À trop baigner dans l’anglais…

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Publié 17/07/2007 par Martin Francoeur

Il y a des jours où je vous plains, francophones et francophiles qui vivez dans un milieu essentiellement anglophone. Vous avez idée des risques de contamination auxquels vous êtes exposés? Peut-être avez-vous développé les anticorps linguistiques appropriés, mais la qualité de votre français est constamment menacée. À trop baigner dans l’anglais, on en prend parfois les faux plis…

Je fais ce constat parce que j’arrive d’une visite de deux jours sur des bases militaires de Winnipeg et de Colorado Springs. Comme journaliste au Nouvelliste de Trois-Rivières, je faisais partie d’un petit groupe invité à découvrir les installations du Commandement de la défense aérospatiale de l’Amérique du Nord, mieux connu sous son acronyme anglais de NORAD.

Plusieurs militaires canadiens nous ont expliqué la mission, le fonctionnement et les enjeux de NORAD. À Winnipeg, où se situe le quartier général de NORAD pour le Canada, nous avons eu droit à des interlocuteurs francophones. Au Colorado, où est installé le centre de contrôle et de commandement pour l’organisation binationale, certains militaires francophones se sont aussi adressés à nous. Bien malgré eux, leur maîtrise du français a subi quelques dommages au fil du temps.

Ces militaires, québécois ou acadiens particulièrement, sont entourés d’anglophones et effectuent l’essentiel de leur travail en anglais. Il est donc normal – ou inévitable – que leur français ait subi quelques faux plis.

Mis à part un vague accent qui leur fait étirer quelques fins de phrases ou qui leur fait mettre un accent tonique au mauvais endroit, on remarque une fâcheuse tendance à utiliser en français des expressions calquées sur l’anglais. Des anglicismes syntaxiques. En grand nombre.

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Certains intervenants voulaient «nous introduire» un officier supérieur au lieu de nous le présenter. Ils nous expliquaient que la surveillance radar avait pour but de «faire sûr» que les avions suivent leur plan de vol et qu’il n’y ait pas d’intrusion dans l’espace aérien nord-américain.

Ils nous affirmaient que des militaires y travaillaient «à la journée longue» pour «achever les buts» de l’organisation. Évidemment, l’horaire de notre visite était chargé et il fallait suivre rigoureusement l’«agenda»…

Quand certains d’entre eux ont su que j’étais journaliste, ils m’ont demandé si mon journal avait «une grosse circulation». Ils m’ont même fait signer un engagement à ne pas divulguer d’informations stratégiques trop précises, «en accordance avec» la politique des Forces armées établissant les règles à suivre en cette matière.

On aurait dit qu’un signal d’alarme retentissait dans ma tête chaque fois que quelqu’un commettait un tel anglicisme. Et il y en a eu beaucoup. Pourtant, les militaires s’exprimaient généralement dans un français correct, utilisant même certains termes techniques convenablement. Mais on pouvait déceler l’influence de l’environnement anglophone dans plusieurs de leurs expressions.

J’imagine que c’est la même chose pour n’importe quel francophone vivant ou travaillant dans un milieu essentiellement anglophone. Dans ce cas, les anglicismes syntaxiques et les anglicismes sémantiques sont certainement les plus sournois. On les adopte sans trop s’en rendre compte, traduisant mot pour mot certaines expressions ou employant incorrectement un terme qui semble pourtant convenable.

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Les anglicismes lexicaux (checker, preview, rough, slack, etc.) sont nombreux, mais on dirait qu’on les pardonne plus facilement à l’oral puisqu’on les détecte sans trop d’effort.

Au fond, je ne vous plains peut-être pas tant que ça. Je sais que vous êtes vigilants et que vous aiguisez constamment vos réflexes linguistiques.

Justement parce que vous êtes dans un milieu où domine l’usage de l’anglais, vous êtes probablement plus aguerris que les francophones qui temporairement se plongent dans un bain anglophone.

C’est cette petite réflexion que je voulais partager avec vous avant de vous quitter pour quelques semaines. Je vous laisse profiter de l’été et je vous retrouve en septembre. Entre-temps, prenez note de ma nouvelle adresse de courriel et n’hésitez pas à suggérer des sujets que vous aimeriez voir traités dans cette chronique. Bon été!

Auteur

  • Martin Francoeur

    Chroniqueur à l-express.ca sur la langue française. Éditorialiste au quotidien Le Nouvelliste de Trois-Rivières. Amateur de théâtre.

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