Des déficits au-delà du mandat libéral

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Publié 22/03/2016 par François Bergeron

Les Libéraux de Justin Trudeau ont promis de faire des déficits pour relancer l’économie, et on a voté pour ça. Nous avons donc, plus que jamais, le gouvernement qu’on mérite.

On pouvait prétendre le contraire, ces dix dernières années, à cause du système électoral traditionnel permettant aux Conservateurs ne récoltant que 40% des voix de rafler une majorité de sièges au Parlement.

Plus maintenant: un système préférentiel avec premier et deuxième choix, du type de celui qui est déjà utilisé par plusieurs de nos partis politiques et qu’on va sans doute instaurer d’ici aux prochaines élections, aurait donné aux Libéraux une majorité encore plus forte le 19 octobre dernier.

Bien sûr on avait d’autres bonnes raisons de refuser un nouveau mandat aux Conservateurs de Stephen Harper, mais l’abandon par les Libéraux d’un équilibre budgétaire durement acquis ne nous a même pas fait hésiter. C’est même à partir de ce moment-là que les Libéraux ont commencé à distancer dans les intentions de vote les Néo-Démocrates de Thomas Mulcair, dont la promesse d’équilibrer le budget était peu crédible.

Pourquoi voter pour un faux conservateur quand on peut voter pour un vrai libéral? Kathleen Wynne avait fait le même coup à Andrea Horwath en Ontario l’année précédente pour rattraper et battre les Conservateurs de Tim Hudak. D’un point de vue purement stratégique, Mulcair aurait dû être plus vague (je ne peux pas croire que j’écris ça…) et ne s’engager qu’à essayer de ne pas perdre le contrôle des finances publiques.

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Donc on a voté pour des déficits, et c’est bien ce que le ministre des Finances Bill Morneau nous annonce dans son premier budget intitulé Assurer la croissance de la classe moyenne.

Le déficit prévu pour 2016-17 frise les 30 milliards $ et sera de même ampleur l’année suivante, avant de commencer à diminuer pour atteindre non pas zéro pour 2020-21, comme les Libéraux le laissaient entendre pendant la campagne électorale (du bout des lèvres, il est vrai), mais probablement encore 14 milliards.

Le morceau est lâché: on nous promet une décennie de déficits, après les années d’efforts qui ont été consacrés à sortir de la crise de 2009 et du trou de 55 milliards creusé par les Conservateurs minoritaires fouettés par l’opposition.

Toutefois, si les nouveaux investissements sont judicieux, si la situation économique mondiale ne se détériore pas davantage, si notre grand voisin américain ne sombre pas dans l’anarchie, bref si la croissance est au rendez-vous… le ratio dette/PIB se maintiendra à un niveau gérable, le meilleur du G7 même en comptabilisant les dettes des provinces.

Ottawa dépensera donc au cours des douze prochains mois un peu plus de 317 milliards, incluant des frais de 26 milliards sur la dette de 649 milliards. En 2020-21 (les prochaines élections), ces dépenses atteindraient 358 milliards et la dette 732 milliards.

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Parmi les mesures annoncées dans ce premier budget de l’ère Trudeau fils, mentionnons:

• Une Allocation canadienne pour enfants remplace la Prestation universelle pour la garde d’enfants.

• Des bourses d’études canadiennes passent de 2000 à 3000 $ par an, pour les étudiants à faible revenu et de 800 à 1200 $ pour les étudiants de famille à revenu moyen.

• L’assurance-emploi devient plus accessible pour un plus grand nombre de chômeurs. Les prestataires ne seront plus forcés d’accepter un emploi moins bien payé et loin de leur lieu de résidence.

• L’âge de la retraite est maintenu à 65 ans et non repoussé à 67 comme l’avaient prévu les Conservateurs.

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• Les taux d’imposition des particuliers sont modifiés: le palier des revenus de plus de 20 000 $ baisse de 22 à 20,5% et celui des revenus de 200 000 $ et plus augmente de 29 à 33%.

• Plus de 120 milliards en 10 ans iront aux infrastructures de transport (Toronto devrait en profiter), dans des infrastructures «vertes» (entre autres le traitement des eaux usées, mais aussi l’adaptation à d’hypothétiques changements climatiques) et dans des infrastructures «sociales» (comme le logement et l’amélioration des installations des Premières Nations).

• Un chapitre au complet est consacré aux Premières Nations: on allouera plus de 8 milliards au cours des cinq prochaines années pour améliorer leurs conditions de vie.

• Radio-Canada recevra 675 millions supplémentaires au cours des cinq prochaines années pour créer du «contenu canadien plus numérique, plus local et d’une portée plus ambitieuse». Également sur cinq ans, c’est 550 millions qu’on fournira au Conseil des arts du Canada. Téléfilm Canada et l’Office national du film aussi auront plus d’argent.

«Quelles que soient leurs circonstances économiques particulières, une écrasante majorité de Canadiens croient en l’équité et pensent que les avantages découlant d’une économie forte et en croissance devraient être accessibles à tous ceux qui travaillent fort pour les atteindre», a résumé Bill Morneau.

Auteur

  • François Bergeron

    Rédacteur en chef de l-express.ca. Plus de 40 ans d'expérience en journalisme et en édition de médias papier et web, en français et en anglais. Formation en sciences-politiques. Intéressé à toute l'actualité et aux grands enjeux modernes.

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