CHOQ-FM: le pari de la différence

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Publié 04/07/2006 par Marta Dolecki

«Sur les ondes du 105.1, il est 8h22, 20 oC sur Toronto.» Au micro, la voix de l’animateur de CHOQ-FM, Éric Migneault retentit, bien placée et énergique. Les paroles voyagent à travers les ondes, direction, les postes des auditeurs branchés sur l’émission du matin. Il n’en fallait pas plus pour que la magie de la radio se mette à opérer.

Avec son slogan, «65 cultures, une fréquence», CHOQ-FM veut proposer une alternative viable, francophone de surcroît, aux radios commerciales de la Ville-Reine. Un pari aisément réussi depuis le lancement officiel de la nouvelle programmation, en mai dernier.
Dans le paysage radiophonique torontois, CHOQ-FM occupe depuis déjà quelque temps un créneau particulier. L’auditeur peut venir y retrouver des morceaux de Corneille, des airs rock du groupe québécois Corbeau et, bien sûr, toutes les nouveautés du Top 40, comprenez, les succès du moment.

Professionnels et bénévoles francophones participent à la bonne réalisation des émissions. Les premiers assurent la programmation de 6 à 18h, les seconds ont la charge du volet communautaire.

Comme dans une chanson d’Ariane Moffatt, on se croirait «à Montréal/la tête gonflée de nuages.» À la différence près qu’on est ici dans la Ville-Reine, à travailler et à faire tourner des disques, le tout en français. Non loin de là, sur la bande FM, la fréquence 90.3 est habitée par un autre radiodiffuseur francophone.

Il s’agit du concurrent radio-canadien. Éric Migneault, qui est aussi directeur des programmes de la station, souhaite néanmoins éviter toute comparaison avec le grand conglomérat. «Il n’y a pas vraiment de concurrence entre nos deux radios, précise-t-il. Nous sommes une station musicale, avec seulement 15% de contenu parlé. Nous cherchons aussi à offrir aux francophones quelque chose de nouveau, pour que les gens sachent qu’ils sont sur CHOQ.»

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Le secret de la formule? Il n’y en a pas, justement…

À l’instar d’un menu à prix fixe, certaines radios proposent un format préétabli. Le service consiste en un quart d’heure de musique, encadré par des interventions ponctuelles, des bulletins de nouvelles, suivis d’un aperçu de la circulation.

D’autres stations préfèrent laisser l’auditeur deviner les plats proposés au menu. Calquées sur le modèle des «talk radios» à l’Américaine, elles vont davantage privilégier la libre expression, sans se cantonner à un format particulier.

De 6 à 9h, Éric et son comparse Fernand Ackey, journaliste-animateur, lui aussi aux commandes de l’émission du matin, ont justement choisi d’emprunter cette dernière voie. «Nous nous sommes réservé un no-format, affirme Éric Migneault, mi-blagueur, mi-sérieux-. C’est un goût qui s’est imposé progressivement. On veut que les gens écoutent et soient surpris. On parle de sujets qui nous intéressent. La nouvelle du bulletin de 7h peut, par exemple, faire l’objet d’une discussion plus approfondie. On essaie de provoquer le débat. Les gens sont d’accord avec nous et parfois, ils le sont moins. C’est à ce moment que les discussions les plus animées ont lieu», explique-t-il.

À CHOQ-FM, le ton est toujours respectueux, mais il est aussi loin d’être rigide. La radio veut imposer un style différent. On y parle en toute liberté de la coupe du monde de soccer, du protocole de Kyoto, de l’énergie nucléaire, mais aussi… d’excréments, en compagnie d’un invité plutôt sérieux: le président du conseil d’administration de Radio-Canada, Guy Fournier.

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Surprenant et de mauvais goût avez-vous dit? Les animateurs sont en tous cas convaincus de la véracité de leur formule. Ils affirment que, le lendemain, la même discussion a fait parler de la radio jusque dans les pages de La Presse et du Journal de Montréal. Toute publicité serait-elle donc après tout bonne à prendre? Peut-on parler de tout et de n’importe quoi à l’antenne?

Ne pas avoir peur des mots

«On souhaite que tous nos auditeurs se demandent constamment ce qui s’en vient dans la prochaine minute, justifie le directeur des programmes. On n’a pas inventé la roue avec ce concept. Les animateurs numéro un au Québec, aux États-Unis, le font tous au quotidien. Ils ont des auditeurs qui con-ti–nuent à écouter, justement parce qu’ils aiment ce sentiment de constante incertitude.»

Au détour de la conversation, Éric Migneault en vient à glisser le nom de l’Américain Howard Stern. L’animateur vedette de radio est connu pour ses coups de gueule qui lui ont valu des démêlés avec la censure. Au Québec, il a pour équivalent Jeff Fillion de CHOI-FM, lui aussi célèbre pour ses propos controversés. Certains aiment, d’autres moins. Mais, à chaque fois, c’est le principe de liberté d’expression qui prévaut, un principe d’ailleurs cher à Éric Migneault.

«J’estime qu’il ne faut pas avoir peur des mots. On appelle une pomme, une pomme; une pomme pourrie, une pomme pourrie. S’il y a quelque chose que je déteste dans les émissions de radio régulières, c’est l’absence complète de prise de position. On parle des choses, et puis on laisse tout en suspens. Il vaut mieux ne pas en parler si on n’a rien à dire dessus», s’exclame l’animateur.

Deux animateurs, deux manières de voir le monde

À ce propos, lui et Fernand ne s’entendent pas toujours. Le premier a fait son chemin dans les radios commerciales, CHOI-FM, Radio Énergie, au Québec. Le second préfère porter un regard neutre sur les évènements, question de conserver sa crédibilité. Il a exercé la profession de journaliste en Afrique, avant de venir s’installer au Canada en 2001. Dans une moindre mesure, les origines des deux animateurs influencent elles aussi leur manière de voir le monde.

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Si Éric est né et a grandi au Québec, Fernand est lui originaire du Togo. «Nous venons de deux cultures radiophoniques, de deux endroits à l’opposé de la terre, constate Éric dans un sourire. En ondes, quand on aborde un sujet, on a parfois des points de vue divergents. C’est aussi cela qui fait la richesse de notre émission», de constater l’animateur.

En attendant, CHOQ-FM propose toute une palette d’émissions ludiques, informatives et pour tous les publics. Le Midi show permet d’aborder l’information de façon plus approfondie. Des émissions comme Franco-Hebdo font le tour de l’actualité francophone à l’échelle internationale. Tous les jeudis soir, 100% Nana dissèque les dernières tendances en matière de mode, sans pour autant oublier les potins. Le vendredi, de 20 à 22h, Fernand Ackey anime aussi Africana qui propose un contenu musical et des reportages sur les réalités des différentes communautés africaines à travers le monde.

À ce stade, Éric Migneault pense avoir complété la moitié de sa grille communautaire pour la rentrée de septembre. La radio recherche encore des bénévoles qui pourraient proposer des idées d’émissions originales de 18 à 22h. Les débutants sont les bienvenus puisque la station se propose de les former.

«Ça commence maintenant à rentrer un peu plus, les gens nous appellent avec des idées, affirme Éric. On voudrait remplir toute notre grille communautaire. Quand on aura l’ensemble des émissions sur la table, alors là, oui, on pourra dire que CHOQ-FM a pris son élan et qu’on est sur le pilote automatique. En attendant, il faut promouvoir la station. Et il reste beaucoup de travail à faire, admet-il. Ma voisine, par exemple, a des amis francophones et personne n’est au courant de notre existence», conclut l’animateur, une petite pointe de déception dans la voix.

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