Renaud Saint-Cyr depuis 25 ans à Alpha-Toronto

Renaud Saint-Cyr dirige Alpha-Toronto, centre d’apprentissage en alphabétisation, calcul et informatique, depuis 25 ans cette année. «J’amène les apprenants vers le postsecondaire, vers une autre vie, pour les sortir de la misère», témoignait-il en entretien avec L’Express jeudi dernier.

Alpha-Toronto surpasse constamment les attentes du gouvernement en desservant presqu’une centaine d’apprenants par année, bien que disposant d’un modeste budget de 200 000$ et d’une mince équipe de trois professeurs.

«C’est bien au-delà des objectifs établis à 45 apprenants par année par le ministère de la Formation et des Collèges et Universités et ce, en plus d’obtenir un taux de satisfaction de 93% de la clientèle», d’indiquer Renaud Saint-Cyr.

Par ailleurs, citons qu’Alpha-Toronto a référé 500 apprenants au Collège Boréal de Toronto au cours des cinq dernières années: «Boréal représente un partenaire important pour Alpha dans le cadre du programme Accès Carrières Études (ACE) qui consiste en des cours préparatoires aux études collégiales permettant l’accès au postsecondaire», a rappelé le directeur.

Collaborer avec la communauté

Originaire d’Ottawa, Renaud Saint-Cyr vit à Toronto depuis 1966. Après avoir fréquenté les écoles Jeanne-Lajoie et Étienne-Brûlé, il a poursuivi des études universitaires en science politique au Collège Glendon.

«J’ai dirigé Alpha-Toronto tout en apportant ma personnalité. Ma façon de travailler a toujours été axée sur le travail d’équipe et la collaboration avec la communauté, entre autres avec les secteurs des services sociaux et des programmes de santé mentale», a souligné Renaud.

«Alors que 60% de nos clients éprouvent des problèmes sociaux, je peux facilement trouver des solutions», a-t-il commenté. L’expérience antérieure de Renaud Saint-Cyr, notamment dans la coordination du programme d’aide aux jeunes de la rue Graffiti Jeunesse, n’est certes pas étrangère aux habiletés sociales qu’a développées Alpha-Toronto.

Outre ses connexions avec les réseaux de l’aide sociale, Renaud cultive ses liens avec Emploi Ontario, l’Assurance Emploi, ainsi qu’avec les nombreux autres programmes d’alphabétisation de la ville et diverses agences de services communautaires. Il préside également depuis plusieurs années la Coalition ontarienne de formation des adultes.

«La réussite d’Alpha-Toronto repose sur le fait qu’on ne travaille pas en isolement», de réitérer Renaud Saint-Cyr. «Nous sommes un exemple de meilleure pratique».

«Nos chiffres parlent avec éloquence tant par le nombre élevé d’apprenants qui réussissent que par leur satisfaction par rapport aux services reçus et notre habileté à gérer un travail énorme avec peu de moyens.»

Lors de la récente remise des diplômes lundi 11 juin 2012, Alpha Toronto a remis 121 attestations de réussite plus 62 attestations au pré-collégial.

Bien connaître la clientèle

Le succès d’Alpha-Toronto repose aussi sur son excellente connaissance de la clientèle, en majorité des nouveaux immigrants francophones, «qui pour cause de toutes sortes de circonstances se retrouvent déstabilisés dans leur vie et doivent se recycler pour se réinsérer au marché du travail», selon Renaud Saint-Cyr.

«Plusieurs d’entre eux doivent faire preuve de courage et de persévérance dans des conditions difficiles pour obtenir leurs attestations».

Par exemple, le matin de mon entrevue avec Renaud, une jeune femme haïtienne arrivée depuis peu à Toronto, se présente avec son fils de quatre ans. Elle vient consulter Renaud suite à une rencontre avec le Collège Boréal qui l’a référée à Alpha.

Elle mentionne «qu’elle détient une formation d’infirmière auxiliaire complétée en Haïti, que cela fait un certain temps et que depuis le séisme il lui serait difficile de retrouver ses diplômes.»

Renaud lui explique «qu’elle a d’abord besoin d’obtenir un DEC pour entrer sur le marché du travail, ce qui lui permettrait de s’inscrire au programme Infirmiers auxiliaires de Boréal et même éventuellement de poursuivre ses études en sciences infirmières au palier universitaire.»

Pour l’aider dans la planification de ses études, Alpha-Toronto doit premièrement procéder à l’évaluation des connaissances de la visiteuse. Sans préavis on lui propose de passer un test le jour même. Rien ne sert de perdre son temps.

«Suite aux résultats de son test, nous pourrons lui proposer un plan de formation adapté à ses besoins et selon ses conditions de vie. Ce plan peut s’étendre de trois mois à un an et demi, à raison de 25 heures par semaine idéalement», a détaillé Renaud.

«La vaste majorité de nos apprenants n’ont pas de diplômes. Nous leur proposons un service en français, gratuit, confidentiel, visant à leur permettre d’accéder rapidement au marché du travail par le biais d’un programme d’études qui correspond à ce qu’ils veulent faire.»

«Il faut une voix en français pour cette clientèle qui a besoin de survivre. Alpha-Toronto est là pour eux. C’est une question de société.»