La France face à son passé vichyste: devoir d’histoire plus que de mémoire

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Publié 15/11/2011 par Guillaume Garcia

La France et l’Allemagne sont les seuls pays à avoir présenté des excuses nationales aux personnes victimes de la Shoah. Comment la France, «pays des Droits de l’Homme», «pays des Lumières», mais qui a participé à l’un des épisodes les moins glorieux de l’histoire, doit-elle regarder cette période, l’étudier, pour avancer dans sa propre histoire? Deux chercheurs ont présenté leur point de vue et les dernières recherches dans le domaine à l’Alliance française de Toronto, la semaine dernière, dans une salle pleine à craquer.


Dans le cadre de la Semaine d’éducation sur l’Holocauste, qui coïncide chez nous avec celle du Souvenir, l’événement était organisé par la Fondation Azrieli, en partenariat avec le Mémorial de la Shoah à Paris. Il réunissait Michael Marrus, professeur émérite de l’Université de Toronto, et Tal Bruttman, historien de renom du Mémorial de la Shoah à Paris pour aborder le délicat sujet du passé vichyste français et de son poids dans la mémoire collective.


Michael Marrus a précisé parler de la persécution des juifs par le gouvernement français avant la défaite et l’occupation, un programme soutenu à l’époque par l’opinion publique française.


«La France est passée par plusieurs étapes pour franchir le cap de son passé vichyste. Il y a eu les grands procès, comme celui de Klaus Barbie, mais le moment-clé a été le discours de Jacques Chirac en 1995 qui reconnaissait la responsabilité du gouvernement français de l’époque.»


Mieux vaut tard…


«Ces questions de responsabilité auraient dû avoir lieu dans les années 50, mais ce qui a été fait dans les années 90 est pas mal», selon le spécialiste, auteur d’un des premiers ouvrages sur la question, en 1981, en collaboration avec le précurseur de la recherche dans le domaine, Robert Paxton.


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L’historien a insisté sur le fait qu’un pays ne puisse régler de manière définitive les grandes injustices et qu’assumer son passé est un processus et non un achèvement.


L’Amérique du Nord a beaucoup critiqué les rôles de la France ou de l’Allemagne pendant la guerre et, selon le conférencier, il faut se méfier des jugements hâtifs.


Accueil des juifs


Par exemple, il a précisé que la France a été le seul pays à bien vouloir accueillir les juifs chassés de Pologne avant le début de la guerre, quand les États-Unis, le Canada et bien d’autres leur fermaient leurs frontières.


De plus, les É.-U. appuyaient, pendant la guerre, un colonel français en poste à Alger ouvertement antisémite, au détriment de De Gaulle, qui affirmait pourtant faire tomber toutes les lois antisémites dès qu’il arriverait au pouvoir.


Les deux chercheurs ont également expliqué la difficulté de juger les tentatives de la France à reconnaître ses responsabilités au moment des rafles, par exemple quand on sait que les premières politiques antisémites sont intervenues bien avant, dès les années 40. «C’est ici la première culpabilité française», ont-ils précisé.


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Attention aux mythes


Après leur conférence, les historiens ont répondu aux questions du public et il n’a pas fallu longtemps avant que les discussions ne dérapent. La responsabilité de la France, le devoir de mémoire, le contexte, la diversité des comportements pendant la guerre, toutes ces problématiques ont été abordées, avec comme point final à la discussion l’idée qu’il faut lutter contre les mythes, ne pas faire de généralités et essayer de nuancer son propos.


Sur la question du devoir de mémoire, les deux spécialistes sont d’accord sur le fait que c’est un devoir d’histoire qu’il faut faire, plus qu’un devoir de mémoire.


«On ne peut obliger quelqu’un à se rappeler quelque chose, mais on peut faire en sorte qu’il l’apprenne et le comprenne.»


Reste aux États de faire peut-être mettre un accent plus important à l’égard de cette période dans les cursus scolaires. Ainsi, la jeunesse sera consciente et formée pour parler d’un sujet aussi sensible.

Auteur

  • Guillaume Garcia

    Petit, il voulait devenir Tintin: le toupet dans le vent, les pantalons retroussés, son appareil photo en bandoulière; il ne manquait que Milou! Il est devenu journaliste, passionné de politique, de culture et de sports.

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