Coronavirus : 6 mythes sur le masque

Tour à tour louangé ou désavoué, le port du masque sanitaire semble avoir finalement gagné ses lettres de noblesse dans la majorité des pays qui ont enclenché leur déconfinement. Mais la teneur exacte de son efficacité reste difficile à établir.
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Publié 11/06/2020 par Rabéa Kabbaj

Tour à tour louangé ou désavoué, le port du masque semble, ces dernières semaines, avoir finalement gagné ses lettres de noblesse dans la majorité des pays qui ont enclenché leur déconfinement. Mais la teneur exacte de son efficacité reste difficile à établir.

1) Le masque sert avant tout à se protéger soi-même? Faux

Le masque protège avant tout l’entourage de celui qui le porte, plutôt que la personne qui le porte. Il bloque la majorité des particules que cette personne émet en toussant et en éternuant, mais aussi en parlant ou en respirant.

Or, c’est là le mode principal de transmission du virus, comme le rappellent notamment la Royal Society en Grande-Bretagne ou le Centre de contrôle des maladies (CDC) aux États-Unis.

2) Les masques N95 sont les plus efficaces? Vrai

Certains masques sont meilleurs que d’autres. Ainsi, les seuls qui bloquent au moins 95% des particules transportées par les gouttelettes que nous projetons sont les fameux masques N95, qui sont équipés d’un appareil de filtration de très petites particules. C’est pourquoi ce sont ceux qui doivent être utilisés en priorité par le personnel soignant.

Les masques chirurgicaux — qui répondent à des normes précises suivant les pays — sont également reconnus pour leur efficacité, notamment par l’Agence américaine des produits alimentaires et des médicaments (FDA) et le CDC.

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Pour autant, cela ne veut pas dire que le port des masques autres que chirurgicaux est inutile, mais plutôt que leur efficacité nécessite un effort commun et réciproque.

Comme l’écrivent les auteurs d’une revue de la littérature scientifique prépubliée en avril et intitulée Face Masks Against COVID-19: An evidence review: «Si chaque personne porte un masque pour diminuer le risque qu’elle soit, sans le savoir, en train de contaminer quelqu’un, alors chacun s’en trouve plus protégé.»

Il a en effet été démontré ces derniers mois que les personnes peuvent être contagieuses même si elles ne présentent pas de symptômes: l’existence de ces «asymptomatiques» est devenue un argument supplémentaire pour le port de masques, y compris des masques non médicaux, estiment les auteurs de Face Masks.

Même son de cloche dans une revue de la littérature publiée au début de mai par la Royal Society, et dans une tribune de chercheurs publiée fin mai dans Annals of Internal Medicine.

Cette dernière conclut que, bien qu’on ne soit pas totalement sûr que le masque en tissu protège réellement l’entourage ou même celui qui le porte, un bénéfice même minime en termes de réduction de la transmission communautaire, dans un contexte de pandémie, n’est pas à négliger.

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Le masque N95.

3) Le fait de porter un masque donne un trop grand sentiment de sécurité? Plutôt faux

Un argument souvent avancé par les autorités sanitaires, et qui peut expliquer leur hésitation à recommander le port du masque, réside dans la difficulté à prévoir les changements de comportements des gens, une fois le masque répandu.

La crainte est que, animés par un faux sentiment de sécurité, les citoyens se mettent à mal utiliser le masque ou à négliger d’importantes mesures de prévention contre la CoViD-19, telles que la distanciation sociale et le lavage des mains.

Les auteurs de la revue de la littérature scientifique Face Masks Against COVID-19: An evidence review ont conclu qu’il était peu probable que cette compensation du risque élimine les bénéfices apportés par la généralisation du masque.

Ils rappellent que des craintes similaires avaient été formulées lors de la mise en place des stratégies de prévention du VIH, lors de l’introduction des lois sur les casques de motos, sur le port de la ceinture de sécurité en voiture ou au sujet des casques de ski alpin.

Selon la littérature scientifique qu’ils ont consultée, la mise en œuvre de chacune de ces mesures n’aurait pas eu pour effet un regain des comportements risqués, mais elle se serait soldée globalement par davantage de sécurité. La Royal Society avance le même argument dans son document.

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4) Les autorités ont changé d’idée sur l’utilité du masque? Oui et non

Fin février, Jerome Adams, l’administrateur fédéral américain des services de santé publique, avait instamment demandé à la population américaine d’arrêter d’acheter des masques. Une position partagée alors par le Centre de contrôle des maladies (CDC).

Celui-ci a toutefois, au début d’avril, modifié son guide de recommandations, les Américains étant appelés désormais à porter le masque là où les mesures de distanciation sociale ne peuvent être respectées. Les dirigeants canadiens et québécois ont commencé eux aussi en avril et en mai à s’afficher masqués.

Or, comme le suggère Face Masks Against COVID-19: An evidence reviewl’une des raisons expliquant la frilosité première de plusieurs pays a été la crainte de la rupture de stock, particulièrement en masques N95 et chirurgicaux. Une telle situation aurait été catastrophique pour le personnel de la santé.

«Les stratégies pour gérer ces réserves critiques ont été d’en appeler au public à réduire son usage de masques médicaux», écrivent les auteurs.

Il est également possible qu’un autre argument ait joué. Dans le passé, le masque ne faisait pas l’unanimité et quelques études avaient bel et bien conclu que le port du masque ne protégeait pas, notamment dans le cas de l’influenza et du rhume. En comparaison, la littérature scientifique sur les coronavirus, qui sont des virus plus gros, est beaucoup plus récente.

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Dans plusieurs communautés, des couturières ont produit des masques sanitaires pour leur entourage et parfois à plus grande échelle.

5) On peut chiffrer la réduction du risque quand on porte un masque? Faux 

D’une part, la recherche s’entend de plus en plus sur le fait que la majorité des gens contaminés l’ont été par une exposition directe à une personne déjà contaminée et souvent sans symptômes — donc, par les gouttelettes que cette personne émet en parlant.

D’autre part, on mesure de mieux en mieux le pourcentage de gouttelettes qu’un masque peut bloquer. Par conséquent, peut-on mettre un chiffre, comme des mèmes l’ont suggéré, sur la réduction du risque de transmission du virus quand on porte un masque ?

Comme le fait valoir la rubrique de vérification des faits Les Décodeurs, la recherche n’est pas rendue là: la transmission de personne à personne dépend de trop de facteurs, allant du lieu où ces deux personnes se trouvent (espace ouvert ou fermé, climatisation, etc.) à la durée pendant laquelle ces personnes ont été en contact en passant par la charge virale de la personne contaminée.

6) Le masque est ce qui a fait la différence d’un pays à l’autre? On ne sait pas.

Plusieurs des pays qui ont aplati rapidement leur «courbe» sont ceux où le port du masque est d’usage courant: le Japon, Singapour, Hong Kong, la Corée du Sud… «Plusieurs sources officielles citent comme raison à cela la mise en place de politiques de masques, à cause de la transmission asymptomatique», écrit la Royal Society.

Toutefois, ces bons résultats ne peuvent pas être attribués uniquement aux masques: le fait que ces pays aient été en première ligne lors de l’épidémie du SRAS en 2003 a fait en sorte qu’ils étaient déjà mieux préparés à mettre en place des politiques sévères (dépistage massif, confinement, isolement, etc.).

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La Corée du Sud a par exemple une politique de traçage systématique de toutes les personnes avec lesquelles a été en contact une personne contaminée, depuis les transactions de cartes de crédit de cette dernière jusqu’aux données GPS de son téléphone. «Aucun facteur unique ne peut expliquer les différences entre nations ou régions», conclut un reportage récent de The Atlantic.

Il faut aussi signaler les cas de la Nouvelle-Zélande et de l’Islande: elles ont aplati leur courbe assez rapidement, sans que le port du masque ne soit une pratique recommandée. À l’inverse, le Maroc a imposé le port du masque très tôt, mais aussi une politique de confinement très stricte. En Europe, la République tchèque est citée pour avoir imposé très tôt le port du masque et avoir un nombre de décès inférieur à ses voisines.

«Lorsqu’utilisé conjointement avec une généralisation des tests, le traçage des contacts, la mise en quarantaine de toute personne qui pourrait être infectée, le lavage des mains et la distanciation physique, les masques sont un précieux outil de réduction de la transmission communautaire», abondent, pour leur part, les auteurs de la revue de littérature Face Masks.

Dans ses directives du début d’avril, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) renvoyait la balle aux dirigeants, considérant qu’il n’y avait pas de preuves scientifiques suffisantes «pour conseiller ou déconseiller l’utilisation de masques (médicaux ou autres) par les personnes en bonne santé au sein de la communauté».

La Nouvelle-Zélande continue de ne pas inviter sa population à porter le masque, tout en prévenant qu’elle actualisera cette recommandation, «advenant de nouvelles preuves ou directives de l’OMS, ou si l’on voit un changement dans l’évolution de la CoViD-19 en Nouvelle-Zélande», peut-on lire sur le site du ministère de la santé néo-zélandais.

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Dans de nouvelles directives publiées le 5 juin, l’OMS invite cette fois les gouvernements à inciter au port du masque dans les lieux «très fréquentés» des «régions les plus touchées» par la pandémie, ou lorsque la distanciation physique est difficile.

Auteur

  • Rabéa Kabbaj

    Journaliste à l'Agence Science-Presse, média indépendant, à but non lucratif, basé à Montréal. La seule agence de presse scientifique au Canada et la seule de toute la francophonie qui s'adresse aux grands médias plutôt qu'aux entreprises.

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