«La diversité des récits enrichit notre dualité linguistique» – Graham Fraser

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Publié 28/09/2010 par Annik Chalifour

Graham Fraser, commissaire aux langues officielles, a inauguré la saison culturelle de l’Alliance française de Toronto (AFT), jeudi 23 septembre, dans le cadre de la série annuelle des conférences proposées par l’AFT en collaboration avec la Société d’histoire de Toronto. Voici un aperçu de son allocution intitulée Dualité linguistique au Canada et récits sur la langue: une toute autre lecture de l‘histoire.

«Comprendre l’histoire canadienne n’est pas chose facile, il est souvent plus simple d’y trouver des récits plutôt négatifs que positifs liés à l’avènement de la dualité linguistique au pays», d’introduire le commissaire.

Pour illustrer ses commentaires, M. Fraser a référé à certains faits et ouvrages historiques couvrant la période de la Conquête jusqu’aux années 1980, en guise de témoignage du cheminement identitaire des Canadiens tant francophones qu’anglophones.

«C’est justement la diversité des récits, des personnages et des événements qui enrichissent notre compréhension de notre histoire en tant que Canadiens.»

Questionnement identitaire

«En 1912, l’adoption par l’Ontario du règlement 17 et l’abolition, en 1916, des écoles de langue française au Manitoba, ont semblé mettre fin à toute instruction dans une langue minoritaire au pays», de mentionner le commissaire.

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«La persécution scolaire, la crise de la conscription et la guerre de 1914, sont autant d’événements qui ont obligé les Canadiens français à s’interroger sur la nature réelle de l’union canadienne.»

«Mais ces événements ont aussi marqué l’histoire à travers l’action politique de gens tels que le fondateur du journal Le Devoir, Henri Bourrassa et l’historien Lionel Groulx, éditeur de la revue l’Action française .

Éclatement du Canada français

Au tournant du XXe siècle, le rejet du nationalisme de Bourassa par le Canada anglais et la montée de l’impérialisme chez les anglophones sont perçus comme un exemple d’opposition entre francophones et anglophones.

«En outre, l’intérêt de Groulx envers les luttes scolaires, notamment en Ontario, va contribuer à renforcer l’idée que la nation canadienne française était de plus en plus refoulée au Québec», d’ajouter le conférencier.

«À l’époque, le récit de l’abandon des communautés francophones par le Québec prédominait chez plusieurs historiens ainsi que dans l’enseignement de cette période de l’histoire des communautés francophones minoritaires.»

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Inclusion et respect

«Les premières étapes clés vers une démocratie canadienne ont été amorcées en 1842 par Robert Baldwin et Louis-Hippolyte Lafontaine», a rappelé le commissaire.

«Dix ans plus tard, le discours du trône était lu dans les deux langues, consacrant le retour du français comme langue officielle au Parlement.»

En 1856, Macdonald résumait sa tâche de premier ministre en affirmant «qu’il devait se faire l’ami des francophones sans pour autant renier sa race et sa religion et qu’il devait respecter leur nationalité», de citer le conférencier.

Bases de l’identité canadienne

En 1916, durant la Première Guerre mondiale, un groupe de personnes ont formé la «Bonne Entente», qui se voulait une tentative de rapprocher l’Ontario et le Québec. Cette initiative a mené à la création de la Unity League of Ontario en 1921 visant à abolir le règlement 17; lequel a finalement été annulé en 1927.

Selon M. Fraser, trois ouvrages datant de cette époque, ont également contribué de façon significative à l’avancement du bilinguisme au Canada: The Clash: A study in Nationalities de William Moore, publié en 1918; The Birthright de Arthur Hawkes et Bridging the Chasm de P. F. Morley, publiés en 1919.

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À bas les préjudices

Le livre de Moore affirmait que «les traditions britanniques englobent le bilinguisme et l’inclusion et dénonçent l’hypocrisie canadienne-anglaise.»

De son côté, Hawkes s’est attaqué aux préjudices envers le Québec, les Canadiens français et les immigrants. «Il y dénonce le fait que le français n’est pas reconnu comme langue officielle en Ontario.»

Par ailleurs Morley, soutenait que la tradition britannique était fondée sur le respect et l’inclusion. «Il décrivait un empire où les diverses cultures représentées se sentent chez eux et où leurs droits linguistiques sont respectés.»

Vers la dualité linguistique

«Plutôt que de considérer le manque de popularité des idées de Bourassa sur le nationalisme canadien auprès des anglophones comme étant négatif, exception faite de quelques-uns, dont les trois auteurs précités, on peut plutôt y voir un jalon important», d’affirmer M. Fraser.

«Un repère vers l’élaboration d’une identité proprement canadienne, qui comprend aujourd’hui la reconnaissance de la dualité linguistique comme une valeur fondamentale de notre pays.»

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Le récit de la défaite du Canada français peut aussi être vu comme étant le début d’un chapitre nouveau dans l’évolution des communautés francophones d’un bout à l’autre du pays, d’émettre le commissaire.

Grand vent d’ouverture

Selon M. Fraser, «cet éloignement entre le Québec et les communautés francophones minoritaires s’est accompagné d’un grand vent d’ouverture à l’endroit du Québec, de la langue et de la culture françaises de la part du gouvernement fédéral.»

«Si ce vent d’ouverture est certes lié à la montée du nationalisme québécois, c’est aussi en raison de ce dernier que Lester B. Pearson a créé la Commission royale d’enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme. Laquelle a mené à l’adoption de la Loi sur les langues officielles en 1969.»

Selon le commissaire, les multiples versions de notre histoire démontrent bien que tant les francophones que les anglophones ont façonné la politique de notre dualité linguistique: «Tout comme il existe une dualité canadienne, il existe une dualité, voire une pluralité, de récits de l’histoire canadienne.»

Auteur

  • Annik Chalifour

    Chroniqueuse et journaliste à l-express.ca depuis 2008. Plusieurs reportages réalisés en Haïti sur le tourisme solidaire en appui à l’économie locale durable. Plus de 20 ans d'œuvre humanitaire. Formation de juriste.

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