pièce et ne pas décevoir Serge est déjà une grande motivation pour la plupart.

En dehors des répétitions, la réalisatrice réussit à capter la vie de ses sans-abris sans tomber dans la compassion où le voyeurisme «regardez ils sont vraiment dans la m….». Cela peut surprendre, mais ils se livrent avec honnêteté et jugent leur vie avec beaucoup de recul et de justesse, sans se trouver d’excuses. Ils sont les premiers à vouloir s’en sortir.

Juste avant la grande première au théâtre Chaillot, la tension se fait plus grande, mais tout devait se passer pour le mieux, comme si c’était écrit. Standing ovation pour les comédiens, le public ne croit pas qu’ils sont vraiment SDF.

Pourtant quelques jours avant, ils étaient dans le métro parisien, à contempler leur nom sur l’affiche du spectacle, collée sur les murs, ne réalisant pas encore tout à fait.

Le public de l’Alliance a réagi comme le public de Chaillot, n’en croyant pas ses yeux, et louant le travail de titan fait par Serge Sandor. Louise Naubert, directrice artistique du théâtre francophone La Tangente, à Toronto, était présente à la projection et avait du mal à contenir son émotion et son respect pour le travail accompli.

Publicité

Près d’une décennie après avoir vu le docu pour la dernière fois, il se lâche, «c’est vrai qu’aujourd’hui je me dis que c’était vraiment fou.» On se disait aussi…

Auteur

  • Guillaume Garcia

    Petit, il voulait devenir Tintin: le toupet dans le vent, les pantalons retroussés, son appareil photo en bandoulière; il ne manquait que Milou! Il est devenu journaliste, passionné de politique, de culture et de sports.

Partagez
Tweetez
Envoyez
Publicité

Pour la meilleur expérience sur ce site, veuillez activer Javascript dans votre navigateur