Autour d’un café, les francophones discutent politique…

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Publié 21/02/2006 par Marta Dolecki

Quand on demande à Gérard Lévesque de nous donner son adresse exacte, il répond, avec grand naturel, qu’il demeure à Toronto, sur la Promenade du Lac. Oui, mais quelle est l’adresse exacte, s’enquiert-on. «Je suis le seul à résider sur la Promenade du Lac, vous verrez, les autres sont sur Lake Promenade» répond-il du tac-au-tac. Devant cette énigme subtile aux airs de casse-tête chinois, on acquiesce tout de même, dans un sourire sceptique.

Puis, une fois arrivé à destination, on comprend presque immédiatement. Bastion francophone perdu dans une mer autrement anglophone, la maison de M. Lévesque est la seule, dans le voisinage, à s’être dotée d’une pancarte en français qui exhibe fièrement ses lettres blanches sur fond rouge dans un coin de jardin.

Désormais, on ne peut plus se tromper: l’affiche en français à l’entrée indique qu’on est en territoire connu. Et si jamais on hésitait encore, un tableau à l’effigie de Champlain célébrant les 400 ans de présence française en Amérique du Nord sera là pour nous le rappeler une fois rendu dans le salon.

Gérard Lévesque est un avocat engagé dans la défense des causes chères à la communauté francophone de Toronto. Pendant la campagne, il a décidé d’organiser des rencontres informelles, chez lui, dans son salon. M. Lévesque réside dans la circonscription d’Etobicoke-Lakeshore.

Autour d’un café, on s’assoit et on discute politique, enjeux francophones, avec le candidat local qui s’est déplacé pour venir parler à la communauté. Les francophones – membres du milieu associatif et simples citoyens – sont ravis.

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Après son départ, on échange commentaires, idées, et différentes impressions sur le candidat. Le concept est ingénieux et fait des petits.

«Je vais repartir plus branchée sur les différents enjeux de la campagne», s’exclame cette dame, qui, emmitouflée dans un épais manteau, prend le chemin de la sortie. D’autres quittent les lieux avec la ferme intention d’organiser des rencontres similaires, chez eux, avec le député qui les représente dans leur circonscription.

Samedi dernier, pendant cette pause-café, L’Express est allé à la rencontre de quatre citoyens francophones pour leur poser des questions sur les enjeux qui leur tenaient à cœur pendant cette campagne.

Elizabeth Verge, directrice générale de Canadian Parents for French, chapitre de l’Ontario

L’Express: Suivez-vous la campagne électorale de près?

Elizabeth Verge: Je suis un peu comme tout le monde. Je n’ai pas vraiment suivi les débats parce qu’ils se déroulaient pendant la période des Fêtes. Je n’ai pas encore eu le temps de consulter les plates-formes des différents partis.

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Le fait français, l’éducation, la santé, les garderies sont tout de même des sujets qui m’intéressent. Cependant, j’ai l’impression que le fait français n’est pas quelque chose qui détient beaucoup d’importance dans l’agenda politique des chefs de partis. Cela me déçoit, et en même temps, ce n’est pas une surprise. Le bilinguisme n’est jamais très haut dans la liste des priorités des partis, même si le français et l’anglais font partie des deux langues et cultures fondatrices. C’est dommage, je serais plus prompte à voter pour un parti qui adresse les enjeux importants aux yeux de la communauté francophone.

L’Express: Quel impact le scandale des commandites a-t-il eu sur la façon dont vous percevez le Parti libéral aujourd’hui?

E.V.: Le scandale des commandites a quelque peu remis en question ma décision de voter pour le Parti libéral. En revanche, quand on regarde les plates-formes des autres candidats, on ne voit pas beaucoup d’idées neuves. Le Parti libéral est celui qui, traditionnellement, est le plus favorable aux causes francophones. Je pense quand même que les enjeux francophones sont plus importants que les scandales. Les scandales, il y en aura toujours, il faudrait qu’il y ait des mécanismes qui se mettent en place pour pouvoir les contrer, par exemple, que le prochain gouvernement prévoit un programme d’imputabilité. C’est important de savoir où vont les fonds.

Jérôme Laflamme, secrétaire administratif de la Francofête

L’Express: Que pensez-vous du peu d’importance accordée aux minorités linguistiques lors des débats des chefs?

Jérôme Laflamme: Ce n’est pas une surprise. C’est plutôt une constante. Quand on en entend parler, c’est surtout en raison de la question de l’indépendance du Québec. Les langues officielles minoritaires ne sont jamais vraiment un enjeu électoral.

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Les francophones en Ontario sont répartis sur tout le territoire. Surtout dans le Grand Toronto, on représente environ 4 % de la population. C’est évident, qu’on n’est pas prioritaire. Mais ça pourrait changer si les gens de la communauté francophone mettent de la pression et vont chercher des candidats dans leurs comtés pour les sensibiliser à la question. C’est toute la population de Toronto est qui est appelée à voter, donc nous pouvons avoir un poids.

L’Express: Quelles sont vos attentes envers le prochain gouvernement?

J.L.: En ce qui concerne les questions francophones, mes attentes porteraient sur un réinvestissement dans les fonds alloués à la francophonie au Canada. J’espère également un règlement de la question du déséquilibre fiscal. Les libéraux ne se sont pas prononcés là-dessus. En revanche, les conservateurs ont l’air d’être plus ouverts.

Ce que j’espère également, c’est de faire en sorte que le fédéral n’intervienne pas dans les champs de compétence provinciaux, mais qu’il distribue l’argent aux provinces, tous ces surplus faramineux qui sont voués à s’accroître. La redistribution se fait toujours attendre, notamment sur la question de l’assurance-emploi.

Jean-Rock Boutin, intervenant social.

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L’Express: Que pensez-vous de l’atmosphère qui entoure cette campagne?

Jean-Rock Boutin: Depuis le début de la campagne, je lis les journaux, je me tiens informé dans la communauté francophone d’ici. C’est un moment où l’on peut constater qu’il y a véritablement une petite étincelle qui s’allume dans les yeux des gens. On peut se mettre à agir pour mobiliser d’autres francophones.

Moi, je suis prêt à le faire. J’organise chez moi, dans les prochains jours, une rencontre avec mon député local et je compte bien inviter d’autres francophones. J’aimerais bien que l’on prenne un moment pour consolider la communauté, resserrer des liens et je pense que des rencontres comme celles-ci jouent un rôle important.

L’Express: Quels sont les enjeux qui vous tiennent à cœur lors de cette campagne?

J-R. B.: Ma grande priorité concerne les droits humains et l’utilisation de la clause dérogatoire par M. Harper. J’ai très peur par rapport à la remise en question du mariage gai. Si M. Harper est élu, les droits de la personne vont aller en reculant, ce qui n’est pas souhaitable pour la communauté francophone en général.

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Lily Harfouche, directrice de l’école élémentaire Félix-Leclerc, à Etobicoke.

L’Express: Quels sont les enjeux qui vous tiennent à coeur?

Lily Harfouche: Avant même l’économie, l’éducation est l’aspect le plus important de la campagne, car il s’agit du futur de nos enfants. Dans ce domaine, il y a beaucoup de dossiers qui sont en bonne voie, mais aussi d’autres qui restent en suspens.

Par exemple, nos écoles sont petites. Nous voulons qu’il y ait plus de cours qui soient offerts à nos élèves pour qu’ils puissent faire plus d’activités. Le gouvernement ne nous donne pas assez d’argent pour faire vivre nos jeunes en français. Cependant, le Parti libéral semble très réceptif à nos besoins et j’espère qu’il va nous aider à faire vivre nos jeunes en français, dans un milieu majoritairement anglophone.

L’Express: Quel serait votre message au futur premier ministre?

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L.H.: Je lui dirai de faire attention à toute la population, pas seulement à la partie anglophone, d’être conscient qu’il y a des francophones qui vivent ici et qui font aussi partie du pays.

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