Ma première visite à Berlin coïncide avec le 25e anniversaire de la chute de son Mur. Une occasion unique pour prendre le pouls et la mesure de cette ville mythique aujourd’hui.
3h30 de bicyclette dans un matin brumeux me plongent dans une atmosphère de roman de John Le Carré. Sur les traces du Mur. Guidée par Björn, historien de son état et petit-fils du Mur, je m’imprègne d’une Allemagne déchirée en deux. Ce tristement fameux Mur de la honte, long de 112km et haut de 3,60m entre Berlin Ouest et l’Allemagne de l’Est était en fait un double mur, séparé par un chemin de ronde de 6 à 7 mètres, où patrouillaient police et chiens, un terrain vague, des barbelés, un autre terrain vague, du sable et agrémenté de miradors et de lampadaires. Bien difficile de franchir la zone interdite. Mais aisé de repérer aujourd’hui au sol la lugubre démarcation.
Là où la pierre n’est plus subsistent un terrain, un espace étrangement important entre deux rangées d’immeubles, une voie ferrée mangée par les herbes… Près du Mémorial du Mur de Berlin, un fragment de cet agencement de cloisons de béton est conservé et on peut ainsi mieux appréhender le danger encouru par les Allemands désireux de fuir l’Est pour rejoindre l’Ouest.
À certains endroits, le Mur est représenté par une démarcation au sol des immeubles et églises qui ont été détruits pour sa construction. À d’autres, des tiges de métal savamment agencées oblitèrent, selon comment on se tient devant, partiellement ou complètement la vue. Entre la station Ostbahnhof et celle de Warschauer Str., s’étend une portion non négligeable du Mur avec ses graffitis. Plus coloré que son voisin, ce segment appartient à l’Ouest, où «s’exprimer» sur la pierre n’encourait pas de répercussions aussi radicales et systématiques qu’à l’Est.
Berlin garde la marque
Cette séparation a été une blessure identitaire, affective et géographique chez nombre de Berlinois. Elle est perçue aujourd’hui encore dans les comportements des habitants de quarante ans et plus, et Björn me parle de cette distinction perceptible au détour d’une phrase, d’une pensée, d’une résolution de problème. Une démarcation Est-Ouest que l’on retrouve également dans l’architecture.