La Liste: individualisme et auto-critique

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Publié 06/03/2012 par Guillaume Garcia

Depuis le milieu du XIXe siècle, la tendance est à l’exode rural massif en faveur des villes, où l’emploi et de meilleures conditions de vie ont vidé les campagnes de leur population. Pourtant, et c’est de moins en rare, certains citadins repartent vers les campagnes apprécier le calme, la verdure et une tranquillité accrue pour élever leurs enfants. Cela ne se fait pas forcément sans accroc, comme le montre indirectement Jennifer Tremblay dans sa pièce La Liste mettant en vedette Sylvie Drapeau et présentée au Théâtre français de Toronto jusque dimanche dernier.

Mère de trois enfants, le personnage joué par Sylvie Drapeau a réussi à convaincre son mari de partir en campagne pour retrouver une vie faite de petits plaisirs simples. Elle croyait le garder à la maison en l’enlevant du brouhaha de la ville, mais il est toujours aussi absent, absorbé par son travail et usé de faire le trajet en voiture jusqu’à la ville.

Dans un décor qui semble simpliste, mais ne l’est pas, Sylvie Drapeau nous raconte sa vie et son quotidien, hantée par la mort d’une des villageoises, son amie Caroline, dont elle se sent responsable. Nous découvrons tout au long de la pièce les raisons qui la poussent à se sentir responsable de la mort de sa seule amie dans le village.

Parce que le problème se trouve bien là. En retournant à la campagne, la vie du personnage joué par Sylvie Drapeau s’est heurté à une réalité que la plupart des citadins ont oubliée et qui comporte des bons et des mauvais côtés.

Les mauvais représentent une proximité et une interrelation entre les habitants que les urbains ne connaissent plus malgré le fait qu’ils s’entassent dans des immeubles, collés les uns sur les autres. Ici, tout le monde sait qui est qui, qui fait quoi et qui pense quoi. Ça jase, ça raconte les derniers ragots…

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Mais de l’autre côté, ça aide, ça dépanne, ça prend des nouvelles, ça invite et ça passe dire bonjour à l’improviste. Coincée dans son quotidien morose à tenter d’atteindre un rêve qui ne lui est pas accessible, la mère de famille peut compter sur son amie Caroline.

Une mère également, mais qui vit pour ses enfants, dont la maison n’est pas forcément bien rangée, mais respire le bonheur et la joie de vivre.

Perdue dans ses rangements trop bien organisés, le personnage campé par une Sylvie Drapeau exceptionnelle, ne parvient pas à perdre cet individualisme si propre à la vie en ville et se referme dans un monde fait de listes, comme autant de choses à faire qui la tuent à petit feu.

Les tâches à accomplir, ranger le linge, acheter des couches, appeler le docteur, guident une existence posée sur les rails de la solitude.

Caroline représente une main tendue au personnage, mais cette dernière ne parvient pas à l’attraper.

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Perdue dans ses listes de choses à faire, la néo-campagnarde s’enferme et ne voit pas les besoins des gens qui l’entourent.

Ses listes comme un symbole du poids de la vie, qui l’écrase littéralement au plancher ne serviront même pas à sauver son amie.

La Liste nous rappelle le drame de notre civilisation qui a choisi l’individualisme au détriment de la solidarité d’antan. Pourtant, nos coeurs n’ont pas changé et restent sensibles aux douleurs qui nous frappent.

Un message pour nous montrer que nos tentatives d’individualisation à l’extrême sont vaines. Nous ne sommes rien sans les autres et l’homme n’est jamais aussi fort que lorsqu’il est pluriel.

Auteur

  • Guillaume Garcia

    Petit, il voulait devenir Tintin: le toupet dans le vent, les pantalons retroussés, son appareil photo en bandoulière; il ne manquait que Milou! Il est devenu journaliste, passionné de politique, de culture et de sports.

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