Coalition estivale

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Publié 23/06/2010 par François Bergeron

C’est l’été. La Coupe du monde deux fois par jour. Les meilleurs journalistes sont en vacances. Des rumeurs de coalition libérale-néo-démocrate ont donc circulé brièvement à Ottawa, symptôme d’un malaise au sein du parti de Michael Ignatieff face à des sondages indiquant qu’il ne ferait pas mieux que Stéphane Dion, et peut-être suite aux récentes élections en Grande-Bretagne qui ont produit un gouvernement de coalition conservateur-centriste: une nouveauté.

Au Canada, c’est une coalition parlementaire de centre-gauche qui permettrait, avec l’appui du Bloc québécois qui est lui aussi plutôt de gauche, de renverser le gouvernement conservateur de Stephen Harper.

(Prière de prendre le mot «conservateur» avec un grain de sel ici, puisqu’aucun gouvernement conservateur ou de «droite» digne de ces noms n’endetterait le pays comme on vient de le faire ces deux dernières années et dépenserait 1 milliard $ pour des réunions inutiles comme celles du G8 et du G20.)

Ce qui est insolite ici, c’est qu’on évoque la possibilité d’un rapprochement libéral-néo-démocrate comme stratégie pré-électorale, croyant offrir aux électeurs une alternative «crédible» aux Conservateurs, plutôt que comme nécessité post-électorale, un arrangement à la David Cameron et Nick Clegg, pour assurer au pays un gouvernement stable malgré un Parlement divisé.

Notre paysage politique n’a pas beaucoup évolué depuis deux ou trois ans: les Conservateurs recevraient l’appui du tiers de l’électorat, les Libéraux du quart ou un peu plus, le NPD de 15%. Le Bloc reste premier au Québec. Or, c’est à partir de 40% d’appui (enthousiaste) qu’on commence à parler de gouvernement majoritaire.

On ne peut absolument pas présumer que la plupart des électeurs libéraux voteraient automatiquement pour une coalition libérale-néo-démocrate ou, en cas de pacte de non-agression entre les deux partis, que la plupart des électeurs libéraux voteraient pour le candidat néo-démocrate en l’absence d’un libéral. Un grand nombre d’électeurs libéraux sont susceptibles d’être intéressés aux projets des Conservateurs, tout comme plusieurs électeurs conservateurs votent volontiers libéral dans certaines circonstances.

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Autre différence importante: la coalition britannique est dirigée par le parti qui est arrivé premier aux dernières élections. Chez nous, le coup que Stéphane Dion a failli réussir en décembre 2008, que son successeur Michael Ignatieff a désavoué, mais qui reviendrait au goût du jour, c’est une coalition des perdants.

Les Conservateurs au pouvoir suggèrent qu’une telle coalition n’aurait aucune légitimité. Pourtant, c’est ce qui s’était produit en 1985 en Ontario, quand les Libéraux de David Peterson (2e) et les Néo-Démocrates de Bob Rae (3e) avaient évincé les Conservateurs de Frank Miller (1er). Même en Grande-Bretagne, les Libéraux-Démocrates ont discuté d’alliance avec les Travaillistes avant de choisir les Conservateurs. Ça se fait partout; il n’y a rien d’anti-démocratique là-dedans.

Les gens s’habituent à tout. Ils auraient fini par accepter la coalition de Stéphane Dion, comme ils tolèrent le maintien du gouvernement minoritaire de Stephen Harper, dont les lois et les budgets passent grâce à l’abstention ou au soutien ponctuel des Libéraux, du NPD ou du Bloc.

Est-ce que c’est souhaitable pour le pays? C’est la vraie question, mais c’est un tout autre débat.

Auteur

  • François Bergeron

    Rédacteur en chef de l-express.ca. Plus de 40 ans d'expérience en journalisme et en édition de médias papier et web, en français et en anglais. Formation en sciences-politiques. Intéressé à toute l'actualité et aux grands enjeux modernes.

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