Je vous ai déjà parlé de ma passion pour le théâtre, il me semble. Depuis une vingtaine d’années, je monte régulièrement sur les planches avec une troupe locale à Trois-Rivières. Ces temps-ci, j’ai le plaisir de jouer dans une comédie de Georges Feydeau, le maître incontesté du vaudeville, des quiproquos et des entourloupettes amoureuses.
La pièce s’intitule Chat en poche. Dès qu’on m’a approché pour faire partie de la distribution de cette pièce, le titre m’a intrigué. C’est une expression que je ne connaissais pas. Et je trouve aujourd’hui qu’elle est une des plus riches de la langue française.
Acheter chat en poche, c’est acheter un objet sans l’avoir vu, avec ce que cela implique comme risque de se faire berner. Dans la pièce de Feydeau, l’histoire tourne autour d’un bourgeois qui, désireux de faire jouer un opéra composé par sa fille, embauche un ténor à l’avenir prometteur. Mais il n’a pas vu ce ténor et c’est par le biais d’un ami à Bordeaux qu’il le dépêche à Paris pour le mettre sous contrat.
Arrive alors chez lui un jeune homme, que le bourgeois en question prend tout de suite pour le ténor en question. Il s’agit plutôt du fils de l’ami en question, venu à Paris pour ses études. On imagine la série de quiproquos qui en découlent… Dans ce contexte, le bourgeois Pacarel a fait signer un contrat à un ténor qui n’en est pas un, pressé de faire jouer l’opéra de sa fille et d’accéder à la notoriété. La pièce se termine par la réplique suivante: «Voyez vous, mes amis, que vous achetiez des navets ou que vous traitiez avec un ténor… demandez toujours à voir la marchandise… On ne sait jamais ce que l’on risque à acheter chat en poche.»
Une petite recherche nous permet d’apprendre que l’expression chat en poche est apparue en français au début du XVe siècle. Ce n’est donc pas d’hier que des vendeurs peu scrupuleux profitent de la naïveté d’acheteurs empressés ou ignorants…