Quel dommage que, dans l’esprit de bien des gens, la flûte traversière soit devenue synonyme de classiques du dimanche matin, du genre à ensoleiller vos brunchs sur la terrasse. C’est dommage pour la flûte et c’est dommage pour nous.
Parfois, il faut un interprète passionné – et passionnant – pour remettre les choses à leur place, et rendre à un instrument galvaudé ses lettres de noblesse. Alain Marion était de cette race de musiciens. Celui qui nous a quittés en 1998 semblait chez lui dans tous les contextes musicaux, à toutes les époques et en toute compagnie.
Rassemblant plus de trois heures – et trois siècles! – de musique, le coffret Une vie pour la musique donne à l’étiquette montréalaise Analekta l’occasion de rendre hommage à cet incomparable interprète et pédagogue qui jouissait de l’estime de ses pairs, même si la notoriété des Rampal et Galway, ses plus célèbres homologues, lui a toujours échappé.
Glanés parmi les enregistrements qu’il signa pour le compte d’une demi-douzaine d’étiquettes, Une vie pour la musique revisite quelques repères familiers du Baroque (Handel, Bach), mais nous fait aussi découvrir des partitions plus obscures (les trios pour flûtes de François Devienne, à qui Marion vouait une admiration particulière), sans oublier cette adaptation miraculeuse de la Sonate pour violon no 5 de Beethoven, une œuvre qui, dans le souffle de la flûte, porte encore mieux son nom de «Printemps».
Tantôt d’une grisante virtuosité (La Grande Polonaise de Théobald Böhm), tantôt d’un onirisme délicat (Après un rêve, de Fauré), le deuxième volet de ce triple coffret, qui couvre l’époque romantique, offre les gratifications les plus immédiates.