Ce jazz qui nous jase dans le noir

Chantal Chamberland à Hugh’s Room

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Publié 05/09/2006 par Dominique Denis

Il peut sembler bassement mercantile de réduire l’art en général et la musique en particulier à une question d’offre et de demande, mais il est des chiffres qui ne mentent pas: en écoulant plus de 4500 exemplaires de son troisième CD, Dripping Indigo, depuis sa sortie en février (et ce, avec un minimum de battage promotionnel), Chantal Chamberland semble avoir trouvé son filon – et son public.

Dans la foulée de Diana Krall et autre Matt Dusk, Chantal s’est taillée une place enviable sur la scène du jazz vocal, menant carrière à l’échelle du continent. Mais si la chanteuse de 40 ans, qui a grandi à Saint-Lambert, au Québec, avant de s’installer dans la région de Hamilton en 1986, n’est pas du genre à jouer le numéro de charme en talons aiguilles, elle comprend l’importance de la séduction dans cette musique qui incarne un certain art de vivre. «Pour moi, c’est au niveau vocal que ça se passe. Je n’ai pas besoin de porter une petite robe noire ou de montrer mon nombril pour séduire!», rigole-t-elle.

Grâce aux goûts polyvalents d’une grand-mère qui l’a élevée – heureux mélange de jazz et de chanson française telle qu’incarnée par Piaf et Brel – Chantal Chamberland entretient avec ces musiques des rapports privilégiés. Pourtant, celle qui s’est initiée à la guitare dès l’âge de neuf ans ne s’était pas donné pour objectif, à l’origine, de devenir jazzwoman, investissant plutôt les créneaux folk et rock. Mais après une quinzaine d’années de ce régime, elle éprouva le besoin de changer de cap et de se renouveler son inspiration à la source vive des classiques signés Gershwin, Porter ou Carmichael.

«Je savais qu’éventuellement, je ferais du jazz. Mais si j’avais commencé à 22-23 ans, ça n’aurait pas été la même chose. C’est comme pour le blues: ça prend du bagage pour chanter cette musique-là.» Et Dripping Indigo reflète cette maturité vocale et émotionnelle, par le biais d’une généreuse sélection de classiques – Body and Soul, Georgia On My Mind ou encore Don’t Get Around Much Anymore – qui conjurent une atmosphère qu’il convient de qualifier de nocturne et sensuelle.

En prenant le parti d’enregistrer ce répertoire, Chantal est consciente de se placer en concurrence directe avec Billie Holiday, Ella Fitzgerald ou encore Frank Sinatra, dont les interprétations font encore figure de références. Mais la chanteuse estime qu’on est loin d’avoir épuisé le potentiel de ces refrains. «Une chanson comme Bewitched peut avoir été enregistrée 50 ou 100 fois, mais il y aura toujours des gens qui voudront en entendre une version différente. Quand tu reprends une chanson intemporelle, c’est comme si tu lui donnais une nouvelle vie», estime Chantal, qui se souvient d’une fan dans la vingtaine qui l’avait abordée, à la sortie d’un show, pour lui demander si c’était elle qui avait écrit Cry Me A River!

Question de ne pas se voir cantonnée, dans l’esprit du public, au répertoire américain des années 30 et 40, Chamberland n’hésite pas à inclure, dans chacun de ses albums, quelques-unes de ses propres compositions ou celles d’amis musiciens. Ailleurs, elle prête à des œuvres résolument pop un habillage plus adulte, avec d’heureux résultats, comme cette reprise bossa-novesque de How Deep Is Your Love, des Bee Gees. «Ça, c’est pour ajouter un petit quelque chose de plus à l’album», confie-t-elle. «C’est le genre de chanson qui rappelle des bons souvenirs aux gens.»

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Dans le même ordre d’idées, Chantal ne manque jamais l’occasion de souligner son affinité pour le répertoire francophone, tantôt par des reprises de Piaf (L’hymne à l’amour, sur le nouvel album), tantôt en revisitant l’œuvre de Diane Tell, à qui elle doit sa vocation de guitariste et sa reconnaissance du fertile carrefour entre jazz et chanson française.

En attendant de courtiser les jazzophiles européens (auprès desquels son nom fait déjà l’objet d’un certain buzz), Chantal se produisait récemment devant plus de 100 000 personnes au Festival international de jazz de Montréal. En contraste, c’est dans le cadre plus intimiste de Hugh’s Room que le public torontois pourra renouer avec la magie Chamberland. «Quand tu chantes dans un petit club, l’approche est très différente. C’est plus un rapport one-on-one avec le public, et j’aime ça!»

Mais peu importe la ville, la langue ou la taille du public, on sent chez elle un véritable plaisir d’avoir enfin trouvé son créneau. «Je connais tellement de monde pour qui c’est l’enfer d’aller travailler le lundi matin. Ça m’a pris du temps, mais je me lève tous les matins en me disant que je fais ce que j’aime…»

Chantal Chamberland à Hugh’s Room (2261, rue Dundas Ouest, 416-531-6604) le mercredi 13 septembre, 20h30. Billets: 15 $ à l’avance; 17 $ à l’entrée.

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