Budget de Nostradamus

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Publié 03/02/2009 par François Bergeron

Le Bloc québécois (fédéral) et le Parti québécois (provincial) ramènent l’avenir constitutionnel du Québec et leur option, la souveraineté, au coeur de leur discours. C’est sans doute la réaction la plus inattendue à la récession économique – et au budget de crise présenté la semaine dernière par le gouvernement conservateur de Stephen Harper, avalisé par les Libéraux de Michael Ignatieff.

C’est la grogne, dans les rangs conservateurs, face au budget déficitaire qui bafoue les valeurs d’équilibre et de parcimonie défendues jusqu’à tout récemment par l’équipe Harper-Flaherty, qui a capitulé face à la menace de la coalition alternative libérale-néo-démocrate.

Le Bloc n’était pas censé participer au gouvernement mais simplement appuyer ponctuellement l’action de la coalition. Mais même ce rôle passif a été jugé abominable dans certaines régions du pays et, par conséquent, par plusieurs députés libéraux. Selon Gilles Duceppe et Pauline Marois, le Québec doit donc se séparer du reste du Canada: les priorités des deux «nations» sont trop divergentes, comme le démontre le budget conservateur-libéral du 27 janvier…

Ce raisonnement ne manque pas d’audace, voire d’élégance, mais on a surtout hâte à la suite du débat, qui devrait porter sur l’originalité et l’efficacité des mesures qu’adopteraient les souverainistes dans le contexte économique actuel.

Le caucus libéral fédéral n’est certainement pas unanime face à la stratégie de Michael Ignatieff, qui prête flanc aux attaques du NPD de Jack Layton et laisse aux Conservateurs les rênes du pouvoir et le temps de se réorganiser. Les Libéraux aussi, bien sûr, ont besoin de temps pour regagner la confiance d’un plus grand nombre de Canadiens, notamment au Québec et dans l’Ouest. Mais le renversement des Conservateurs par la coalition, qui aurait propulsé Ignatieff aux commandes du gouvernement, aurait servi de raccourci et transformé le paysage politique en vue des prochaines élections.

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La décision d’Ignatieff de se limiter à placer le gouvernement Harper sous surveillance est honorable, paraissant motivée par sa préférence accordée aux voies électorales traditionnelles et à son soucis de préserver une certaine stabilité en cette période de turbulences économiques. C’est plutôt la décision de Harper de conserver le pouvoir dans de telles conditions qui est pathétique.

Ce fameux budget 2009-2010 annonce des dépenses de 258 milliards $ (dont 30 milliards $ de frais associés à la dette de 492 milliards $) contre seulement 224 milliards $ de revenus, un manque à gagner (déficit) de 34 milliards $.

Selon les bureaucrates du ministère des Finances, le déficit diminuera dès l’année suivante pour disparaître en 2014. La dette s’élèvera alors à 542 milliards $ mais ne pèsera pas plus lourd qu’aujourd’hui sur le PIB (28%, comparé à 100% aux États-Unis après un premier mandat Obama!). Si tout se passe comme prévu (un très gros SI), le gouvernement fédéral dépensera/taxera près de 295 milliards $ en 2014. Et la crise sera derrière nous depuis un bon moment déjà…

Ne croyez pas un mot de ce charabia de Nostradamus.

Les déficits prévus au cours des prochaines années ne serviront qu’à réduire la marge de manoeuvre des prochaines administrations et alourdir le fardeau fiscal des prochaines cohortes de contribuables.

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Les dépenses improvisées en «infrastructures» (le mot fourre-tout à la mode), aux effets bénéfiques passagers, créeront souvent des obligations permanentes (entretien, opération) dispendieuses.

Les garanties et les subventions offertes aux banques qui ont fait des mauvais prêts et aux industries non-performantes (l’automobile, évidemment) continueront de récompenser l’incompétence et de retarder l’innovation.

La politique monétaire ne fera rien pour encourager l’épargne (la source des futurs investissements), alors que cette crise mondiale vient précisément d’un taux d’épargne trop faible – en fait d’un endettement inconsidéré – des familles, des entreprises et des gouvernements, aux États-Unis surtout mais trop souvent aussi au Canada et en Europe.

On peut se consoler en considérant qu’une coalition libérale-néo-démocrate aurait justifié son avènement par une orgie de dépenses encore plus mal ciblées et inutiles que celles des Conservateurs.

Les finances canadiennes (publiques, corporatives et privées) sont plus saines que celles de nos irresponsables voisins américains, ce qui nous autorise à rester en-deçà du 2% du PIB identifié comme la valeur idéale du «stimulus» par la cabale néo-keynésienne au pouvoir à Washington, en Europe et au sein des FMI et autres G20.

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Avant le budget du 27 janvier, Radio-Canada (et sans doute d’autres médias, mais c’est celui-là que j’ai remarqué) n’interviewait que des experts dénonçant l’attentisme des Conservateurs et réclamant des plans de relance comparables, à l’échelle canadienne, aux trillions promis par Barack Obama. Après le budget, on découvrait une foule de commentateurs inquiets du retour des déficits et de l’interventionnisme tous-azimuts à Ottawa. On aurait voulu les entendre plus tôt, pour donner du courage aux Conservateurs!

Un bon indicateur du «bonheur» économique est certainement celui du chômage, vraie crise qui frappe du vrai monde, contrairement aux aléas des marchés boursiers. Le taux de chômage dépassait 20% durant la Grande Dépression des années 1930 (aggravée et prolongée par le protectionnisme), mais ne dépassera vraisemblablement pas les 10% au plus creux de la crise actuelle (2009? 2010? 2011?).

Nos dirigeants devront cependant faire preuve d’un discernement sans précédent (franchement improbable) pour intervenir de la bonne façon au bon endroit, réformer le capitalisme sans détruire l’entreprenariat, adapter les caisses de retraite des «boomers» aux besoins des jeunes, passer du gigantisme (surconsommation, bureaucratie) à la simplicité (développement durable, taxation raisonnable)…

Fallait-il nécessairement choisir une récession moins brutale mais plus longue, au lieu d’une plus courte mais plus difficile période de réajustement des marchés face aux mauvaises dettes et à la surproduction des dernières années? Tous les plans de «relance» et autres «New Deals» drogueront l’économie mondiale pendant quelques mois ou quelques années avant que ne s’opèrent les nécessaires transformations des modèles économiques qui doivent changer.

Auteur

  • François Bergeron

    Rédacteur en chef de l-express.ca. Plus de 40 ans d'expérience en journalisme et en édition de médias papier et web, en français et en anglais. Formation en sciences-politiques. Intéressé à toute l'actualité et aux grands enjeux modernes.

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