Mesures spéciales pour les Haïtiens en matière d’immigration

«L’intention était bonne, mais l’impact limité»

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Publié 18/01/2011 par Annik Chalifour

Suite au séisme de janvier dernier à Port-au-Prince, Citoyenneté Immigration Canada (CIC) avait annoncé des mesures spéciales visant à accélérer le traitement des demandes de parrainage présentées par des citoyens canadiens ou des résidents permanents d’origine haïtienne, qui ont des membres de leur famille immédiate en Haïti. Selon son expérience à la Clinique juridique du Centre francophone de Toronto, Me Aissa Nauthoo, directrice juridique du CFT, rencontrée par L’Express, a rapporté l’impact limité de ces mesures qui ont pris fin à la fin d’août 2010.

Les mesures spéciales de CIC ont créé beaucoup d’attente dans la communauté haïtienne; plusieurs membres de la communauté ont pris pour acquis que la réunification de famille serait rapide, alors que les exigences du gouvernement liées au processus des demandes de parrainage sont et restent fastidieuses et longues, selon Aissa Nauthoo.

Me Nauthoo a rappelé que, selon la loi, «les Haïtiens ou autres personnes en attente de leur statut de réfugié, n’ont pas le droit de présenter une demande de parrainage sans avoir obtenu leur résidence permanente.»

Aux cas des réfugiés haïtiens, s’ajoute le groupe des demandeurs d’asile, en attente d’une date d’audience auprès de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, également pénalisés par ses mesures spéciales, puisqu’ils ne peuvent non plus présenter une demande de parrainage, sans avoir acquis leur statut de résident permanent.

Un demandeur d’asile doit attendre deux ou trois ans en moyenne pour comparaître devant la Commission, qui lui ou ne lui accordera pas le statut de réfugié. Tant que le demandeur d’asile n’a pas été accepté comme réfugié, il ne peut pas faire une demande de résidence permanente, donc ne peut procéder pour inclure les membres de sa famille à charge (conjoint et enfants à charge) dans sa demande.

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Demande de résidence permanente

Une fois le statut de réfugié accordé, le processus lié à la demande de résidence permanente requiert un délai de neuf à douze mois. «Le traitement de la demande de résidence des membres de la famille ne commence que lorsque le demandeur principal a obtenu sa résidence», précise l’avocate.

«Force est de constater qu’il n’y a pas vraiment d’engagement de la part du gouvernement à accélérer le traitement des demandes de résidence provenant d’Haïtiens ou d’autres personnes qui font une demande pour des considérations humanitaires», selon Me Nauthoo.

«Mais tout n’est pas que négatif! Nous avons réussi à réunir en quelques mois une maman réfugiée d’Haïti, avec son fils de six ans», témoigne-t-elle.

«Ceci grâce au Conseil canadien des réfugiés (CCR) qui, à notre demande, est intervenu dans ce cas-ci. Le CCR appuie en priorité les cas d’enfants séparés de leurs parents.»

Par ailleurs, selon Me Nauthoo, «depuis décembre 2010, on note que de plus en plus de dossiers de demandes humanitaires à Toronto sont transférés à Montréal, pour des considérations linguistiques et en vue d’expédier les demandes.»

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Efficience vs la réalité du terrain

En troisième lieu viennent les demandes de parrainage soumises par des résidents permanents ou citoyens canadiens d’origine haïtienne, dont les démarches exigées par CIC demeurent difficiles à exécuter, compte tenu de la situation chaotique en Haïti.

Notons que les dossiers de parrainage représentent la minorité des cas traités en matière d’immigration.

Selon les exigences de l’immigration canadienne, tout nouvel arrivant doit, entre autres, avoir passé un examen médical et obtenu un extrait de casier judiciaire avant d’entrer au Canada; il doit aussi voyager avec un passeport valide. 

«Vu la catastrophe sans précédent, le personnel médical apte à performer les examens médicaux requis en Haïti, est limité. D’autre part, il est aussi très difficile de repérer ou d’émettre du côté d’Haïti, les documents d’identité exigés, passeports et autres, qui ont disparu», explique Me Nauthoo.

La situation très précaire sur le terrain continue d’affecter et de ralentir le bon déroulement des procédures d’immigration, selon la directrice de la Clinique juridique du CFT.

Rappelons que les membres de la famille éligibles au parrainage sont les conjoints/époux, enfants à charge, parents, grands-parents ainsi que les membres de la famille orphelins et mineurs- frère, soeur, neveu et nièce.

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Les réfugiés, eux, ne peuvent inclure dans leur demande de résidence que leur conjoint/époux et leurs enfants à charge.

En outre, on se souviendra que les Haïtiens basés au Québec pouvaient, jusqu’en juillet 2010, également parrainer leurs frères et sœurs; ce qui n’était pas le cas en Ontario.

Loi sur l’immigration

Il est à noter que les réformes de la Loi sur l’immigration (projet de loi C-11) sur le système d’octroi de l’asile entreront en vigueur vers le mois de juin 2011.

«Selon ces réformes, les demandeurs d’asile n’auront que 15 jours pour se préparer en vue de leur audience, collecte d’information, à compter de leur arrivée ici», détaille l’avocate.

Selon Me Nauthoo, ces changements légaux affecteront le travail de la Clinique juridique du Centre francophone.

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«Plusieurs de nos clients sont des femmes persécutées dans leur pays d’origine, qui ont souvent été victimes de viol collectif. Elles doivent obtenir des lettres d’outre-mer, qui confirment leur vécu. Tout cela prend du temps, sans compter le soutien émotif et psychosocial dont ces femmes ont besoin à leur arrivée ici.»

La Clinique juridique du CFT comprend deux juristes dont la directrice Me Nauthoo et deux travailleurs juridiques communautaires, qui offrent des services juridiques gratuits en français à Toronto: les droits des réfugiés constituent plus de 80% des dossiers traités par la Clinique.
www.centrefranco.org

Auteur

  • Annik Chalifour

    Chroniqueuse et journaliste à l-express.ca depuis 2008. Plusieurs reportages réalisés en Haïti sur le tourisme solidaire en appui à l’économie locale durable. Plus de 20 ans d'œuvre humanitaire. Formation de juriste.

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