C’est quoi la droite?

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Publié 20/08/2015 par François Bergeron

Découverte par un blogueur, une vidéo de commentaires élogieux de Thomas Mulcair au sujet de Margaret Thatcher, exprimés en 2001 à l’Assemblée nationale du Québec par celui qui était alors membre de l’opposition libérale, a beaucoup circulé cette semaine.

«Un gouvernement ne devrait jamais avoir la prétention de pouvoir se substituer au marché privé, ça ne marche pas», explique Mulcair avec assurance. «Ça ne marchait pas en Angleterre. Jusqu’au temps de Thatcher, c’est ça qu’ils ont essayé, le gouvernement avait son nez dans tout. Un vent de liberté et de libéralisme dans les marchés a soufflé en Angleterre et, au lieu d’être un des pays les moins performants dans toute l’Europe, c’est devenu un des pays les plus performants.»

Des propos déformés ou pris hors contexte, comme a tenté d’expliquer Karl Bélanger, le bras droit du chef du NPD? Non, Mulcair faisait alors consciencieusement son travail partisan d’opposition à un projet péquiste. Si le projet en question était allé dans le sens d’une déréglementation, il aurait probablement fourni un autre exemple (la Suède? Kennedy?) et martelé là aussi que «ça ne marche pas».

L’auteur du Courage de ses convictions serait donc ni de gauche ni de droite mais plutôt pragmatique ou opportuniste? Ou il a évolué? Tout le monde a le droit de changer d’idées, mais on parle ici d’un changement de cap de 180 degrés!

Un de mes anciens profs, maoïste, avec qui j’ai eu plus d’une prise de bec à l’Université Laval, est aujourd’hui l’économiste très conservateur d’une grande banque allemande. Plusieurs commentateurs de droite et même Pierre Karl (Marx) Péladeau racontent avoir déjà été très à gauche.

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Mais l’inverse est rarissime: connaissez-vous une seule personnalité de gauche qui ait déjà défendu des thèses de droite? Mulcair serait l’exception. Chose certaine, il ne peut plus affirmer, comme il le fait dans son autobiographie, qu’il a toujours été «progressiste», au sens perverti qu’a pris ce mot de nos jours.

Cette vidéo embarrassante pour nos progressistes, socialistes ou gauchistes de tout acabit, qui se réjouissaient d’avance à l’idée de voir le NPD triompher aux élections du 19 octobre prochain (c’est encore possible), a fait se demander à l’un d’entre eux, le chroniqueur de La Presse Patrick Lagacé, «C’est quoi, la gauche?»

La gauche «n’est pas le triomphe des marchés, du capitalisme débridé et de la liberté individuelle supplantant à chaque heure du jour les intérêts collectifs», écrit-il. «Ce n’est pas l’effacement de l’État, ce n’est pas se faire complice du torpillage des rapports de force des travailleurs. Ce n’est pas faire de l’État une succursale de la Business.»

Il n’a pas tort, c’est bien ce que la gauche n’est pas. Mais c’en est une vision romantique, à laquelle il manque l’élément le plus important: ce que la gauche est en pratique. Et, en pratique, la gauche c’est le dirigisme (de l’État contre les individus), l’imposition de la médiocrité, la répression de l’originalité. La droite, c’est la liberté (individuelle, notamment en rapport avec l’État), la valorisation de la différence, la récompense de l’innovation.

La Conservatrice Margaret Thatcher a en fait représenté un grand progrès pour la Grande-Bretagne, libérant son pays du joug des syndicats et faisant reculer un État qui devenait tentaculaire.

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«La gauche, c’est pas Margaret Thatcher», résume Patrick Lagacé. En effet, Margaret Thatcher, c’est la droite. La «Dame de fer» a même fortement contribué à réhabiliter ce mot «droite» pour désigner des politiques économiques libérales salutaires, compatibles avec la nature humaine qui est justement celle d’être individuelle.

Car la principale raison pour laquelle le socialisme ou le dirigisme «ne marche pas», sous n’importe quelle latitude, c’est qu’il est incompatible avec la nature humaine. Nous cherchons tous à nous dépasser et à améliorer notre sort. Pas à écraser les autres, contrairement à la caricature que les obsédés de l’égalité font du capitalisme ou du libéralisme.

L’Allemagne de l’Ouest et la Corée du Sud ont progressé pendant des décennies, tandis que ça stagnait ou régressait à l’Est et au Nord: les deux exemples les plus patents permettant de juger les deux systèmes.

Et ne m’opposez pas de troisième ou de quatrième voies: il n’y a que des degrés de dirigisme à gauche et de liberté à droite, avec toujours les mêmes résultats depuis l’Antiquité: la misère avec le dirigisme le plus dur, la prospérité avec la liberté la plus grande. On observe parfois des avancées, malgré le dirigisme, grâce aux exceptions capitalistes, dans des pays comme la Chine, ou des ratés dans nos pays encore nominalement capitalistes, à cause d’interférences de l’État socialisant. La liberté restera toujours le moteur du progrès et la dictature sa pédale de frein.

Voilà pour les libertés économiques. Mais qu’en est-il d’autres libertés individuelles plus souvent associées aux partis de gauche et réprimées par les partis de droite: droit à l’avortement et émancipation des femmes en général, épanouissement des minorités raciales et sexuelles, liberté de vendre et de consommer de la drogue ou du sexe, de s’informer ou de discuter d’idées controversées sans être espionné, censuré ou interdit de voyager?

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Ma théorie, c’est que ce sont là des contradictions (malheureusement pas des exceptions) qui confirment la règle. Nos partis les plus investis dans la défense des libertés économiques et autre libre-échange entre adultes consentants, devraient reconnaître que l’État policier ou moralisateur est incompatible avec leurs principes les plus chers.

Nos partis socialistes en sont venus à récupérer l’étendard des libertés civiles négligées par la droite. C’est tout à leur honneur, bien sûr, mais ce sont des valeurs étrangères à leur idéologie fondatrice. D’ailleurs dans les pays totalitaires, où la logique socialiste est poussée jusqu’au bout, les libertés civiles subissent le même sort que les libertés économiques.

Cette confusion devrait se dissiper avec le progrès des libertés civiles. Les droits des femmes et des minorités sont déjà irréversibles. La décriminalisation de la marijuana, voire de toutes les drogues, est inévitable à moyen terme. On continuera peut-être de tolérer un appareil sécuritaire important face aux menaces criminelles ou terroristes, mais jamais la censure. Les différences entre la droite et la gauche appraîtront alors plus clairement: la confiance en l’individu et la liberté à droite, la soumission à l’État et l’embrigadement à gauche.

* * *
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Auteur

  • François Bergeron

    Rédacteur en chef de l-express.ca. Plus de 40 ans d'expérience en journalisme et en édition de médias papier et web, en français et en anglais. Formation en sciences-politiques. Intéressé à toute l'actualité et aux grands enjeux modernes.

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