Mardi 30 mai, il est environ 23h50 sur la rue Bloor, dans le quartier de l’Annex. La température avoisine les 30oC. Même à une heure tardive comme celle-ci, les gens sont encore assis aux terrasses des cafés. Certains discutent entre eux, d’autres consomment une pinte de bière ou encore une boisson glacée en ces premiers jours de chaleur estivale.
Sur la terrasse du Kilgour’s Bar Meets Grill, Don, Rachel et Chris, trois fumeurs installés à des tables séparées, s’adonnent au plaisir coupable en tirant de petites bouffées sur leur cigarette. Ils échangent quelques mots et en profitent pour rallumer une dernière sous l’auvent de ce bar bien connu des amateurs de hockey du quartier.
Tout à coup, sur les coups de minuit, la scène prend des allures de cérémonie funéraire. Une trompette retentit dans la pénombre et toute la terrasse se retrouve plongée dans un silence quasi-religieux. Un étudiant en musique au Collège Humber, Patrick McGroarty, joue un air triste et solennel devant une petite cinquantaine d’habitués, tous désireux de tourner ensemble ce qui se vit ici comme une véritable page d’histoire.
Une cérémonie pour marquer l’entrée en vigueur de la nouvelle loi
Le propriétaire du bar, Peter Kilgour, ne fume pas d’ordinaire, mais le voici, cigare au bec, en train de prononcer un discours d’adieu à la mémoire d’un vieil ami fidèle: l’auvent qui a recouvert ce patio de la rue Bloor pendant plus de 10 ans. Lentement, le propriétaire replie ce dernier jusqu’à ce que ce qu’il ne forme plus qu’une mince bande au-dessus de la terrasse. Des applaudissements fusent alors de toutes parts.
Ce qui, à la lumière de cette cérémonie officielle, pourrait avoir l’air d’un enterrement marque en réalité l’application de la nouvelle loi anti-tabac de l’Ontario. Dans la province, depuis le 30 mai dernier, la loi étend l’interdiction de fumer à tous les lieux de travail et les espaces publics fermés, incluant les centres commerciaux, les salles de bingo, de quilles, de billards, de casino, les terrasses partiellement et complètement couvertes, les fumoirs, les clubs privés, les salons de cigare et, enfin, les cours d’écoles primaires et secondaires.