Des problèmes périodiques

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Publié 16/10/2007 par Martin Francoeur

Le journal que vous lisez est un hebdomadaire. Je ne vous apprends rien. Ma chronique, elle, ne l’est pas. On me publie toutes les deux semaines, en faisant exception de la pause estivale. Et si je voulais qualifier cette chronique, j’emploierais quoi? Quel adjectif décrit une chose qui se produit aux deux semaines? Si vous en trouvez un, faites-moi signe car j’ai eu beau fouiller et fouiller mais je n’ai rien trouvé.

L’idée d’une chronique sur la périodicité m’est venue lorsque, il y a quelques semaines, j’écrivais un article sur la collecte des ordures qui, à Trois-Rivières, se fera désormais aux deux semaines, du moins pour la période hivernale.

J’ai cherché en vain cet adjectif qui allait m’éviter de répéter, au moins six fois dans mon texte, l’expression «aux deux semaines». Au bout du compte, je répète six fois cette même expression, faute de mieux ou de plus court.

On manie assez bien les adjectifs qui indiquent à quelle fréquence se produit un fait ou qui expriment sa durée. Quand quelque chose se produit une fois par jour, on la dit «quotidienne». Si elle se produit une fois par semaine, elle est «hebdomadaire». Une fois par mois: «mensuelle». Et une fois par année: «annuel».

Jusque là tout va bien. Et il est assez simple de déduire, selon une construction fixe en français, que quelque chose qui se produit deux fois par jour sera «biquotidien»; deux fois par semaine: «bihebdomadaire»; deux fois par mois: «bimensuel». Mais on pourrait aussi dire «semi-mensuel». Et deux fois par année? C’est l’exception à la règle. On ne dit pas «biannuel» mais bien «semestriel».

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Si un événement se produit tous les deux mois, on emploiera l’adjectif «bimestriel». Et s’il arrive tous les deux ans, on utilisera «bisannuel» ou «biennal». Ce dernier adjectif a même été substantivé pour désigner, par exemple, des événements fixes qui reviennent aux deux ans.

À Trois-Rivières, il existe une «Biennale d’estampe contemporaine» et une «Biennale de céramique». Les deux se déroulent en alternance, évidemment.

Enfin, on note aussi l’existence d’autres adjectifs du genre, comme «trimestriel», qui s’applique à une chose qui revient tous les trois mois; «triennal», qui revient tous les trois ans; «quadriennal» pour ce qui se produit aux quatre ans; et «quinquennal» pour les événements qui reviennent aux cinq ans.

Les Jeux olympiques sont quadriennaux, tout comme les années bissextiles. Il existe des plans triennaux, des magazines bimestriels…

L’Office québécois de la langue française est formel. Il n’existe pas d’adjectifs pour qualifier ce qui revient toutes les deux semaines. On insiste sur le fait qu’il y a une différence importante entre un événement qui survient ainsi aux deux semaines et un autre qui se produit deux fois par mois, donc bimensuel.

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La collecte des ordures ne se fera pas deux fois par mois, mais bien à toutes les deux semaines. Inutile, donc, d’envisager l’emploi de «bimensuel» pour régler mon problème de répétition…

Bien sûr, il existe en français les noms «quatorzaine» et «quinzaine» qui désignent respectivement un espace de quatorze jours et de quinze jours. Dans les faits, ces noms sont à peu près synonymes.

Dans plusieurs entreprises, les employés sont payés «à la quinzaine». Il est rare que, pour désigner cet état de fait, on emploie l’expression «à la quatorzaine». Il est même permis d’employer le nom «quinzaine» pour désigner un salaire de deux semaines.

Les dictionnaires l’attestent. Chez nous, toutefois, cet emploi est rare. On n’entend pas dire que quelqu’un a constaté que «sa quinzaine» avait été déposée dans son compte bancaire…

J’aurais donc pu, en théorie, utiliser une formulation comme «la collecte des ordures se fera désormais à la quatorzaine» mais avouez que ça sonne mal et que j’aurais probablement égaré mon lecteur.

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Si cette expression pouvait avoir le mérite de varier les formes utilisées, elle ne permettait toutefois pas, comme le font la plupart des adjectifs, de faire plus court que «la collecte des ordures se fera désormais aux deux semaines».

En feuilletant certains ouvrages, j’ai également appris qu’il ne m’était pas permis, ou du moins qu’il m’était fortement déconseillé, d’employer l’expression «les camions à ordures passeront chaque deux semaines».

L’emploi de «chaque» devant un adjectif numéral est critiqué, nous dit-on. Il faut privilégier l’utilisation du déterminant indéfini «toutes» et dire: «toutes les deux semaines».

Alors en attendant de trouver mieux, disons que la collecte des ordures se fera «toutes les deux semaines», tout comme la publication de cette chronique. N’y voyez surtout pas de lien!

Auteur

  • Martin Francoeur

    Chroniqueur à l-express.ca sur la langue française. Éditorialiste au quotidien Le Nouvelliste de Trois-Rivières. Amateur de théâtre.

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