Des liaisons de velours et de cuir

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Publié 01/04/2014 par Martin Francoeur

On connaît tous le sens premier du mot velours et celui du mot cuir. Mais peu de gens savent que ces mots désignent aussi deux formes de liaisons inappropriées dans le français parlé. Explications.

J’ai déjà abordé dans ces pages le sujet des liaisons «dangereuses», de ces liaisons erronées qu’on entend assez fréquemment en français. J’avais alors mis l’emphase sur les pataquès, un mot étrange dont l’histoire est assez anecdotique.

Consonne invisible

De façon générale, on définit le pataquès comme étant le fait d’ajouter une consonne qui n’existe pas à la fin d’un mot.

Mais si on regarde de façon plus spécifique les fausses liaisons dans le français parlé, on restreint alors la définition du pataquès au fait d’ajouter un «n» ou un «l» inexistant entre deux mots.

Selon la Banque de dépannage linguistique, la tendance à insérer un «n» est probablement une généralisation de la liaison après un, en ou les possessifs mon, ton, son. Et l’insertion d’un «l» est peut-être une généralisation de la liaison après le pronom il.

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On pourrait donc considérer comme étant des pataquès des expressions comme: «Ça l’a été long !» au lieu de «Ç’a été long!». Ou encore: «Avec un tel rabais, ils vont n’en vendre beaucoup» au lieu de «Avec un tel rabais, ils vont en vendre beaucoup» (sans liaison).

Certaines sources mentionnent que le pataquès peut aussi désigner la tendance à remplacer un «t» final par un «s» ou l’inverse, dans un enchaînement: «Ils devraient z’être contents» ou encore «J’étais t’en sueurs».

T sans raison

Mais qu’en est-il alors du cuir et du velours?

Le «cuir» consiste à introduire un «t» sans raison entre deux mots. Cette faute de prononciation est vraisemblablement attribuable à une généralisation de la liaison après des formes fréquentes telles que est, sont, était, ont, avaient, etc.

Prononcez à haute voix: «Il est à l’heure», «Elles sont entrées», «Il était une fois», «Les filles ont un faible pour lui»… La liaison des mots finissant par «t» suivis d’un mot commençant par une voyelle est assez (!) naturelle.

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Mais il arrive qu’on en abuse! Le fait de dire: «Il a t’été hospitalisé» constitue un cuir. Tout comme: «Jean s’en va t’à Paris pour deux semaines».

Plus familièrement, des expressions comme «Ch’t’allé à Montréal en fin de semaine» ou «Ch’t’assez content!» constituent de bons exemples de cuirs.

Z pas rapport

Le «velours», quant à lui, reproduit à peu près le même procédé, mais avec l’introduction d’un «s» prononcé «z» sans raison, entre deux mots.

C’est probablement par analogie à la liaison des formes fréquentes de liaisons en «z» après des mots comme «avons», «avais», «étais», «les», ou même «deux». Allez ! À haute voix: «Nous avons été nombreux…», «J’avais entendu le coq», «Tu étais au courant», «Il y a deux ans»…

Mais on n’a aucune raison d’ajouter ce «z» dans des phrases comme: «N’est-ce pas qu’il fait beau z’aujourd’hui?» ou encore: «Ils doivent z’en faire, du kilométrage!».

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D’ailleurs, si l’insertion d’un «z» de liaison après le mot «deux» est naturelle, elle donne souvent lieu à d’autres liaisons inappropriées. À d’autres velours, en quelque sorte.

Combien de fois entendons-nous des personnes dire: «vingt z’enfants», «quatre z’avocats», «cinq z’émissions» ou «cent z’hommes et cent femmes»…

Hiatus

Par contre, il faut mentionner qu’au-delà de ces erreurs de liaisons, il en existe d’autres qui sont volontairement provoquées. Ce sont celles causées par un hiatus, c’est-à-dire par la rencontre de deux voyelles.

On ajoute parfois des «t» ou des «s» euphoniques: «Faudra-t-il…» ou «Demandes-en deux…».

De telles liaisons sont parfaitement légitimes, même si grammaticalement, de telles lettres ne devraient normalement pas apparaître. «Il faudra» devient «Faudra-t-il» et «Demande deux boîtes» devient «Demandes-en deux».

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Les règles qui régissent les liaisons sont nombreuses et complexes. Et bien souvent, il s’agit davantage d’une question d’instinct. Là où ça devient hasardeux, c’est quand on veut trop bien faire. Ou trop en faire…

Auteur

  • Martin Francoeur

    Chroniqueur à l-express.ca sur la langue française. Éditorialiste au quotidien Le Nouvelliste de Trois-Rivières. Amateur de théâtre.

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