Chrétien, américain, conservateur, républicain…

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Publié 04/02/2016 par François Bergeron

Ted Cruz, le sénateur du Texas qui est l’un des meneurs dans la course à l’investiture présidentielle du Parti républicain, a précisé récemment qu’il était «chrétien en premier, américain en deuxième, conservateur en troisième et républicain en quatrième».

Selon les médias qui l’ont cité, l’un d’eux titrant: «imaginez si un politicien musulman ou juif avait dit ça», il répliquait à une publicité d’un groupe religieux l’accusant d’être un «faux prophète».

Retenons-nous ici d’évaluer la pertinence qu’un «vrai prophète» soit élu président des États-Unis en 2016…

Cette déclaration de Ted Cruz est une invitation aux électeurs à se demander si elle correspond au portrait qu’ils se font d’un candidat aux plus hautes fonctions politiques… en même temps qu’à leur propre autoportrait.

Un adversaire moins porté sur la chose religieuse attaquerait le fait qu’il n’a pas placé sa nationalité américaine au sommet de son totem de valeurs. Malheureusement, les personnalités qui dénoncent cette invasion de la religion dans le débat politique sont encore rares aux États-Unis.

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Il faut déduire ici que Ted Cruz est plus disposé à voter pour un candidat du Parti démocrate qui serait fervent chrétien, contre un candidat plus agnostique de son Parti républicain. Ou pour un Démocrate conservateur contre un Républicain libéral.

Il fut un temps où on trouvait des libéraux et des conservateurs dans les deux grands partis américains, de même que des gens qui ont la religion à fleur de peau (Ted Cruz, mais aussi, à un degré moindre, Marco Rubio et, dans le passé, Ronald Reagan et Jimmy Carter) et d’autres pour qui c’est une affaire privée ou que ça n’intéresse pas (Donald Trump, Bernie Sanders, Barack Obama, Clinton mari et femme, Bush père et fils).

Les religieux et les conservateurs ont toutefois migré vers le Parti républicain, les laïcs et les libéraux vers les Démocrates. Conservateurs et libéraux, ici, faisant référence autant aux politiques économiques et financières qu’aux attitudes et aux programmes touchant l’immigration et les relations internationales, la criminalité et le port d’armes, l’assurance-santé et l’aide sociale.

Ce n’est pas toujours cohérent: pourquoi des citoyens prônant la liberté d’entreprise et de commerce seraient-ils contre le libre choix en matière d’avortement ou de drogue? Par ailleurs, plusieurs croyants trouvent que ce n’est pas la charité chrétienne qui semble motiver les politiques sociales et sécuritaires des candidats les plus ouvertement religieux.

L’autoportrait identitaire de Ted Cruz est édifiant, mais pas très original. L’allégeance partisane, par exemple, est certainement la plus faible pour tout le monde, aux États-Unis comme au Canada et ailleurs. Il serait même troublant qu’il en soit autrement.

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Quant à la religion, chez les gens pour qui c’est important, c’est généralement très important: plus que les idées politiques, l’ethnicité ou même la langue et la culture. Il n’y a que l’éducation, la science et la raison pour changer ça, c’est-à-dire pour finir par éliminer de l’équation cet anachronisme.

Nous-mêmes, sommes-nous Canadiens d’abord, francophones ensuite, libéraux ou conservateurs en troisième? Je voterai toujours pour un franco dont je ne partage pas toutes les idées, plutôt que pour un anglo opposé au bilinguisme mais dont les politiques économiques et sociales seraient plus proches des miennes.

Et que signifie «Canadien d’abord»? Pas «Canadien à tout prix, take it or leave it». Je ne suis pas séparatiste, mais je veux un Canada bilingue d’un océan à l’autre. J’appuierais l’indépendance du Québec si j’étais convaincu que le français n’a pas d’avenir dans le reste du pays.

Quant à mon patriotisme (une abstraction dans notre monde moderne de voyages et de métissages, «le dernier refuge des vauriens» selon Samuel Johnson), il s’effriterait considérablement si, d’une élection à l’autre, je me retrouvais toujours dans l’opposition ou, pire, si notre démocratie était remplacée par une dictature.

Donc, dans l’ordre: francophone, libéral ou conservateur, canadien?

Auteur

  • François Bergeron

    Rédacteur en chef de l-express.ca. Plus de 40 ans d'expérience en journalisme et en édition de médias papier et web, en français et en anglais. Formation en sciences-politiques. Intéressé à toute l'actualité et aux grands enjeux modernes.

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