Ce que le savoir inuvialuit peut nous apprendre sur les pandémies

L’historien inuvialuit Randal Pokiak.
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Publié 28/10/2020 par Nelly Guidici

Tourné peu avant son décès, un court-métrage documentaire immortalise le message d’un aîné inuvialuit sur l’expérience des épidémies de son peuple.

Le documentaire Pandemic — At the end of the world jette un regard sur les épidémies passées qui ont affecté le peuple inuvialuit et les leçons à en tirer dans le contexte de la pandémie de CoViD-19.

Disponible gratuitement sur le site Internet de l’Office national du film, ce documentaire est coproduit par le réalisateur basé à Whitehorse (Yukon) Allan Code.

Variole et grippe

D’une durée de 13 minutes, il retrace l’histoire du peuple inuvialuit qui a été victime, à plusieurs reprises, d’épidémies comme la variole apportée par l’équipage de John Franklin au XIXe siècle, ainsi que l’épidémie de grippe arrivée en 1920 dans le delta du fleuve Mackenzie.

L’histoire des Inuvialuits est donc marquée par des épisodes d’épidémie qui ont touché leur vécu et les récits transmis de génération en génération.

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Ravage de la maladie

En 2015, Allan Code et son équipe étaient dans le delta du Mackenzie afin de filmer la faune pour une série de reportages intitulée Arctic Secrets.

Pendant le tournage, l’historien Randal Pokiak, originaire de Tuktoyaktuk, emmène l’équipe sur le site d’une localité abandonnée après l’épidémie de grippe de 1918 appelée Kitigaaruk.

M. Pokiak évoque alors, face à la caméra, le récit édifiant des effets de l’épidémie sur le village et comment la population s’est protégée des ravages de la maladie.

Prémonitoire

«Nous avons tourné en 2015 sans savoir qu’il y aurait une nouvelle fois une pandémie qui menacerait les gens dans le Nord et partout dans le monde», raconte M. Code.

«Et nous avons réalisé que l’histoire des pandémies était très importante et qu’il y avait quelque chose à faire en termes d’éloignement social, d’isolation et de quarantaine que les Inuivialuits ont mis en place depuis la nuit des temps.»

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Échos de 2015

Lorsque la CoViD-19 est arrivée au Canada, le réalisateur a cherché un moyen d’utiliser les images tournées en 2015. C’est par l’intermédiaire de la Société de communications inuvialuite basée à Inuvik que le projet de documentaire a pris forme.

«La CoViD-19 nous a encouragés à chercher des partenariats avec des personnes sur le terrain et nous avons reçu de l’aide de la part de la Société de communications inuvialuite qui a dirigé et filmé une entrevue de M. Pokiak au sujet de la nouvelle pandémie, au printemps dernier», explique le réalisateur.

Les conseils d’un aîné

Décédé le 7 août 2020, M. Pokiak n’a cessé de répéter qu’il ne fallait pas prendre la maladie à la légère.

Telle une tempête qui s’abat sur l’Arctique pendant plusieurs jours, la pandémie finira par disparaître.

«Lorsqu’il parle de tempête, M. Pokiak fait référence au blizzard qui est commun dans les régions arctiques. Le vent peut souffler pendant deux ou trois jours, chacun attend et après que la tempête est passée, le ciel se dégage, mais il faut toujours creuser et dégager la neige qui s’est accumulée.»

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Force et ingéniosité

Par cette image, l’historien espérait que les personnes de sa collectivité creusent dans les ressources et apprentissages du passé tels que l’ingéniosité et la force.

«Les témoignages de Randal sont remarquables dans sa description des impacts des épidémies», estime M. Code. «Il pensait que les gens autour de lui étaient trop complaisants et ne réalisaient pas la gravité et la sévérité [de la situation].»

La seule solution: l’isolement

«Il conseillait les gens sur la façon de se distancer socialement et de se mettre en quarantaine pour protéger les gens de leur communauté contre l’infection, en particulier leurs aînés.»

Si pour M. Pokiak la seule solution, pour se protéger de la maladie, est l’isolement, son message insiste sur le rôle des personnes aînées qui, face à la pandémie, ont une responsabilité vis-à-vis des jeunes générations.

«Nous ne sommes pas étrangers à la CoViD-19», explique-t-il dans le documentaire. «Il faut toujours écouter les aînés, car l’isolement est la meilleure chose à faire jusqu’à ce que ça passe. Il est très important d’apprendre du passé afin de ne pas refaire les mêmes erreurs.»

Auteur

  • Nelly Guidici

    Journaliste à Francopresse, le média d’information numérique au service des identités multiples de la francophonie canadienne, qui gère son propre réseau de journalistes et travaille de concert avec le réseau de l'Association de la presse francophone.

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