La Loi «donnant la priorité aux élèves» donnerait surtout le pouvoir aux syndicats

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Publié 14/08/2012 par François Bergeron

Le projet de loi qui dicte les termes et la procédure entourant la négociation des contrats de travail au sein des écoles de l’Ontario est «une tentative d’enfreindre au rôle démocratique et aux succès historiques du système d’éducation en Ontario», selon les conseils scolaires.

Le gouvernement libéral de Dalton McGuinty a annoncé jeudi son intention de déposer un projet de loi dont l’objectif est de veiller à ce que les deux prochaines années scolaires se déroulent sans interruption de travail, en exigeant que les conseils scolaires et les unités de négociation locales des enseignants et du personnel de soutien acceptent des conventions collectives qui se conforment aux priorités financières et politiques du gouvernement.

La loi – si elle est adoptée par des députés qu’on vient de rappeler de leurs vacances le 27 août – entrera en vigueur le 1er septembre et empêchera, entre autres, les hausses salariales automatiques des enseignants prévues à la reconduction des contrats actuels le 31 août. Cela ferait économiser à la province la somme de 250 millions $ en 2012-2013, qui passerait à 540 millions $ en 2013-2014.

En outre, la province réaliserait des économies non récurrentes de 1,4 milliard $ par suite de l’élimination des congés de maladie accumulés.

Or, pour faire accepter aux syndicats ce gel salarial de 2 ans et ces mesures, jugées cruciales pour commencer à réduire un déficit annuel de 15 milliards $, le gouvernement s’est substitué à la partie patronale officielle, les conseils scolaires, en négociant directement avec les syndicats pour leur offrir des compensations non monétaires controversées en matière d’embauche des nouveaux enseignants, d’évaluation des élèves et de l’accueil en classe le matin.

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Dans l’embauche, la priorité sera donnée à l’ancienneté plutôt qu’à la compétence, une revendication de longue date des syndicats. Ce sont aussi les enseignants, et non plus les cadres des conseils scolaires, qui décideront quand et comment seront évalué les élèves. Et le matin, les enseignants devront être en classe seulement 5 minutes avant le début des cours, au lieu des 15 minutes en vigueur depuis 2008 chez les francophones.

Entente gouvernement-syndicat sans l’employeur

Le gouvernement s’est entendu en juin avec l’English Catholic Teachers’ Association (OECTA), quelques semaines plus tard avec l’Association of Professional Student Services Personnel (APSSP), puis, la semaine dernière, avec l’Association des enseignants franco-ontariens (AEFO), au grand dam de l’Association franco-ontarienne des conseils scolaires catholiques (AFOCSC, qui représente 8 conseils) et de l’Association des conseils scolaires des écoles publiques de l’Ontario (ACÉPO, 4 conseils).

Dans un communiqué conjoint, les deux regroupements francophones, avec l’Ontario Public School Boards’ Association (OPSBA, 41 conseils) et l’Ontario Catholic School Trustees Association (OCSTA, 32 conseils), disent «s’opposer vigoureusement à ce qu’une législation vienne se substituer au processus local de négociation des conventions collectives».

«Les Conseils scolaires et les représentants locaux des employés comprennent les besoins des élèves de leur communauté respective et ont la responsabilité morale et légale de représenter leurs intérêts», expliquent-ils. De fait, il s’agit aussi d’une responsabilité constitutionnelle dans le cas des minorités linguistiques, puisque le droit de gérer leurs écoles passe par les conseils scolaires.

La loi proposée vise aussi les employés qui ne négocient pas collectivement, notamment les directeurs et les directeurs adjoints ainsi que le personnel des conseils scolaires.

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Le gouvernement «ne place pas l’élève en tête des priorités malgré le titre du projet de loi», accusent les conseils scolaires. Ceux-ci disent partager «les mêmes inquiétudes qui ont été exprimées par les directions de l’éducation et le personnel de gestion au sujet de l’élimination de journées de formation, les restrictions imposées autour des analyses diagnostiques, la prépondérance de l’ancienneté en tant qu’élément déterminant dans le processus d’embauche, le retrait de la majoration de sommes d’argent dédié à la formation et spécifiquement dans le cas de l’entente signée par le gouvernement avec l’AEFO, la réduction du temps de supervision des élèves par le personnel enseignant.»

Les syndicats des enseignants des écoles publiques anglaises n’ont encore rien signé avec le gouvernement. Ils refusent pour l’instant que l’entente avec les enseignants du système catholique soit «copiée-collée» dans leur convention collective.

Équilibre budgétaire

La ministre de l’Éducation, Laurel Broten (dont les enfants sont inscrits dans une école catholique francophone de Toronto), estime s’être montrée «ferme tout en étant équitable» depuis le début des pourparlers cet hiver. «Nous n’avons jamais perdu de vue notre objectif tout en nous montrant flexibles, et nous avons fait preuve d’une détermination immuable dans notre volonté d’arriver à des conventions collectives qui protègent les gains que nous avons réalisés en éducation.»

Les Progressistes-Conservateurs ont accusé le gouvernement libéral d’intervenir à la 11e heure pour stopper l’entrée en vigueur d’augmentations de salaires qu’il n’aurait jamais dû accorder. «Le véritable problème est que ce gouvernement libéral a donné le système scolaire aux syndicats», a déclaré le chef de l’opposition, Tim Hudak. Celui-ci promet d’examiner le projet de loi à la loupe pour s’assurer que les économies promises seront bel et bien réalisées.

L’opposition conservatrice prône un gel des salaires dans toute la fonction publique.

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La chef du Nouveau Parti démocratique, Andrea Horwath, a plutôt dénoncé les «mesures salariales inconstitutionnelles» du gouvernement (le gel de deux ans), qui risquent de coûter plus cher si elles étaient un jour invalidées par la Cour suprême. Elle a indiqué que les députés néo-démocrates voteront contre le projet de Loi «donnant la priorité aux élèves».

Auteur

  • François Bergeron

    Rédacteur en chef de l-express.ca. Plus de 40 ans d'expérience en journalisme et en édition de médias papier et web, en français et en anglais. Formation en sciences-politiques. Intéressé à toute l'actualité et aux grands enjeux modernes.

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