Déficit zéro? Pas avant 2018!

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Publié 30/03/2010 par François Bergeron

Par un hasard qui fait le bonheur des journalistes, les cinq pays les plus endettés d’Europe forment en anglais le sigle PIIGS: Portugal, Italie, Irlande, Grèce, Espagne. Dans le groupe, la Grèce est dans la situation la plus périlleuse, ce qui, encore là, génère des métaphores sur la tragédie, une forme d’art inventée en Grèce. J’ai aussi lu quelques allusions à ses dettes «olympiques»…

Bref, la Grèce est presque en faillite. On apprenait récemment que le précédent gouvernement «conservateur», conseillé par Wall Street, s’est livré à divers tours de passe-passe comptables à la limite de la légalité pour faire croire à ses partenaires européens que son déficit annuel s’établissait à 3% de son PIB (la limite mandatée par l’UE) alors qu’il dépassait en réalité 12%.

Le nouveau gouvernement «socialiste» (c’est le monde à l’envers) a promis de se serrer la ceinture et, dans un premier temps, de ramener le déficit 2010-2011 à 9% du PIB, ce qui a immédiatement déclenché de vives réactions et manifestations d’à peu près tous les groupes sociaux, mais particulièrement des fonctionnaires syndiqués qui, comme chez nous, s’accrochent à leurs privilèges anachroniques et, dans le contexte actuel, immoraux.

La cigale et la fourm

La Grèce ne pèse pas très lourd dans l’économie européenne, mais ses partenaires de la zone euro hésitent à lui venir en aide, à la fois par principe et pour ne pas créer de précédent qui pourrait s’appliquer à d’autres membres plus importants.

Comme la fourmi de la fable, les Allemands, qui sont plus disciplinés et dont le gouvernement a repoussé l’âge de la retraite à 67 ans, ne comprendraient pas que leurs taxes et impôts supportent les Grecs plus insouciants, comme la cigale, et dont l’âge de la retraite a été abaissé à 63 ans pour les hommes et 58 ans pour les femmes.

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L’Ontario est, comme on le sait, la province la plus populeuse du Canada et, comme on le croyait jusqu’ici, son moteur économique. Rien à voir avec la Grèce.

Malheureusement, l’Ontario est aujourd’hui un boulet pour le pays, comme la Grèce pour l’Europe, avec des industries qui périclitent, remplacées par un secteur de «services» plus ou moins utiles et une bureaucratie qui grossit comme un cancer.

Syndicats déterminants

Au Canada comme en Europe, les gouvernements hésitent à sabrer dans les salaires et les pensions des fonctionnaires, et à réduire leurs activités et leurs «services». Ils affirment tous vouloir ramener leurs déficits à zéro afin de commencer à rembourser les dettes, mais leurs plans, comme celui de l’Ontario, s’échelonnent sur plusieurs années, parfois sur une décennie.

Dans son budget 2010-2011 déposé la semaine dernière, le ministre des Finances de l’Ontario, Dwight Duncan, annonce un gel des salaires du personnel politique et de ses employés non syndiqués, et il souligne que «le plan financier de la province ne prévoit pas de fonds pour des hausses salariales dans les conventions collectives futures» de ses employés syndiqués (la majorité) dont la rémunération compte pour la moitié des dépenses publiques.

«Le gouvernement respectera toutes les conventions collectives en vigueur dans le secteur public», promet-il. «À mesure qu’il renégociera ces conventions, le gouvernement collaborera avec ses partenaires» pour «atténuer les pressions exercées sur les finances de la province». Bonne chance!

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Endettement périlleu

La crise de 2008-2009, provoquée par les sorciers de Wall Street, a été exacerbée par l’endettement de tous les intervenants dans l’économie, à commencer par nos gouvernements élus.

Si on devait tirer une seule leçon de ces événements, c’est que nos gouvernements devraient engranger des surplus en période de prospérité pour, en période de récession, réaliser de plus petits surplus et, s’il le faut, «stimuler» la reprise en puisant dans ces réserves. Ces dernières années, on a plutôt accepté de vivre à crédit (accumuler les déficits) pour, face à la récession, s’endetter encore plus!

Alternative conservatrice

Le chef conservateur ontarien Tim Hudak réagissait la semaine dernière au dépôt du budget, en déplorant qu’un déficit de 21 milliards $ soit présenté comme une «bonne nouvelle».

Depuis quelques semaines, en effet, le gouvernement libéral laissait croire que son déficit 2010-2011 atteindrait 24 milliards $, sur un budget de dépenses totales de 126 milliards $, dont 10 milliards $ perdus en frais d’intérêt sur la dette (les déficits passés et d’autres passifs) de 220 milliards $.

Toutefois, on serait curieux de voir un budget «alternatif» des Conservateurs provinciaux.

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Depuis son élection comme chef du parti ontarien il y a quelques mois, M. Hudak ne s’en prend qu’à l’harmonisation des taxes de vente fédérale et provinciale, une mesure éminemment «conservatrice» (et d’ailleurs voulue par les Conservateurs fédéraux) car elle simplifie la comptabilité des entreprises et des particuliers, tout en générant des revenus et contribuant donc à réduire le déficit.

Ce n’est pas pour ça que les Ontariens se débarrasseraient des Libéraux de Dalton McGuinty. Tim Hudak doit expliquer comment il rééquilibrerait les finances publiques en 2012 ou en 2014, pas en 2018 comme le propose Dwight Duncan.

Santé et vieillissemen

Le «plan» libéral visant à ramener graduellement (très, très graduellement…) le déficit provincial à zéro en 2018 repose sur des prédictions optimistes de croissance économique et une volonté renouvelée de mieux contrôler les dépenses publiques, particulièrement les dépenses de santé, qui s’élèveront à 46 milliards $ cette année, soit 37% du budget provincial.

Or, entre 2010 et 2018, tout peut arriver, y compris une récession pire que celle qu’on vient de traverser.

Les dépenses de santé augmentent de 6% par année depuis plusieurs années. Ce n’est pas avec une population vieillissante qu’on réduira l’augmentation de ces dépenses (encore moins les dépenses elles-mêmes) à 4%, puis 2%…

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En outre, plus on prend son temps pour ramener le déficit à zéro (on ne parle pas encore de surplus!), plus ces «plus petits» déficits ajouteront quand même 100 milliards $ à la dette provinciale, dont les frais d’intérêt boufferont 10%, puis 12%, puis 15% des dépenses publiques…

Le déficit ontarien ne pèse pas, comme celui de la Grèce, 12% du PIB. On est plus proche du 3% toléré par l’Union européenne. Pas besoin d’inscrire le numéro du FMI en mémoire dans nos téléphones. Mais ça ne veut pas dire qu’on ne devrait pas commencer à s’inquiéter.

Auteur

  • François Bergeron

    Rédacteur en chef de l-express.ca. Plus de 40 ans d'expérience en journalisme et en édition de médias papier et web, en français et en anglais. Formation en sciences-politiques. Intéressé à toute l'actualité et aux grands enjeux modernes.

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