Bryant et Chen: deux horoscopes très différents

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Publié 27/05/2010 par François Bergeron

L’ancien Procureur général de l’Ontario Michael Bryant, qui a tué accidentellement, au volant de sa voiture, le cycliste Darcy Sheppard qui l’agressait, le 31 août dernier, ne pouvait mieux s’en tirer.

Après avoir examiné les éléments de preuve que la défense lui a généreusement fournis (une stratégie inhabituelle, mais gagnante ici), le procureur spécial, appelé de Colombie-Britannique pour éviter toute apparence de conflit d’intérêts ou de traitement de faveur, a retiré les accusations de négligence criminelle et de conduite dangereuse qui pesaient contre Bryant. Celui-ci est libre. Il n’y aura pas de procès, la Couronne estimant qu’elle n’a aucune chance d’y obtenir un verdict de culpabilité.

C’est sans doute la bonne décision. Bryant était réellement en état de légitime défense (et paniqué) face à Sheppard. Ce dernier n’a pas eu une vie facile et sa mort reste une tragédie, mais on aurait tort d’en faire un martyr du cyclisme contre l’automobile, ou des démunis contre les privilégiés.

Toute l’affaire a été menée rondement, en neuf mois.

On aimerait pouvoir en dire autant pour David Chen, ce commerçant du quartier chinois près du Musée des beaux-arts, sur qui pèsent encore des accusations d’assaut et de séquestration pour avoir poursuivi et arrêté un voleur à l’étalage le 23 mai 2009 (il y a donc maintenant plus de douze mois).

Là aussi, la Couronne devrait conclure qu’elle n’a aucune chance de persuader un jury de condamner David Chen. On devrait, au contraire, lui remettre une médaille de civisme ou de bravoure ou l’Ordre de l’Ontario.

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Malheureusement pour lui, David Chen n’est pas le fils d’une bonne vieille famille influente. Il n’a pas accès aux meilleurs avocats du pays et il n’a pas les moyens (ni même l’idée, ce qui est tout à son honneur) d’embaucher une firme de relationnistes.

Les gens du Procureur général de l’Ontario (pas Bryant, son successeur) lui ont proposé d’abandonner les accusations les plus graves s’il plaidait coupable aux plus légères. Il a refusé, n’ayant absolument rien à se reprocher.

Contrairement à Michael Bryant, David Chen est encore en attente de son procès. La justice, qui a été rendue dans le cas de Bryant, est discréditée dans le cas de Chen. Doublement discréditée, même, lorsqu’on compare le traitement qu’on a réservé à chacune des deux causes: grand déploiement de compétences pour Bryant, mesquinerie ignoble pour Chen.

* * *
D’autres reportages et éditoriaux sur l’affaire de l’épicier chinois de Toronto:
Mars 2013: La nouvelle loi sur la légitime défense est en vigueur
Juillet 2012: Une loi inspirée de la saga de l’épicier chinois de Toronto
Janvier 2011: Les citoyens ne seront plus découragés d’intervenir contre le crime
Octobre 2009: Un citoyen modèle

Auteur

  • François Bergeron

    Rédacteur en chef de l-express.ca. Plus de 40 ans d'expérience en journalisme et en édition de médias papier et web, en français et en anglais. Formation en sciences-politiques. Intéressé à toute l'actualité et aux grands enjeux modernes.

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