Antisudorifique et cancer du sein: 20 ans d’inquiétude

Présent dans de nombreux antisudorifiques, le sel d’aluminium est souvent accusé de provoquer ou d’aggraver les cancers du sein.
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Publié 01/10/2020 par Catherine Crépeau

Présent dans de nombreux antisudorifiques, le sel d’aluminium est souvent accusé de provoquer ou d’aggraver les cancers du sein. Ces craintes sont-elles fondées?

Le débat sur la toxicité du sel d’aluminium contenu dans les antisudorifiques a cours depuis des décennies.

Les toxines retenues

L’hypothèse veut que les sels d’aluminium empêchent le corps de transpirer et retiennent ainsi les toxines à l’intérieur de notre organisme.

La raison: lorsque la peau est humide, ces sels, ou chlorhydrates d’aluminium, se transforment en hydroxydes d’aluminium. Un produit qui bouche les pores afin de bloquer la transpiration… et ainsi empêcher les odeurs de se manifester.

De plus, certains chercheurs croient que le lactate, un des composés de la sueur, pourrait dissoudre une partie de l’hydroxyde d’aluminium, qui traverserait ainsi la barrière de la peau et, possiblement, causerait des cancers du sein.

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Avant d’aller plus loin, il faut distinguer :

– les déodorants, qui visent à masquer les «mauvaises odeurs» en absorbant la sueur ou en tuant les bactéries qui s’y développent;

– et les antisudorifiques, qui bloquent la transpiration. Ces derniers contiennent des sels d’aluminium ou, dans une moindre mesure, des sels de zirconium, qui font se contracter les glandes sudoripares et bloquent l’excrétion de la sueur.

20 ans d’études

Depuis le début des années 2000, de nombreuses études ont échoué à démontrer un danger quant aux sels d’aluminium présents dans les antisudorifiques.

En 2014, dans un avis portant sur la sécurité de l’aluminium dans les produits cosmétiques, le comité scientifique pour la sécurité des consommateurs (CSSC), l’organe scientifique chargé de conseiller la Commission européenne sur les éventuels risques liés aux produits de consommation non alimentaires, estimait qu’il n’existe aucune preuve d’une augmentation du risque d’apparition du cancer du sein en lien avec l’utilisation de produits cosmétiques contenant de l’aluminium.

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Oui, des risques

L’absence de preuve ne signifie toutefois pas absence de risque.

En 2016, une étude publiée dans l’International Journal of Cancer relance la controverse. Les auteurs ont constaté que des tumeurs et des métastases sont apparues chez les souris ayant reçu des cellules mammaires exposées à l’aluminium.

Les mêmes chercheurs avaient démontré, en 2012, que des cellules mammaires humaines mises en culture in vitro et exposées à de faibles quantités de sels d’aluminium subissaient une modification génétique.

En 2014, d’autres chercheurs en appelaient à plus d’études dans un article publié dans Breast Cancer après s’être penchés sur les facteurs de style de vie et le risque de cancer du sein.

Une étude autrichienne publiée en 2017 relève pour sa part une association statistiquement significative entre l’utilisation quotidienne d’un produit cosmétique pour les aisselles contenant de l’aluminium, et le cancer du sein.

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L’étude menée auprès de 209 femmes ayant reçu un diagnostic pour un tel cancer, et autant de femmes en bonne santé, fait état de niveaux d’aluminium plus élevés dans les tissus mammaires des femmes atteintes du cancer.

Toujours pas de preuve

Mais ces études ne démontrent pas que c’est le sel d’aluminium qui est la cause du cancer du sein.

Les auteurs d’une revue de littérature publiée en 2017 soulignent que les données portant sur le caractère cancérigène de l’aluminium sont contradictoires. Ils constatent aussi que l’affirmation selon laquelle l’utilisation d’antisudorifiques contenant de l’aluminium favoriserait le cancer du sein, n’est pas étayée par des données scientifiques cohérentes.

Le nouvel avis du CSSC sur la sécurité de l’aluminium dans les produits cosmétiques, publié en mars 2020, est plus tranchant.

Le comité — composé de 17 experts indépendants en chimie et toxicologie — considère sécuritaire l’utilisation de l’aluminium dans les «antitranspirants», les dentifrices et les rouges à lèvres, dans les concentrations usuelles des formules commercialisées.

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Les auteurs de l’avis ajoutent qu’au vu des dernières études, il apparaît que l’aluminium n’est presque pas absorbé par la peau, y compris la peau fraîchement rasée, et qu’il n’est pas non plus stocké dans la peau.

Société canadienne du cancer

Pour la Société canadienne du cancer (SCC), dont l’avis rejoint celui des autres autorités dans le monde, l’affaire est entendue. Aucune des nombreuses études sur les facteurs de risque de cancer du sein n’a relié cette maladie à l’emploi d’antisudorifiques.

La SCC ajoute que le fait qu’environ la moitié des cancers du sein se développent près de l’aisselle s’explique plutôt par le fait que cette région contient davantage de cellules mammaires. De plus, bloquer l’excrétion de sueur a peu d’effet sur l’élimination des toxines, puisque celles-ci sont plutôt éliminées par le foie et les reins.

La SCC avertit toutefois les femmes de ne pas appliquer d’antisudorifique avant de passer une mammographie, car l’aluminium risque d’être visible sur les images et de fausser les résultats.

Collaboration à la recherche: Stéphane Desjardins

Auteur

  • Catherine Crépeau

    Journaliste à l'Agence Science-Presse, média indépendant, à but non lucratif, basé à Montréal. La seule agence de presse scientifique au Canada et la seule de toute la francophonie qui s'adresse aux grands médias plutôt qu'aux entreprises.

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