Déficit zéro pour l’Ontario: on commence à y croire

Partagez
Tweetez
Envoyez

Publié 01/03/2016 par François Bergeron

Alors que le nouveau gouvernement libéral fédéral, qui a hérité d’un budget équilibré, s’apprête à s’endetter à nouveau, à la hauteur de 30 milliards $ en 2016-17 et peut-être pour chacune des trois prochaines années, le gouvernement libéral de l’Ontario, déficitaire depuis plusieurs années, est en bonne voie de tenir sa promesse d’équilibrer ses finances en 2017-18.

Profitant d’une croissance économique stimulée par la chute du prix du pétrole et la dévaluation du dollar qui favorisent les industries et les exportateurs ontariens – parmi les mêmes facteurs qui plombent l’économie de l’Alberta et les finances fédérales – le budget déposé par le ministre Charles Sousa le 25 février estime que l’exercice 2015-16 se sera soldé par un déficit de 5,7 milliards au lieu des 8,5 milliards prévus, et que le déficit 2016-17 de 4,3 milliards sera son dernier.

Plus de 600 000 emplois ont été créés depuis le creux de la récession (juin 2009) et l’Ontario prévoit qu’il s’en créera encore plus de 300 000 d’ici la fin de 2019.

Selon les prévisions du ministère des Finances, le PIB réel de l’Ontario croîtra de 2,5% en 2015 et de 2,2% en 2016, une performance qui surpasserait celle de la plupart des provinces et qui ferait l’envie de la plupart des pays industrialisés.

134 milliards $

Le gouvernement provincial prévoit donc dépenser près de 134 milliards au cours des douze prochains mois.

Publicité

La Santé (52 milliards), l’Éducation primaire et secondaire (26 milliards), les intérêts sur la dette (12 milliards), les Services sociaux et communautaires (11 milliards) et les Collèges et universités (8 milliards) demeurent les postes de dépenses les plus importants.

La dette de la province, qui atteindra 308 milliards, continuera d’avoisiner les 40% du PIB. Cela pourrait toutefois diminuer après 2018 et l’atteinte du mythique déficit zéro.

Pourquoi l’équilibre budgétaire en Ontario et l’endettement au fédéral sont-ils tous les deux présentés comme des bonnes nouvelles par la plupart des banquiers et des commentateurs? «Parce qu’on est en 2016»?

Toujours est-il que Charles Sousa compte sur des transferts fédéraux de près de 25 milliards (à confirmer dans le budget de son homologue Bill Morneau le 22 mars) pour faire passer à ses revenus la barre des 130 milliards.

Les impôts sur le revenu des particuliers restent sa source la plus importante (32 milliards), suivie de sa part de la taxe de vente (24 milliards), des impôts des sociétés (12 milliards) et de de l’impôt-santé des employeurs (6 milliards).

Publicité

Taxer le CO2

La tarification du carbone, via la participation de l’Ontario au système de plafonnement et d’échange des émissions de gaz à effet de serre du Québec et de la Californie, se traduira par des revenus de près de 2 milliards dès 2017.

Le but de cette opération «décarbonisation» de l’économie est de limiter le réchauffement de la planète au 21e siècle pour tempérer le climat du 22e. Dans l’immédiat, le consommateur remarquera surtout une hausse de plus de 4¢ le litre d’essence à la pompe, ainsi qu’une hausse de 5$ par mois de la facture de chauffage au gaz naturel.

Aide aux étudiants

La plus remarquée des réaffectations de dépenses concerne l’aide financière aux étudiants de niveau postsecondaire. Le gouvernement créera une nouvelle Subvention ontarienne d’études (SOE) «unique et intégrée», à compter de l’année scolaire 2017-2018.

Les jeunes ayant besoin d’un soutien financier et venant de familles touchant un revenu de 50 000 $ ou moins seront exemptés des frais de scolarité moyens des collèges et universités. Ces frais deviendront également plus abordables pour les familles à revenu moyen: plus de 50% des étudiants dont la famille a un revenu de 83 000 $ ou moins recevront des subventions non remboursables dépassant les frais de scolarité moyens.

De plus, le gouvernement élargira l’aide financière pour les étudiants adultes et mariés, et améliorera l’accès à des prêts sans intérêt ou à faible taux pour les familles à revenu moyen et supérieur en réduisant le montant des contributions parentales présumées.

Publicité

«La plupart des étudiants auront ainsi des dettes moindres qu’en vertu du système actuel», a assuré le ministre Sousa.

Le niveau d’endettement dans le cadre du Régime d’aide financière sera plafonné à 10 000 $ par année pour les familles à revenu plus élevé, et l’Ontario continuera à offrir une aide financière aux personnes qui ont de la difficulté à repayer leurs prêts étudiants.

Infrastructures

Dans le budget de 2016, le gouvernement annonce des investissements de plus de 137 milliards dans les routes, les ponts, les transports en commun, les hôpitaux et les écoles, au cours des 10 prochaines années.

Depuis 2014-15, année où ce programme a été annoncé, cela représente 160 milliards sur 12 ans, ce qui «soutiendrait» en moyenne plus de 110 000 emplois par année.

Retraite

Le gouvernement mettra en oeuvre son Régime de retraite (RRPO), qui veut aider les travailleurs ontariens à économiser pour la retraite. Les processus de vérification et d’adhésion des employeurs seront lancés en 2017, en vue de la perception des premières cotisations auprès des employeurs et employés en 2018.

Publicité

On cherche toutefois une solution au sein d’un cadre national: un Régime de pensions du Canada bonifié. «Le principal objectif de l’Ontario consiste à envisager des moyens d’atteindre les objectifs du RRPO dans le cadre d’un RPC bonifié ou, à défaut, de mettre en oeuvre le RRPO», lit-on dans le budget Sousa.

Hôpitaux

Le gouvernement de Kathleen Wynne affirme aussi continuer de transformer le régime de soins de santé universel pour offrir aux citoyens un accès plus rapide aux soins.

Les points saillants de cette transformation comprennent: une augmentation de 345 millions du financement des hôpitaux; la réduction des temps d’attente pour les services clés; des soins primaires plus intégrés; l’accroissement des soins à domicile et dans la collectivité; la proposition d’offrir gratuitement le vaccin contre le zona aux personnes âgées admissibles qui ont de 65 à 70 ans; et un investissement de 75 millions de plus dans les soins palliatifs communautaires et les maisons de soins palliatifs.
 

Éducation en français

Le budget prévoit 11 milliards sur 10 ans pour les infrastructures scolaires, ce qui a fait dire aux dirigeants de l’ACÉPO (nos quatre conseils scolaires publics) qu’une juste part de ces subventions devraient aller à ses écoles françaises «qui voient leur nombre d’inscriptions augmenter chaque année».

«Il est primordial que toutes les décisions en éducation soient évaluées en fonction de leur impact sur la minorité linguistique», déclare le président Denis Labelle.

Publicité

Le ton est plus dramatique à l’AFOCSC (nos huit conseils catholiques), le président Jean Lemay indiquant que «le gouvernement de l’Ontario ne semble pas reconnaître que sa politique en matière d’installations scolaires est néfaste pour notre communauté».

«Les conseils scolaires anglophones de plusieurs régions de la province semblent bénéficier davantage avec des subventions pour de nouvelles écoles écoénergétiques et modernes au niveau d’installations sportives», dit-il.

«Pendant ce temps, les conseils scolaires catholiques de langue française ont de la difficulté à attirer les ayants droit et à maintenir leurs effectifs. Si le gouvernement de l’Ontario ne change pas sa politique actuelle, le résultat fera en sorte qu’une autre génération de jeunes francophones se fera assimiler. Ce serait comme si le Règlement 17 n’est jamais disparu»…

Université franco-ontarienne?

Par ailleurs, la province accorde 3 milliards sur 10 ans en subventions d’immobilisations aux établissements d’enseignement postsecondaire «pour que les étudiants puissent avoir accès à des programmes de qualité plus près de leur domicile». On aidera notamment le collège La Cité, à Ottawa, à créer de nouveaux programmes interdisciplinaires.

«Peu d’annonces d’intérêt spécifique pour la communauté francophone ont cependant été faites dans ce budget», a fait remarquer le président de l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario, Denis Vaillancourt. Silence radio sur la gouvernance universitaire franco-ontarienne, premier jalon de l’université réclamée par le mouvement associatif.

Publicité

Le gouvernement attend au printemps le rapport d’un comité d’experts sur ce dossier, même si un projet de loi créant un conseil des gouverneurs de la future université a déjà franchi la deuxième lecture avec l’appui des trois partis à Queen’s Park.

Auteur

  • François Bergeron

    Rédacteur en chef de l-express.ca. Plus de 40 ans d'expérience en journalisme et en édition de médias papier et web, en français et en anglais. Formation en sciences-politiques. Intéressé à toute l'actualité et aux grands enjeux modernes.

Partagez
Tweetez
Envoyez
Publicité

Pour la meilleur expérience sur ce site, veuillez activer Javascript dans votre navigateur