Le journalisme citoyen a fait son entrée sur la scène médiatique il y a de cela quelques années. Les revendications sont souvent les mêmes: Offrir des alternatives aux propos des médias dits traditionnels. À Vancouver, un francophone s’est lancé dans l’aventure il y a maintenant quatre ans. À travers son média, Le Canard Réincarné, il tente d’amener les gens à se questionner.
«J’ai suivi le parcours du francophone typique. On s’anglicise. La priorité est à l’intégration.» Attiré par les sirènes de l’Ouest, Réjean Beaulieu quitte son Québec natal en 1980; il est alors ingénieur en télécommunications. La vie de travailleur ne laisse pas beaucoup de temps pour pratiquer sa langue natale. Comme l’avance Réjean, il faut d’abord s’occuper de «la langue (anglaise), du logis et de la carrière».
Parvenu à l’âge de la retraite, l’ancien ingénieur veut retrouver ses racines. Il veut reparler français, écrire… mais la réalité le rattrape et il doit se rendre à l’évidence, il ne maîtrise plus totalement le français. «Jusqu’il y a cinq ans, j’éprouvais de la difficulté à parler en français», avoue ce féru d’actualité. De ce constat va naître une ambition, se réapproprier cette langue. Pour Réjean Beaulieu, il s’agit là d’une réincarnation, d’où le nom de son média alternatif, Le Canard Réincarné, avec au passage un petit clin d’œil à l’hebdomadaire français Le Canard Enchaîné.
Le ton du Le Canard Réincarné est acide mais cela résulte d’une volonté affichée de son auteur: «Je provoque intentionnellement, mais j’essaie de rester dans la zone grise de l’acceptable. Je veux amener les gens à se questionner». Celui qui voit le réapprentissage du français comme un «yoga linguistique» accorde que le temps qu’il prend pour faire toute cette démarche est «un luxe» qu’il n’aurait pas pu avoir dans le passé. Alors, au moins une heure par jour, Réjean Beaulieu se met devant son ordinateur et regarde ce qui le choque, l’ulcère, avant de se mettre à écrire. Il voit l’écriture comme un jeu de français, et «c’est fondamental», selon lui.