Une deux centième chronique

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Publié 19/04/2011 par Martin Francoeur

J’avais envie de vous parler de la diphtongaison. Puis j’ai voulu revenir sur les palindromes, même si j’avais déjà abordé le sujet dans ces pages. J’ai aussi l’intention d’aborder la question des archaïsmes. Malgré les apparences, il devient de plus en plus laborieux de trouver des sujets originaux pour cette petite chronique sans prétention. Et même si j’avais quelques idées, j’ai renoncé à ces sujets quand j’ai ouvert le document qui allait devenir mon éternelle source d’angoisse: une page blanche.

J’ai réalisé, en donnant un nom au document informatique en question, qu’il s’agit de ma deux centième chronique «En bon français». C’est mon petit bicentenaire à moi, en quelque sorte.

L’occasion est donc belle pour parler des cents, des centaines et des centièmes…

Observons d’abord le titre de cette chronique. Lorsqu’on écrit «200e» en toutes lettres, on se doit de laisser de côté toute envie de mettre un trait d’union. Le déterminant numéral ordinal «deux centième», est loin d’avoir le même sens que le nom «deux-centième» (1/200), ou que le nombre fractionnaire «deux centièmes» (2/100 ou 0,02).

On parle donc de la deux centième chronique comme on parlerait du quatre centième anniversaire de la ville de Québec, ou du deux centième anniversaire de la Guerre de 1812.

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Dans ces cas, «centième» ou «deux centième» de façon composée sont des adjectifs numéraux ordinaux. Les ordinaux indiquent un rang et suivent la règle générale des adjectifs ordinaires, nous dit Grévisse dans Le Bon Usage. Les ordinaux peuvent aussi être employés comme nom, par exemple si on dit: «Le centième à franchir les portes du magasin recevra un chèque-cadeau». En revanche, lorsqu’on parle de fractions ou de rapports, on écrirait «un deux-centième de la population de la ville est d’origine scandinave».

Le mot «deux-centième» est ici un nom exprimant une fraction. Et il doit suivre l’accord du pluriel lorsqu’il y en a plusieurs. On pourrait parler de «seize deux-centièmes» pour exprimer la fraction 16/200. Quoique dans des cas comme celui-là, la formulation en pourcentage (0,5 % pour 1/200 et 8 % pour 16/200) est beaucoup plus répandue. Par contre, si on dit «environ deux centièmes des habitants de la ville sont d’origine française», le pourcentage exprimé est de 2 pour cent ou 2 %.

Mais revenons à nos deux cents chroniques. S’il y en a 200, on retiendra que les règles d’écriture des nombres en lettres font en sorte que lorsque l’unité (cent) est multipliée, on doit l’accorder si le mot «cent» (et c’est aussi vrai pour «vingt») termine le nombre.

On écrira donc: «deux cents», «neuf cents» ou «seize cents», mais «deux cent trois», «neuf cent cinquante» et «seize cent quatre-vingt six».

La seule exception survient lorsque «cent» précède un nom comme «million» ou «milliard». On écrirait alors «deux cents millions» même si on parle d’un nombre unique correspondant à 200 000 000.

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Dans le cas de «deux cents», le mot «cents» est en quelque sorte un synonyme de «centaines». J’ai produit deux centaines de chroniques exactement.

Autre petite exception à retenir: les mots «cent» et «vingt» peuvent être invariables même s’ils sont multipliés et qu’ils ne sont pas suivis d’un nombre. C’est lorsqu’ils ont une valeur ordinale, au sens de «vingtième» et de «centième».
Pour cette raison, on écrira: «la page deux cent» ou «le chapitre «quatre-vingt» puisqu’on veux exprimer l’idée qu’il s’agit de la «deux centième page» ou du «quatre-vingtième chapitre».

Je ne vous apprends rien en vous disant que l’écriture des nombres est complexe. C’est un art en soi. Les fautes grammaticales sur des chèques, où il faut écrire le montant en toutes lettres, sont courantes. C’est probablement là l’exemple le plus courant d’erreurs d’écriture des nombres. Parce qu’autrement, il est tout à fait permis de les écrire en chiffres, même dans des textes soutenus. Enfin, il y a une dernière règle qui mérite d’être mentionnée même si elle n’est pas absolue et qu’elle est contestée par certains. Il existe une concurrence entre l’addition et la multiplication pour les nombres compris entre 1000 et 2000.

Certains diront «onze cent vingt-trois» (le cent étant multiplié) pour 1123, alors que d’autres diront «mille cent vingt-trois» (on additionne mille et cent).

Grévisse nous dit que si le nombre des centaines ne dépasse pas seize, on privilégiera la formule multiplicative. Jacques Cartier serait donc arrivé au Canada en «quinze cent trente-quatre» mais la confédération canadienne est née en «mille huit cent soixante-sept». Encore là, l’écriture des années en lettres est plutôt rare. Mais ça peut avoir une certaine incidence sur la prononciation à haute voix des années (ou des nombres) compris entre 1000 et 2000.

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Arrêtez-moi lorsque je serai rendu à ma douze centième chronique… Ou à ma mille deux centième!

Auteur

  • Martin Francoeur

    Chroniqueur à l-express.ca sur la langue française. Éditorialiste au quotidien Le Nouvelliste de Trois-Rivières. Amateur de théâtre.

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