Des dizaines de milliards $ de surplus d’ici 2020

Budget fédéral: il a tant plu qu’on ne sait plus…

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Publié 18/02/2014 par François Bergeron

S’il faut en croire les projections du ministre des Finances Jim Flaherty, le gouvernement fédéral, qui n’a fait que des déficits ces dernières années, ne réalisera bientôt que des surplus: 6 milliards $ en 2015, 8 en 2016, 8 encore en 2017, 10 en 2018… La dette fédérale ne représentera alors que 25% du PIB, contre 33% aujourd’hui.

On rêve bien sûr. Pour qu’un tel scénario se réalise, ça prendrait une convergence improbable d’événements politiques et financiers: la réélection des Conservateurs de Stephen Harper en 2015; une croissance économique ininterrompue au Canada et aux États-Unis; une abnégation héroïque des Canadiens ou de leurs politiciens face à la tentation que représenteront ces fameux surplus budgétaires; et pas d’explosions sociales, de grandes guerres, de pandémies ou de catastrophes naturelles dans le monde.

La pression viendra surtout des provinces et des villes, dont les finances ne sont souvent pas aussi roses que celles d’Ottawa et qui sont redevables envers les mêmes contribuables. Cela dit, la dette nette du Canada, qui comprend les dettes des provinces et des villes, de même que les obligations des régimes de pensions, reste la seule du G7 qui est en dessous de 50% du PIB.

Dans le nouveau Plan d’action économique du Canada, on met de côté 3 milliards $ pour intervenir en cas de déluges, inondations et autres calamités, soit un peu plus que le déficit de 2,9 milliards $ prévu en 2014-2015. Cela a fait dire à plusieurs commentateurs que si la météo est clémente, le budget fédéral sera équilibré dès cette année.

Budget?

Le «Plan d’action économique», c’est comme ça que le gouvernement conservateur minoritaire avait baptisé son budget de crise en février 2009, après que la prorogation du Parlement ait eu raison d’une éphémère coalition de l’opposition libérale, néo-démocrate et bloquiste.

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Le nom est resté, mais, de fait, on cherchera en vain, dans ce discours du «budget», combien le gouvernement dépensera pour l’armée, les tribunaux, la protection de l’environnement, etc. Ces données sont diffusées par le Conseil du Trésor.

Les «charges de programmes» ou le «fonctionnement des ministères», selon les tableaux, reste le plus gros poste de dépenses dans le Plan d’action économique, mais il est vrai que le gouvernement fédéral est surtout (58%) une machine à transférer des fonds: 26% aux particuliers (aînés, enfants, chômeurs), 21% aux provinces et aux villes (santé et services sociaux, participation aux constructions d’infrastructures comme le métro de Toronto, péréquation), 11% aux institutions financières prêteuses (frais de la dette),

Dépenses

Le gouvernement fédéral dépensera près de 280 milliards $ du printemps 2014 à l’hiver 2015. De cela, il faut tout de suite faire une croix sur les 30 milliards $ qui iront au service de la dette – tout un «service»! – c’est-à-dire en intérêt sur la dette fédérale de 619 milliards $.

Pour ceux qui se demandent pourquoi les taux d’intérêt sont si bas depuis plusieurs années (décourageant l’épargne): c’est parce que tous les gouvernements sont endettés et que, contrairement à la croyance populaire, ce sont les gouvernements qui tiennent les banques et d’autres grandes entreprises par les noix. Il faudra toutefois attendre que les Américains et les Européens épongent leurs dettes avant que les taux d’intérêt ne s’apprécient sensiblement.

Ottawa dépensera près de 72 milliards $ en «fonctionnement», c’est-à-dire en salaires et pensions des fonctionnaires dans ses ministères et ses agences, un secteur où le gouvernement conservateur compte encore réaliser d’importantes compressions.

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Les transferts aux provinces pour la santé et les services sociaux (45 milliards $) ainsi que les prestations aux aînés (44 milliards $) sont ses deux autres colonnes de dépenses les plus importantes, et qui continuent de gagner en importance.

Les programmes d’infrastructures, mis de l’avant pour amortir la crise, connaîtront un certain tassement à 36 milliards $.

Les prestations pour enfants s’élèveront à 13 milliards $. D’autres arrangements fiscaux avec les provinces coûteront environ 18 milliards $. C’est aussi près de 18 milliards $ qui seront versés en prestation d’assurance-emploi, en hausse par rapport à l’an dernier, symptôme que tout ne va pas si bien de ce côté.

Emploi

Les Conservateurs se targuent pourtant que, sous leur règne, le Canada affiche la meilleure performance du G7 en matière de création d’emplois (plutôt médiocre: 6,3% de juillet 2009 à décembre 2013).

Ottawa reste toutefois obsédé par la formation de la main-d’oeuvre, qui correspondrait trop rarement aux emplois offerts dans plusieurs secteurs. C’est même la toute première phrase (après les plaisanteries d’usage) du discours de Jim Flaherty: «Le Plan d’action économique de 2014 vise tout particulièrement à mieux faire concorder la formation avec les besoins du marché du travail grâce à la Subvention canadienne pour l’emploi».

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L’an dernier, le gouvernement fédéral proposait aux provinces et aux entreprises un programme tripartite de formation. Cette année, devant le peu d’enthousiasme des provinces, qui veulent continuer d’administrer leurs programmes avec une simple contribution financière du fédéral, le ministre menace de retenir son financement afin d’aller de l’avant sans les provinces, créant ainsi un casse-tête de dédoublement de programme pour les entreprises et les travailleurs.

«Fédéralisme prédateur», «mépris» a-t-on dénoncé au Québec. En Ontario, on crie à l’«injustice», la première ministre Kathleen Wynne et son ministre des Finances Charles Sousa appelant Ottawa à «cesser de prendre des mesures unilatérales qui nuisent aux Ontariens».

La formation de la main-d’oeuvre n’est d’ailleurs que l’un des griefs de Queen’s Park. Le gouvernement libéral minoritaire de l’Ontario se plaint aussi de l’iniquité de la formule de péréquation et d’autres coupures fédérales dans «les soins de santé, la protection de l’environnement, la sécurité communautaire»…

Francophones

Les lobbies politiques francophones, également, sont inquiets. «Le risque, c’est que des programmes et services d’aide à l’emploi qui appuient notamment les immigrants francophones dans nos communautés pourraient devoir cesser leurs activités ou les réduire de façon dramatique dès le mois d’avril», de dire la présidente de la Fédération des communautés francophones et acadiennes du Canada, Marie‑France Kenny.   

«On pourrait se retrouver avec un scénario perdant-perdant pour nos communautés, puisque peu importe que les ententes soient renouvelées ou non, la nouvelle approche fera en sorte que des services et des programmes pourraient être coupés ou réduits», déplore Mme Kenny.

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En février 2008, le gouvernement de l’Ontario avait conclu avec le fédéral une entente d’une valeur d’environ 1,2 milliard $ sur une période de six ans.

«Si le gouvernement, à travers la Subvention canadienne pour l’emploi, passe directement par les employeurs, le risque est grand que les besoins spécifiques des communautés francophones soient oubliés», avertit le président de l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario, Denis Vaillancourt.

Revenus

La moitié des revenus du gouvernement canadien provient des impôts des particuliers: 138 milliards $.

Les impôts sur les entreprises (37 milliards $) et la TPS (31 milliards $) en sont les deux autres piliers. Invariablement, la décision des Conservateurs, en 2007, de réduire la TPS de 7% à 5% incite les chroniqueurs à calculer les sommes ainsi «perdues» année après année… Mais aucun politicien ne propose de la relever!

Les sociétés d’État et d’autres investissements rapportent 26 milliards $.

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Les groupes opposés aux resserrements des critères de l’assurance-emploi ne manqueront pas de souligner que les cotisations à la caisse (23 milliards $) dépassent les prestations (18 milliards $).

Le gouvernement a décidé de hausser de 6,6% la taxe sur le tabac, une mesure qui devrait générer près de 700 millions $… à moins que la contrebande ne reprenne de plus belle. En tout, ce genre de taxes et droits d’accise rapporteront 11 milliards $ au gouvernement fédéral.

Enfin, l’impôt des non-résidents va chercher près de 8 milliards $ et c’est plus de 4 milliards $ qui sont prélevés en droit de douane à l’importation (en hausse malgré tous les accords de libre-échange).

Élections

Le gouvernement a bien annoncé, ici, des compressions à la Défense, là, des efforts pour brancher les campagnes et le Grand Nord à l’Internet, mais pour les grands projets, il faudra attendre 2015, année électorale qui donnera lieu à une rude lutte à trois.

C’est ce qu’a souligné le chef du Nouveau Parti démocratique, Thomas Mulcair: «Au lieu d’agir dès maintenant pour créer de bons emplois et pour aider les familles qui peinent à joindre les deux bouts, les Conservateurs font encore une fois passer leurs intérêts en premier et retardent les annonces importantes jusqu’au moment où ils pourront les exploiter à des fins électorales.»

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Le NPD déplore aussi que les Conservateurs cherchent toutes les occasions d’en découdre avec les syndicats, qui n’aident pas leur cause en continuant de prôner une fonction publique pléthorique.

Du côté des Libéraux de Justin Trudeau, on estime que «la classe moyenne a besoin d’un plan de croissance, et ce budget ne contient aucun plan de croissance». Les Libéraux dénoncent la mise en oeuvre sans les provinces du programme de Subvention canadienne pour l’emploi, «la pièce maîtresse du budget de l’année dernière, qui demeure jusqu’à ce jour illusoire».

Auteur

  • François Bergeron

    Rédacteur en chef de l-express.ca. Plus de 40 ans d'expérience en journalisme et en édition de médias papier et web, en français et en anglais. Formation en sciences-politiques. Intéressé à toute l'actualité et aux grands enjeux modernes.

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