Abraham Lincoln va au théâtre: une intrigue formidable

Partagez
Tweetez
Envoyez

Publié 30/11/2010 par Guillaume Garcia

Tu le tues, tu me tues et tu te tues, tu connais une scène plus facile à jouer en théâtre? Alors oui, cela paraît facile, mais quand il faut jouer à la poupée russe en même temps, on peut comprendre le défi. Dans la pièce de Larry Tremblay Abraham Lincoln va au théâtre, un metteur en scène envahissant pousse deux comédiens dans leurs derniers retranchements sans leur montrer une seule ligne de texte. Entre critique acerbe des États-Unis et drame psychologique, la pièce nous emmène dans un scénario à rebondissements, qui vous tient en haleine jusque les toutes dernières secondes. Le TfT tape un grand coup avec cette pièce, écrite par Larry Tremblay et montée par Claude Poissant.

Le directeur artistique du TfT précise dans son intervention de début de spectacle qu’il espérait depuis longtemps pouvoir montrer le travail de ce metteur en scène au public torontois.

C’est désormais chose faite et l’on risque de s’en souvenir pendant un bon moment! Comme imbriquées les unes dans les autres, plusieurs histoires sont racontées dans la pièce.

Deux comédiens compères, connus pour leurs frasques télévisées dans une série policière sont recrutés par un metteur en scène particulier, mystérieux et hystérique. Il ne leur montre aucun texte, leur fait répéter des scènes bizarres, gênantes.

Comédiens sans talents particuliers, ils ne comprennent ni leur rôle ni les raisons pour lesquelles ils ont été choisis pour les jouer. Ils se questionnent, tentent d’y voir plus clair, mais ne pensent pas une seule seconde rendre les armes. Petit à petit, ils découvrent la volonté de l’homme qui les dirige d’une main de fer.

Publicité

Pourquoi John Wilkes Booth a-t-il assassiné le président des États-Unis, Abraham Lincoln, lors d’une représentation de Our American Cousin, pièce écrite par un auteur anglais dont personne ne connaîtrait le nom si ce fait divers n’avait pas eu lieu.

Dans un décor minimaliste composé d’une table et de plusieurs chaises, Claude Poissant parvient à capter l’attention du public pour la concentrer uniquement sur ce qu’il choisit, c’est-à-dire le jeu des comédiens et l’intrigue.

Les phrases-chocs, répétées à l’infini au spectateur, ont pour objectif de le faire rentrer dans l’histoire, de lui faire croire qu’il peut la comprendre.

Qu’est ce que fait la balle qui rentre derrière l’oreille de Lincoln? que fait-elle? Devant ces questions philosophiques sans réponses, les comédiens restent de marbre, et le public de faire de même.

Mais comment ne pas perdre un auditoire quand l’histoire racontée met en scène une statue de cire d’Abraham Lincoln, un metteur en scène déguisé en statue de cire d’Abraham Lincoln deux comédiens jouant deux autres comédiens jouant des personnages morts et un metteur en scène recruté par les deux comédiens… et ainsi de suite! Voilà le tour de force réussi par Claude Poissant. D’hier à aujourd’hui, les comédiens et metteurs en scène se retrouvent devant des barrières à franchir, des énigmes à résoudre, et comment ne pas sombrer dans la folie lorsque l’on cherche à comprendre l’incompréhensible.

Publicité

Aliénés par leur metteur en scène, les deux comédiens perdent pied peu à peu pendant que leur boss effiloche quant à lui le fil de l’histoire avant de s’y perdre comme emmêlé dans les ficelles de sa quête. Comme bien d’autres avant lui, comme tant d’autres après lui. Les deux comédiens principaux, Maxim Gaudette et Patrice Dubois ont développé un jeu à la fois physique et psychologique. Avec son regard profond et mouillé, Maxim Gaudette apporte un côté tendre et mélancolique quand les rondeurs de Dubois font relâcher la pression lors des scènes de tension psychologique.

Certains qualifieront de typiquement montréalaise la dernière partie de la représentation qui oscille entre burlesque et tragique. Les couleurs viennent se mêler à la folie ambiante qui sort des esprits et se conjugue dans les gestes et les paroles. Applaudi au Québec depuis plusieurs mois, Abraham Lincoln a également séduit le public torontois, qui a longuement salué les comédiens.

Chapeau messieurs!

Auteur

  • Guillaume Garcia

    Petit, il voulait devenir Tintin: le toupet dans le vent, les pantalons retroussés, son appareil photo en bandoulière; il ne manquait que Milou! Il est devenu journaliste, passionné de politique, de culture et de sports.

Partagez
Tweetez
Envoyez
Publicité

Pour la meilleur expérience sur ce site, veuillez activer Javascript dans votre navigateur