À la découverte des origines de l’immigration au centre-ville

Partagez
Tweetez
Envoyez

Publié 21/10/2014 par Alix Forgeot

Samedi, le Centre francophone de Toronto proposait aux curieux de se retrouver au Nathan Phillips Square et de découvrir des «récits d’immigration dans le vieux Toronto» contés par Lisette Mallet, représentante de l’organisme Héritage Toronto.

Mme Mallet remet d’ailleurs ça samedi prochain, le 25 octobre, mais cette fois sous l’égide de la Société d’Histoire de Toronto (départ à 11h de l’Hôtel de Ville, au coin de Queen et Bay près de l’horloge des Jeux PanAm).

La guide explique qu’en 1850, ce quartier pauvre abritait le noyau de l’immigration. À l’époque, il y avait un grand besoin de main-d’œuvre. Nombreux étaient ceux qui étaient prêts à quitter leur pays pour venir travailler au Canada.

Les Afro-Américains, les Juifs, les Italiens ou encore les Chinois se retrouvaient dans ce quartier appelé «Ward Saint John». Plutôt pauvres, ils restaient entre communautés. Les francophones, eux, n’habitaient pas le quartier; ils étaient plutôt du côté de Cabbagetown avec les Irlandais, car ils avaient la permission d’acheter et de vendre des propriétés.

À l’époque il y avait des champs autour d’Osgoode Hall (édifice datant de 1829 qui abrite aujourd’hui la Cour d’Appel de l’Ontario et le Barreau du Haut-Canada), ce qui justifie l’étroitesse des portes. «C’était pour empêcher les vaches de rentrer», note la guide. C’est ici que plusieurs lois ont été créées pour défendre les intérêts des minorités.

Publicité

Esclaves

À ce titre, Lisette Mallet, raconte aux visiteurs l’histoire de Lucy et Thornton. Dans la première moitié du 19e siècle, ce couple d’esclaves de Louisville (Kentucky, États-Unis) s’est échappé de chez leur maître qui souhaitait les vendre et, après plusieurs péripéties, ils ont rejoint la ville de Windsor.

Retrouvés, puis arrêtés, ils allaient être transférés aux États-Unis, mais une loi a été créée à temps pour empêcher cette extradition. Finalement ils ont pu rester au Canada et, pour la petite anecdote, Thornton Blackburn a obtenu un poste de serveur au Osgoode Hall. C’est aussi lui qui a eu l’idée de fonder la première compagnie de taxi à Toronto.

Le petit groupe passe ensuite devant la sculpture d’Eldon Garnet (2012) représentant l’équilibre parfait entre un mouton et un lion. L’œuvre est censée évoquer l’égalité des droits, mais très vite les visiteurs remarquent qu’elle contient une faute de français: au lieu de lire «la loi ne fait exception de personne et s’applique également à tous», le passant peut observer «la loi ne fait acception de personne et s’applique également à tous».

Maimouna Keita, du Centre francophone de Toronto n’en revient pas: «Il n’y avait pas de francophone sur ce projet?»

Juifs

Après ce passage éclair à la sculpture, Lisette Mallet s’arrête à l’angle des rues Chestnut et Dundas Ouest. Dans les années 1830-1850, c’est ici que la population juive s’est installée. Originaires de Russie, de Lituanie et d’Ukraine, les Juifs avaient tendance à créer leurs propres entreprises, car il était difficile pour eux de trouver un emploi auprès des Britanniques.

Publicité

Le quartier était très pauvre. D’ailleurs, en 1911, un médecin a déclaré que 108 maisons qu’il avait visitées étaient insalubres et n’avaient pas de système d’égouts.

Au fil du temps, la population s’est déplacée vers l’Ouest, au Kensington Market, puis elle a remonté la rue Bathurst.

Italiens

La visite continue à l’angle des rues Chestnut et Edward, là où les Italiens sont arrivés entre 1880 et 1930, par l’entremise de courtiers de main-d’œuvre qui allaient recruter en Italie, notamment pour des travaux de tailleurs de pierre.

Il y a 100 ans, une épicerie faisait l’angle des deux rues; elle appartenait à deux immigrants, dont Edward Pasquale, arrivé en 1910 à Toronto, à l’âge de 20 ans. Les deux jeunes livraient les repas en streetcar. En 1917, M. Pasquale fonde sa propre compagnie d’alimentation qui n’est autre qu’Unico, aujourd’hui très célèbre.

Charité

Après une brève histoire de l’immigration italienne, Lisette Mallet emmène sa petite troupe au 87 rue Elm, le deuxième édifice le plus vieux du «Ward Saint John».

Publicité

Abritant aujourd’hui le YWCA, un organisme qui vient en aide aux personnes dans le besoin, en 1848 c’était la Maison de l’industrie. Elle avait à peu près la même fonction: grâce aux financements de la ville et aux subventions privées, elle accueillait les plus démunis.

Pour pouvoir y vivre, «les demandeurs devaient prouver qu’ils étaient pauvres, démunis et que ce n’était pas de leur faute», insiste la guide. Autant dire que ce n’était pas évident, car la moralité des demandeurs était évaluée. Sans emploi, sans toit et avec une dizaine d’enfants, il était ainsi possible de se faire refuser l’entrée de la maison de l’industrie.

Et si, par chance, les demandeurs parvenaient à intégrer la maison de l’Industrie, une fois acceptés, ils devaient participer à certaines corvées, donc le service n’était pas totalement gratuit.

Chinois

La visite se termine à l’angle des rues Elizabeth et Dundas, le centre du premier quartier chinois à Toronto. «C’est l’une des populations qui a le plus souffert de discriminations», note la guide.

Si les Canadiens étaient contents de les voir arriver pour construire les voies de chemin de fer et les différentes infrastructures, une fois les travaux terminés, ils ne leur accordaient que peu de crédit. «En 1923, on a carrément interdit l’immigration chinoise au pays; on trouvait qu’il y en avait trop», explique Lisette Mallet.

Publicité

Et lorsqu’ils ont déménagé à Dundas et Spadina, c’était par obligation: «on leur a donné de l’argent pour qu’ils déménagent, il n’y a pas eu de consultation publique, ils n’ont pas eu le choix», précise la guide.

«Mais les communautés ont trouvé une certaine ouverture à partager et à remplir les besoins de chacun», nuance Lisette Mallet, «les Chinois faisaient à manger aux Juifs le vendredi, pour le sabbat» par exemple.

Mémorable

Pierre, originaire de Malte, a 46 ans. Venu assister à ces récits pour «améliorer son français», il a été marqué par ces récits, surtout par le fait qu’à l’époque «il y avait beaucoup de discrimination. Aujourd’hui on travaille ensemble, on est plus tolérant», note-t-il.

Serge, un Québécois arrivé à Toronto dans les années 1970, «a appris beaucoup de choses» lors de cette visite.

Des propos confirmés par Teresa, d’origine polonaise: «J’habite ici depuis 22 ans, mais je n’avais jamais vu Toronto sous un angle historique; l’histoire de l’immigration est très intéressante et j’ai beaucoup aimé les anecdotes».

Publicité

C’est certain, les visiteurs ne sont pas prêts d’oublier ces récits d’immigrations.

Auteur

Partagez
Tweetez
Envoyez
Publicité

Pour la meilleur expérience sur ce site, veuillez activer Javascript dans votre navigateur